Nous avions eu dans la même semaine deux articles parus dans Valeurs actuelles et Libération sur le Plaidoyer pour une propriété anticapitaliste de Chesterton, édition par nos éditions. Nous venons cette semaine d’avoir un autre doublé avec un article dans Minute et un autre dans Le Nouvel Observateur.
Dans Minute, Joël Prieur s’attache principalement à la vision de l’homme et de la société qui sert d’appui à l’approche si particulière de Chesterton pour les questions politiques et économiques.
« La force de ce livre, écrit Joël Prieur, c’est, au hasard d’une de ces digressions fulgurantes dont Chesterton a le secret, denous expliquer le cadre anthropologique d’une telle réforme.L’auteur de ce Manifeste vibrant s’est trouvé lui-même son saint patron et c’est… à Virgile qu’il nous fait remonter. « Heureux celui qui est capable de connaître les raisons des choses. » Virgile, par ce mot célèbre, ne caractérise pas le philosophe, à qui échappe toujours plus ou moins la matière de ce dont il parle. C’est l’apiculteur que le poète nous donne en modèle ; il connaît tout le processus à travers lequel les abeilles produisent leur miel pour la plus grande joie des hommes. « C’est au cours de ces tranquilles, champêtres et bucoliques réflexions que Virgile célèbre tout à coup le bonheur de celui que ni les rois ni les peuples ne peuvent intimider et qui, connaissant la racine et la raison de toutes choses, peut même entendre sous ses pieds sans se troubler le mugissement du fleuve qui traverse le Tartare. » Puissance de l’apiculteur. Faibles se de l’ouvrier, qui n’est pas maître de son propre travail et au – quel échappent la plupart des raisons et des causes. Sa vie morcelé d’instrument au service du capital n’est pas une vie. L’homme, lorsqu’il se sépare de sa nature de connaisseur des causes pour accomplir à un rythme ultrarapide des tâches segmentées, toujours les mêmes, de vient une sorte d’embryon d’humanité. Ce malaise métaphysique dans la civilisation, on ne le supprimera pas par la révolte des em bryons (appelée lutte des classes), mais en réconciliant l’homme avec lui-même, par un patient travail de réhumanisation : « Nous avons be soin d’un cercle social où les choses re viennent constamment à ceux qui les ont fait croître et qui nous les envoie, ainsi que des gens qui savent le commencement, le déroulement et la fin de notre petite vie. »
Dans Le Nouvel Obs, Frédéric Vitoux note que « Chesterton monte au créneau » contre le capitalisme :
« Le totalitarisme stalinien comme les concentrations industrielles propres aux sociétés libérales, les grands magasins qui supplantent les petits commerces et les paysans chassés de leurs terres au profit des grosses propriétés, lui font également horreur. Contre Bernard Shaw et les Fabians, ces intellectuels socialistes britanniques proches des travaillistes, Chesterton bataille pour ce qu’il appelle le «distributisme». Autrement dit, des propriétés à peu près d’égale importance pour chaque fermier et l’appel à la mobilisation des consommateurs qui se regrouperaient pour défendre les petits commerces de proximité contre ce qu’on n’appelait pas encore à l’époque les super ou hypermarchés. Bien entendu, l’histoire a balayé les espoirs angéliques de Chesterton (ce mot angélique l’aurait ravi, lui qui affirmait croire dur comme fer aux chérubins et autres séraphins) et a rendu vains ses combats. Il n’empêche que les cibles qu’il désignait – la déshumanisation liée aux grands monopoles pour ne rien dire des égarements du communisme – sont toujours devant nous.
On s’enchante encore aujourd’hui à le voir déployer ses arguments, à jouer de tous les paradoxes et à pourfendre ses adversaires avec une férocité jubilatoire et une foi dont on se moque bien de savoir si elle était bonne ou mauvaise. Son livre conserve une présence, une force, une urgence même, qui sont celles de toutes les oeuvres quand elles relèvent d’abord de la meilleure littérature. Comment ne pas aimer Chesterton, ce catholique anglais qui semble si heureux jusque dans ses colères, quand il dénonce les catastrophes induites par l’économie libérale, et qui n’avait que sa plume pour convaincre et son esprit pour mettre les rieurs de son côté ? »
Et si vous faisiez de ce livre, la lecture de vos vacances ?