Voici le fait, l’évènement brut et formidable que les histoires contemporaines du Nouveau Monde n’ont encore jamais rapporté : de 1926 à 1929, dans les États-Unis du Mexique, tout un peuple chrétien armé de machettes et de vieux tromblons affronte au chant du Christus vincit des régiments de ligne fédéraux, qui arborent le drapeau noir aux tibias entrecroisés et crient Viva el Demonio ! On les appelle les Cristeros. Nous sommes en 1926. L’année précédente, par la publication de Quas Primas, le pape Pie XI avait proclamé le Christ « Roi des nations ». Au Mexique, une nation entière se mobilise sous les drapeaux du Dieu fait homme, elle marche vers les mitrailleuses et les canons de l’Antéchrist parce qu’elle refuse l’abdication des dernières libertés de sa foi. L’épopée des martyrs cristeros s’inscrit au Mexique dans l’histoire d’une longue persécution, qui commence avant Lénine, en 1911 : l’histoire d’une révolution permanente menée par un parti de fonctionnaires et d’officiers contre tout l’être national de ce beau pays, qui se confond avec sa religion. À partir de 1924, le président Calles entreprend de démembrer morceau par morceau toute la société mexicaine, et confie à l’armée l’application des lois antireligieuses du régime précédent. L’antithéisme de l’armée fédérale mexicaine, sous la présidence de Calles (1924-1928), n’est pas un vain mot. Il s’impose d’emblée par la terreur. Le général Eulogio Ortiz fit fusiller séance tenante un de ses soldats qu’on avait surpris au bain, porteur d’une médaille de la Vierge de Guadalupe. Un peu partout, les officiers investissent à cheval la maison du Seigneur. Ils profanent les saintes espèces, organisent des orgies sur l’autel, montent en chaire pour blasphémer et dansent avec les statues ! Le feu aux poudres La loi fédérale du 14 juin 1926 frappe le dernier coup. Elle semble directement inspirée du dispositif édicté en France au début du XXe siècle par les francs-maçons. Rien n’y manque : expulsion des congrégations religieuses, spécialement enseignantes ; nationalisation des biens de l’Église ; mise hors la loi de toutes les organisations professionnelles non gouvernementales, c’est-à-dire catholiques ; etc. Le point décisif de la persécution « callista » est l’enregistrement des prêtres, qui équivaut à notre révolutionnaire assermentation. Le moindre curé de campagne doit « pointer » au commissariat, et y signer des engagements de non prosélytisme religieux. Sous peine d’amende. En attendant l’arrestation, la torture et le peloton d’exécution. Nous sommes au début de l’été 1926. Voici donc…
Au théâtre du Roi
Journaliste, critique de cinéma, spécialiste du rock, mais aussi féru de littérature et essayiste, Laurent Dandrieu a publié plusieurs ouvrages sur des artistes du passé. Après Fran Angelico, Le Bernin et les « peintres de l’invisible », il nous offre un essai sur Molière : Le Roi et l’Arlequin.