En 2004 : Les États-Unis anticipaient déjà l’avènement du Califat

Publié le 07 Oct 2014
En 2004 : Les États-Unis anticipaient déjà l'avènement du Califat L'Homme Nouveau

Le monde s’est réveillé cete fin 2014 face à un Califat déterminé dans sa volonté de conquête et d’islamisation. Pourtant, cette émergence avait déjà été envisagée.

En 2004, le National Intelligence Council (NIC) publiait « Cartographie du futur global », un document envisageant plusieurs scénarii pour le monde en 2020. L’un deux était intitulé Le Califat. L’on ne peut qu’être frappé par la justesse des prévisions faites il y a dix ans. Quelques intuitions se sont révélées particulièrement pertinentes :

« En 2020, Al-Qaïda aura été détrônée par des groupes islamistes extrémistes d’inspiration similaire, qui s’opposeront à la mondialisation (…). Le cœur d’Al-Qaïda faiblira, toutefois d’autres groupes, inspirés par Al-Qaïda et fondés sur des bases régionales pourront continuer à mener des attaques terroristes (…). Le Nouveau Califat nous donne un exemple de la façon dont un mouvement global, nourri par le radicalisme religieux pourrait constituer un défi aux normes et valeurs occidentales (…). Une prise de pouvoir radicale dans un pays musulman du Moyen-Orient pourrait aiguillonner le terrorisme dans la région et redonner la confiance aux populations en leur montrant que le nouveau Califat n’est pas simplement un rêve ».

En effet, poursuit le rapport « les terroristes auront besoin d’un quartier général fixe afin de planifier et de mener leurs opérations ».

Deux erreurs

Toutefois, le NIC s’était trompé sur deux points. En premier lieu, le Califat avait été imaginé comme une insurrection transnationale inspirée des stratégies d’Al-Qaïda. Or, même s’il revendique l’effacement des frontières entre la Syrie et l’Irak, l’État islamique a bien pour objectif de créer une entité territoriale stable. Il ne dilue pas sa tactique sur de vastes espaces, mais concentre ses activités terroristes. En second lieu, la puissance d’un Califat global avait été surestimée. S’il s’était réalisé, il aurait interrompu le processus de mondialisation en accroissant les coûts liés à la sécurisation du commerce, ce qui n’est évidemment pas advenu. Après tout, les organisations criminelles n’ont jamais empêché les grands empires de commercer : ce n’est pas la piraterie qui a empêché l’Empire romain de continuer à commercer avec la Chine. Enfin, le scénario omet deux aspects essentiels : tout d’abord l’importance dans la région des fractures confessionnelles entre sunnites et shiites, qui n’ont pas du tout la même approche de l’intégrisme. Le second oubli n’est pas sans ironie, puisque le scénario néglige les responsabilités des États-Unis dans l’avènement du Califat qu’ils avaient pourtant anticipé. Même si le Nouveau Califat n’était qu’une hypothèse parmi d’autres, force est de constater que les prévisions s’avèrent en partie exactes. Mais les Irakiens regretteront sans doute que le NIC n’ait pas su prévoir de solutions…

Olivier Hanne est chercheur à l’Université d’Aix-Marseille. Thomas Flichy de La Neuville est spécialiste du monde iranien. Tous les deux interviennent régulièrement dans l’Homme Nouveau.  Ils viennent de publier L’endettement ou le crépuscule des peuples aux éditions de l’Aube, (112 p., 12 euros.). 

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rier, un ballon est signalé dans le ciel américain. Il est abattu par l’armée le 4 dans les eaux territoriales. Puis le 10 février, des avions de chasse F22 descendent un objet volant près des côtes de l’Alaska. Le 11, le Canada demande aux États-Unis d’intervenir pour faire feu sur un autre engin au-dessus du Yukon. Enfin, le 12, c’est à la verticale du Michigan (États-Unis) qu’un nouvel engin est abattu.

Le 8, Washington accusait la Chine de lancer « une flotte de ballons destinés à des opérations d’espionnage » à travers le monde. Étions-nous à la veille d’un nouveau conflit diplomatique ?

Très vite, Pékin s’avouait le propriétaire du premier ballon et déclarait que ce dernier transportait des équipements pour recueillir « principalement » des données météorologiques. On retiendra que « principalement » ne veut pas dire exclusivement. Même si les Chinois affirment que leur aérostat était sorti involontairement de sa trajectoire, les Américains s’inquiétaient d’autant plus qu’il était passé au-dessus du Montana où sont implantés leurs missiles nucléaires.

La suite nous en dira sans doute plus puisque l’aéronef a été récupéré pour analyse. Néanmoins, on sait déjà que sa charge était plus importante que celle d’un ballon météorologique normal. D’autre part, la nacelle était équipée d’un système de guidage qui rend peu crédible la thèse d’un écart involontaire de trajectoire.

La Chine n’en a pas moins répliqué avec fermeté : en exprimant « son fort mécontentement, elle proteste contre l’utilisation de la force par les États-Unis ».

Cependant, le mystère reste entier pour les trois autres engins volants non identifiés. Pékin n’en reconnaît pas la paternité et Joe Biden lui-même a déclaré : « Ces trois objets sont vraisemblablement liés à des entreprises privées, à des activités de loisirs ou à des institutions de recherche. » Peut-être, mais personne n’a élevé la voix pour se plaindre ou signaler la destruction de son ou de ses équipements. Ensuite, le président des États-Unis a donné un peu vite une explication logique et possible à ce mystère.

Mieux, il cherche à rassurer, disant qu’il n’y a pas une soudaine augmentation d’objets volants dans le ciel américain mais une meilleure capacité à les détecter avec les radars. Au point que l’on se demande s’il ne couvre pas autre chose. Dans son registre, le général Glen VanHerck, patron des forces aérospatiales américaines, en rajoutait. À une question sur un possible envoi d’OVNI par des extraterrestres, il répondait « n’avoir rien écarté à ce stade ». La Maison Blanche s’est vue obligée de démentir cette hypothèse.

La question se pose : l’armée américaine aurait-elle détruit le matériel d’expériences secrètes plutôt que de les révéler au public ? Ce ne serait pas la première fois, en raison du cloisonnement des informations sur de telles opérations. Un autre détail pourrait aller dans ce sens pour les trois autres aéronefs : alors que les restes du premier ont été retrouvés, l’armée américaine a déclaré ses recherches infructueuses pour les trois autres.

Reste à s’interroger sur la légitimité, en termes de droit, du survol d’un territoire par des ballons d’un pays tiers et, non moins important, de leur destruction par le pays survolé. Chaque État jouit de « la souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire », selon les règles de l’aviation civile. Les appareils civils sont libres de circuler, mais les appareils militaires peuvent être interceptés. Et s’il s’agit d’un appareil espion qui se donne une apparence civile ?

Néanmoins, et c’est un autre problème, selon Pékin, depuis l’année dernière, « des ballons américains ont survolé la Chine à au moins dix reprises ». Le hiatus est sans doute là : Washington n’accepte pas qu’on lui renvoie la politesse.

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