C’est un gros livre, exigeant, d’une grande richesse de références, que publie l’historien américain David Nirenberg. Le premier mérite de son livre est de ne pas assimiler l’antijudaïsme et l’antisémitisme. L’antisémitisme est l’hostilité voire la haine du Juif en tant que peuple et race. Nirenberg ne l’évoque pas en tant que tel. Il ne cite pas Édouard Drumont, par exemple, principale figure de l’antisémitisme de plume en France. L’antijudaïsme ressort spécifiquement du domaine des idées. L’auteur cherche à montrer que, des origines à nos jours, ce sont les croyances religieuses des Juifs qui ont été la source première de l’hostilité dont ils ont fait l’objet tout au long de l’histoire. Le titre complet de l’ouvrage est : Antijudaism. The history of the way of thinking, qu’on pourrait traduire par « Antijudaïsme. L’histoire d’une façon de penser ». Le traducteur français a préféré : Antijudaïsme. Un pilier de la pensée occidentale. David Nirenberg estime que la place occupée par la réflexion sur le judaïsme ou la critique du judaïsme dans la pensée occidentale est disproportionnée « avec le nombre des Juifs » vivant dans les sociétés occidentales. Il considère que le positionnement par rapport au judaïsme a été structurant de la pensée religieuse des deux autres grands monothéismes (christianisme et islam), mais aussi de la plupart des grands courants intellectuels occidentaux, y compris les Lumières – sans être le seul, ni être toujours central. Cette détermination par rapport au judaïsme commence avec ce qu’il appelle l’« école égyptienne d’idéologie antijuive ». Au IVe siècle avant Jésus-Christ, Hécatée d’Abdère, et au siècle suivant Manéthon, un prêtre égyptien d’Héliopolis, décrivent les Juifs, dans leurs Aegyptiaca, comme un peuple dont les croyances et les pratiques sont opposées à celles des autres peuples (Grecs et Égyptiens), qui est ennemi de tous les dieux et qui, pour cela, est un danger pour l’Égypte et pour toute l’humanité. Dans les deux chapitres qu’il consacre à l’antijudaïsme dans le christianisme primitif et dans l’Église primitive, outre qu’il date de façon trop tardive la rédaction des différents livres du Nouveau Testament, David Nirenberg se focalise trop sur le positionnement par rapport au judaïsme. Il en vient à perdre de vue la nouveauté de l’enseignement du Christ. Dans d’autres chapitres, on pourra contester certaines affirmations historiques (par exemple affirmer que saint Louis revendiquait « ses droits spéciaux de persécution » des Juifs, p. 299). Mais nombre d’analyses de cette « histoire de la pensée sur le…
« Faire avaler » Claudel
Culture | Membre de la Société Paul Claudel, essayiste, François Angelier fait reparaître un ouvrage consacré à la défense de l’écrivain face aux critiques que l’on oppose à un personnage complexe et conscient de ses contradictions.