> Carte blanche d’Yves Chiron
Le cardinal Journet a déjà eu plusieurs biographes, notamment Lucien Méroz en 1981 et Guy Boissard en 2000. Philippe Chenaux, historien suisse, professeur émérite à l’Université pontificale du Latran, publie ce qu’il appelle une « biographie intellectuelle et politique » du théologien mort en 1975. Il a relié et complété des études particulières qu’il avait publiées ces dernières décennies, d’où l’aspect incomplet de cet ouvrage. Ainsi on ne saura rien de l’enfance, de la jeunesse et de la formation de Charles Journet, si ce n’est quelques dates données page 24. La rencontre avec Jacques Maritain en 1922 fut déterminante. Commença entre l’abbé et le philosophe une amitié intellectuelle et spirituelle qui dura toute leur vie et dont témoignent les six épais volumes de leur Correspondance, très bien édités entre 1996 et 2008 et qui sont une mine d’informations sur la vie intellectuelle du catholicisme au XXe siècle. Philippe Chenaux consacre plusieurs chapitres au « théologien engagé dans les combats de son temps », en faveur de la dignité de la personne humaine et du respect de la conscience face aux totalitarismes. En revanche, il n’évoque pas la genèse ni la spécificité de la grande œuvre théologique qui reste attachée au nom du cardinal Journet : L’Église du Verbe incarné, publiée en trois gros volumes entre 1941 et 1962. Mais un chapitre très intéressant, fondé sur des archives inédites, est consacré à la suspicion dont firent l’objet certains écrits de l’abbé Journet au début des années 1950. Il s’agit des deux brochures, La Définition solennelle de l’Assomption de la Vierge Marie et le Petit Catéchisme sur les origines du monde, et du deuxième tome de L’Église du Verbe incarné. Chacun de leur côté, la Secrétairerie d’État et le Saint-Office firent lire les ouvrages par des théologiens qualifiés. Les jugements portés ne furent pas tous favorables – il y eut notamment une longue critique du père Garrigou-Lagrange. Des faiblesses furent relevées, mais les brochures et le livre ne furent pas condamnés. Journet, devenu cardinal, ne participa qu’à la IVe session du concile Vatican II. Il essaya, mais trop tard, d’intervenir sur la déclaration relative aux Juifs ; mais il eut une influence déterminante (à la demande de Paul VI) en faveur de la déclaration sur la liberté religieuse. On peut regretter que Philippe Chenaux ne dise rien de la réaction du cardinal Journet face à la réforme liturgique et à la…