Comprendre Pontmain

Publié le 16 Jan 2020
Comprendre Pontmain L'Homme Nouveau

L’an prochain verra le cent cinquantième anniversaire de l’apparition de Notre-Dame à Pontmain, le 17 janvier 1871. C’est une commémoration qu’il sera important de célébrer avec faste et recueillement car elle marquera ce qui ressemble à un réveil, serait-il encore modeste, du sentiment religieux et de la piété mariale en France.

Le fait est d’autant plus remarquable que le centenaire, dans l’immédiat après concile, fut entouré d’ambiguïtés qui, toutes, n’ont pas disparu. L’événement, comme le message de Notre-Dame, dérangeaient, et continuent de déranger. Que s’est-il donc passé, pourtant, de si perturbant dans ce minuscule village mayennais, perdu au fin fond du bocage, aux limites du Bas Maine, du Cotentin et de la Haute Bretagne, ce soir d’hiver glacial, alors que la guerre ravageait notre pays et que les malheurs, perçus comme des châtiments célestes, s’abattaient sur la France ? Rien d’autre qu’une apparition mariale, atypique en tous points, qui dura près de trois heures, grandiose et silencieuse, au terme de laquelle, sans véritables explications militaires ou humaines, la situation désastreuse trouvait un dénouement miraculeux.

Cette « intrusion » de Marie dans les événements de l’histoire, perçue comme une intervention partisane en faveur de notre patrie, a fait souvent, ces dernières décennies, accuser Pontmain d’être une apparition « nationaliste », un mot qui tue. Le malaise s’étendit au cantique traditionnel du sanctuaire, emprunté à celui de Notre-Dame d’Espérance à Saint-Brieuc, « Mère de l’Espérance, Dont le nom est si doux, Protégez notre France, Priez, priez pour nous ! » dont les paroles jugées incompatibles avec les valeurs actuelles de la société, et de l’Église, se muèrent en un mièvre et peu compréhensible « Madone de l’Enfance, demeure auprès de nous. » qui permet, par la même occasion, de tutoyer, telle la « voisine d’à côté » qu’Elle est, paraît-il, la très Sainte Mère de Dieu … 

Pourtant, à bien y regarder, hormis dans les paroles du cantique, écrites quelques années plus tôt par le chanoine Prud’homme, qui fut tout bouleversé en apprenant que la Sainte Vierge avait souri, et battu la mesure, pendant que les paroissiens de Pontmain le chantaient, il n’est point question de la France dans l’apparition.

Voilà l’un des grands mystères, il y en a bien d’autres, concernant l’interprétation de l’événement du 17 janvier 1871, et les étranges hargnes qu’il a suscitées à l’époque contemporaine.

C’est l’immense mérite du Père Ario-Durand, de l’Ordre des Prêcheurs, d’oser enfin dire à haute et intelligible voix, avec toute l’autorité et tout le talent qui sont les siens, quelques vérités brûlantes.

Cela s’intitule Pontmain, couleurs d’espérance (Le Cerf, 180 p, 14 €) et, de prime abord, l’on n’imagine pas le contenu explosif de ce petit livre, encore moins le courage qu’il a fallu à son auteur pour l’écrire et le publier. Car, s’il va remplir de joie et d’espoir des milliers de cœurs, qui attendaient que leur soit tenu ce langage, il ne fait pas de doute que ce livre va aussi déclencher des hargnes, pour ne pas dire des haines, de la part de tous ceux qui tenaient pour définitivement oubliées et démonétisées les valeurs que le Père Louis-Marie exalte. Quant aux leçons qu’il en tire, et Dieu sait qu’elles sont riches, et belles, et inspirées, et promesses d’avenir, elles risquent surtout de lui valoir quelques ennemis implacables.

Je crois qu’il le sait, et c’est tout à son honneur d’être passé outre, dans la certitude que c’était là ce que Notre-Dame attendait de lui.

