L’Église ne juge pas par déballage devant l’opinion, mais par ses tribunaux

Publié le 09 Nov 2022
église

Église de France : l’abbé Claude Barthe, directeur de la revue Res Novae, estime que l’Église n’a pas à se soumettre au diktat de l’opinion, mais à recourir aux moyens qu’elle possède pour juger et punir. Encore faut-il que les hommes d’Église trouvent le courage de recourir à la totalité de son arsenal judiciaire…

Les affaires concernant les abus sexuels dans l’Église de France commis par des évêques, ou leurs complicités, ajoutées à tant d’autres cas, donnent la nausée. Mais affligeante est en outre la manière dont elles sont traitées, à l’imitation de ce qui se fait dans les démocraties contemporaines soumises à l’empire de l’opinion.

Église de France : seule Rome peut juger les évêques

Il faut rappeler que s’agissant de délits dont sont accusés des évêques et cardinaux, seule la Cour de Rome – soit directement le Souverain Pontife, ou en son nom le Tribunal de la Rote ou le Dicastère pour la Doctrine de la Foi selon les cas – est compétente pour les juger.

Le cardinal Ricard a avoué publiquement un péché grave commis jadis sur une mineure, et le Président de la Conférences des Évêques de France en a fait état dans une conférence de presse.

Une Église mondaine ?

Il faut le dire clairement : qu’avons-nous à faire de cette repentance et de cette annonce médiatisées ? Une seule chose importe dans la société catholique : qu’un délit grave soit jugé et puni par l’Église. Au moment où est connu l’acte délictueux, une enquête canonique préalable (canon 1717) doit être engagée pour en vérifier la vraisemblance et déclencher un procès canonique par voie administrative ou pénale, ce qui semble d’ailleurs être le cas.

 

Canon 1717 du Code de droit canonique de 1983

§1. Chaque fois que l’Ordinaire a connaissance, au moins vraisemblable, d’un délit, il fera par lui-même ou par une personne idoine, une enquête prudente portant sur les faits, les circonstances et l’imputabilité du délit, à moins que cette enquête ne paraisse totalement superflue.
§2. Il faut veiller à ce que cette enquête ne compromette la bonne réputation de quiconque.
§3. Celui qui mène cette enquête a les mêmes pouvoirs et les mêmes obligations qu’un auditeur dans un procès ; et, si le procès judiciaire est ensuite engagé, il ne peut y tenir la place de juge.

 

La peine canonique proportionnée au délit et aux circonstances et la réparation exigée sont la seule restauration sociale qu’on doive rechercher dans cette société divine et humaine qu’est l’Église. Tout le reste est mondanité.

Tribunaux d’Église ou tribunaux civils ?

Autre cas : Mgr X, il y a des années, a été dénoncé devant un tribunal pénal pour des faits commis contre un mineur. Il a toujours affirmé son innocence et les accusations contre lui ont fait l’objet d’un classement sans suite, puis d’un refus d’informer en raison de la prescription.

Mais ici encore, qu’avons-nous à faire, s’agissant d’accusations contre un clerc et qui plus est d’un évêque, des décisions d’un tribunal non ecclésiastique ? La justice canonique eût dû se saisir de l’affaire et, ou bien sanctionner l’évêque et provoquer sa dégradation, ou bien l’innocenter. Point.

L’Église est sainte. Elle est sainte dans le message qu’elle diffuse, et auquel les hommes qui sont chargés de le répandre, spécialement les Successeurs des Apôtres, doivent tout faire pour s’accorder par une vie personnelle pure et irréprochable. Elle est sainte aussi institutionnellement, notamment par la fonction de juges qu’exercent ses pasteurs au nom du Christ, y compris le premier d’entre eux sur ses frères.

La justice d’Église

L’exercice de la justice d’Église, indépendamment de la justice des hommes et a fortiori du « tribunal » des médias et des foules, relève de sa liberté sacrée.

Le fait que les prélats de l’Église se déchargent aujourd’hui trop souvent sur les tribunaux de la société des hommes, société en outre idéologiquement laïque, et qu’ils se soumettent aux exigences de l’opinion, est une manifestation parmi d’autres de leur inclination démissionnaire.

 

Sur cette affaire, voir aussi notre dossier thématique sur l’Assemblée plénière de novembre 2022.

 

L'abbé Claude Barthe +

Ce contenu pourrait vous intéresser

Tribune libreAnnée du Christ-RoiThéologie

De la loi naturelle au Christ-Roi

Tribune libre | Loin des idéologies modernes qui exaltent un individualisme sans racines et une liberté détachée de toute vérité, la loi naturelle inscrit dans le cœur de l’homme une orientation vers le bien, le vrai et l’unité. Fondée sur la recherche de Dieu, la justice et l’amour, elle constitue le fondement même de l’ordre moral et social, orienté vers le bien commun et couronné dans le Christ-Roi.

+

loi naturelle
ÉgliseÉglise de France

Record des baptêmes dans le monde

Focus | Cette année, en France, plus de 10 000 adultes ont reçu le rite de l’initiation – baptême, confirmation, Eucharistie – ainsi que 7 400 adolescents. À la Pentecôte, des milliers de confirmands ou « recommençants » s’ajouteront aux néophytes. Des chiffres records qui tendent à se généraliser partout ailleurs dans le monde.

+

baptême
ÉgliseÉglise de France

Tradition, Chrétienté, Mission (4/4) | La Tradition : un acte de foi

DOSSIER « Tradition, Chrétienté, Mission : Les piliers d’un pèlerinage en plein essor » | À la tête de la formation de « Notre-Dame de Chrétienté », Isabelle Piot expose les principes qui guident la transmission de la foi au sein de l’association. Entre rigueur doctrinale, attachement liturgique et sens du discernement, elle rappelle que la fidélité à la Tradition n’est pas une affaire de goût mais un acte profondément enraciné dans la foi de l’Église. Entretien.

+

tradition Notre-Dame de Chrétienté
ÉgliseÉglise de France

Tradition, Chrétienté, Mission (3/4) | La formation au service de l’accueil missionnaire

DOSSIER : « Tradition, Chrétienté, Mission : Les piliers d’un pèlerinage en plein essor » | Responsable des pèlerins et des chefs de chapitre, Étienne Touraille revient sur l’exigence propre à « Notre-Dame de Chrétienté » : offrir à chacun un accueil fraternel, une formation doctrinale solide, et une expérience vivante de l’Église. Une œuvre missionnaire qui commence bien avant la Pentecôte. Entretien avec Étienne Touraille, directeur des pèlerins de « Notre-Dame de Chrétienté ». 

+

Notre-Dame de Chrétienté
ÉgliseÉglise de France

Tradition, Chrétienté, Mission (2/4) | Le pèlerinage de Chartres : « Pour que chrétienté continue »

DOSSIER : « Tradition, Chrétienté, Mission : Les piliers d’un pèlerinage en plein essor » | Depuis plus de quarante ans, le pèlerinage de « Notre-Dame de Chrétienté » marche dans les pas de Péguy et des bâtisseurs d’une France catholique. Contre vents médiatiques et incompréhensions ecclésiastiques, il rappelle que le règne du Christ s’étend aussi aux sociétés. 

+

Notre-Dame de Chrétienté