Qu’y a-t-il donc de si dangereux dans cette étude ? Cela commence innocemment, en évoquant l’enchantement, le mot n’est pas trop fort, qui peut emporter l’âme lorsque, dans la grande nef blanche de la basilique, soudain, les vitraux se mettent à flamboyer, jusqu’à donner un avant-goût du Ciel aux pèlerins. Ces vitraux reprennent la gamme chromatique de l’apparition : le bleu, le blanc, le rouge … mais aussi l’or et le noir. Comme, en pareil cas, chaque détail a son importance, à quoi renvoient ces couleurs ?

Une robe bleue constellée, que Notre-Dame portait déjà l’hiver 1637 quand Elle apparut à Paris au Frère Fiacre du couvent des Augustins à Notre-Dame des Victoires, afin de lui annoncer la naissance du Dauphin tant attendu par la France. Un crucifix rouge, emprunté au Père de Montfort, cette fameuse « croix de la Sagesse » qui proclamait que le Rédempteur rougirait devant Son Père des chrétiens qui auraient rougi de Lui devant les hommes. Un ciel noir, comme les cœurs accablés de tristesse d’une nation vaincue, envahie, à genoux qui implorait, vainement semblait-il, la fin de ses tourments … et des étoiles d’or qui dansaient ce soir-là un ballet magique.

Le Père Ario-Durand commente tout cela, mais pour en tirer une application pratique. Si, ces dernières décennies, beaucoup, faute de pouvoir nier la réalité des faits de Pontmain, avaient cru régler le problème en les décrétant dépassés, témoignages d’une foi obscurantiste qui n’avait plus lieu d’être, et si étroitement liés à un contexte historique donné qu’ils ne pouvaient être extrapolables au monde actuel, lui a de l’affaire une toute autre vision, et il ne se gêne pas pour le dire.

Ce serait vous priver du bonheur de le lire, et de le méditer, car c’est un texte auquel il faudra revenir, encore et encore, que de vous en dire beaucoup plus mais il y là des passages magnifiques, inspirés, sur le sens de la Croix, la signification de ce saint Nom de Jésus qui figure sur le crucifix à la place du traditionnel titulus de Pilate, le sens de l’appel à la prière qui commence le message : « Mais priez, mes enfants. », dans les années 70 jugé incompatible avec l’engagement du chrétien dans le monde, engagement voué, du fait de ce choix d’abandonner la prière, à devenir un vain activisme coupé de Dieu. Sur l’Islam, l’euthanasie, l’amour de la patrie et du prochain, le temps de Dieu qui n’est pas celui des hommes, et le résultat de la prière. 

Il faudrait s’arrêter à ce que le Père Louis-Marie appelle « la bande sonore » de Pontmain car, si Notre-Dame écrit au lieu de parler, la scène n’en est pas muette pour autant, tissée de prières et de cantiques, qu’il donne in extenso, y compris en latin, parce que cette « liturgie » improvisée a son importance.

Admirer l’audace avec laquelle il affronte, à travers la dernière affirmation de l’apparition : « Mon Fils se laisse toucher », mot qui, pris au sens premier, choque à l’heure des accusations de pédophilie, les fausses pudeurs, les lourds silences et les grandes lâchetés.

Tout au long de l’année qui s’ouvre et mènera au cent cinquantenaire de Pontmain, où je souhaite que vous soyez nombreux à vous presser au pied de Notre-Dame d’Espérance, lisez, relisez ce livre. Il est porteur d’une promesse de renaissance.

Postulateur de la cause de béatification de l’abbé Guérin, curé de Pontmain lors de l’apparition, Anne Bernet cherche des paroisses susceptibles d’accueillir l’exposition consacrée à ce prêtre dont la dévotion mariale aurait mérité l’apparition du 17 janvier 1871, et éventuellement la conférence qui l’accompagne.

N’hésitez pas à la contacter, soit par l’intermédiaire du journal, soit directement sur le site du diocèse de Laval consacré à la cause de Michel Guérin.

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