Experte au Synode sur le Moyen-Orient qui s’est achevé dimanche dernier, notre collaboratrice Annie Laurent a bien voulu répondre à nos questions.
Comment comprendre ce terme de « communion » mis en avant par le Saint Père pendant ces deux semaines de synode ?
Annie Laurent : Benoît XVI a insisté sur la nécessaire communion entre tous les catholiques qui vivent au Moyen-Orient (États arabes, Turquie, Chypre, Iran et Israël), comme l’énonçait l’intitulé du Synode : communion et témoignage. Certains de ces catholiques appartiennent aux sept Églises orientales sui iuris (de droit particulier), héritières des patriarcats de Jérusalem, Antioche, Alexandrie et Constantinople ; d’autres relèvent de l’Église latine qui est présente dans la région depuis les croisades et dont le centre est le patriarcat latin de Jérusalem. La dimension œcuménique, c’est-à-dire la recherche de l’unité entre tous les baptisés, est conditionnée par les progrès que feront tous les catholiques pour mieux se connaître et mieux s’aimer. De cette communion ad intra et ad extra dépendent la crédibilité et l’efficacité du témoignage chrétien auprès des musulmans et des juifs. Or le Synode, en offrant à tous les évêques catholiques du Moyen-Orient (coptes, maronites, grecs-melkites, syriens, chaldéens, Arméniens, latins du monde arabe, de Turquie et d’Iran) de se retrouver tous ensemble autour du Saint-Père – une première dans l’histoire de l’Eglise –, a permis de diagnostiquer les obstacles qui restent à surmonter pour atteindre une authentique communion. Il a, par exemple, été relevé qu’en certains lieux, la communauté dominante (maronite au Liban, melkite en Syrie, latine en Terre sainte) a tendance à favoriser ses membres au détriment de ceux des Églises plus petites. En outre, les catholiques orientaux entretiennent parfois des rapports complexés avec le Saint-Siège. C’est pourquoi certains Pères synodaux ont souhaité que les patriarches soient membres de droit des conclaves chargés d’élire le pape, même s’ils ne sont pas cardinaux. Mais par ailleurs, lorsqu’ils ne parviennent pas à résoudre les divisions qui peuvent surgir à l’intérieur de leurs Églises, comme lors de l’élection de nouveaux patriarches, les catholiques du Moyen-Orient recourent à Rome.
Qu’en est-il des juridictions propres des Églises orientales ? De quelle autonomie disposent-elles en matière liturgique comme pastorale ?
Les Églises orientales disposent de leur propre droit canon dont la dernière édition révisée a été promulguée par Jean-Paul II en 1990. Ce code reconnaît la légitimité des particularités des Églises concernées. En matière liturgique, elles sont restées plus traditionnelles que l’Église latine, les maronites ayant cependant beaucoup latinisé leur rite, même si celui-ci reste célébré en arabe et en syriaque. En matière disciplinaire, le code maintient la possibilité d’ordonner des hommes mariés, les évêques étant pour leur part élus parmi les moines. Cette élection est confiée aux synodes patriarcaux mais requiert l’approbation du Saint-Siège. Durant le Synode, il a été demandé l’extension de la juridiction des patriarches sur leurs fidèles expatriés partout dans le monde. Cela se pratique sur tous les continents sauf en Europe où seuls les Arméniens catholiques ont leur évêque. Pour la pastorale, les Églises du Moyen-Orient disposent des mêmes libertés que leur sœur occidentale.
À l’issue du synode, Benoît XVI a annoncé la tenue d’une Assemblée des évêques qui en 2012 sur le thème de la nouvelle évangélisation. Cela concerne-t-il les catholiques du Moyen-Orient ?
Oui, même si au Moyen-Orient la foi et la pratique religieuse des baptisés sont moins affaiblies qu’en Occident. Il n’empêche que les chrétiens de là-bas ont besoin d’acquérir une solide formation doctrinale et spirituelle, cela afin d’approfondir le sens de leur identité chrétienne dans un environnement tourmenté et parfois hostile. Une meilleure compréhension de leur vocation pourrait les encourager à ne pas céder à la tentation de l’exode. Il leur faut aussi être solidement armés pour résister aux dérives morales venues d’Occident. Enfin, la doctrine sociale de l’Église est trop absente des préoccupations des responsables chrétiens au Moyen-Orient, comme cela a été souligné au Synode. Or, sa mise en application servirait également à maintenir une présence chrétienne sur place.
Quelle est notre légitimité à nous, Occidentaux, qui vivons en sécurité dans nos pays, à encourager les chrétiens du Moyen-Orient à rester chez eux pour y témoigner du Christ, parfois au prix de leur vie ?
Il ne s’agit pas de nous décharger sur nos frères orientaux du devoir de vivre la radicalité évangélique. Leur maintien sur la terre choisie par Dieu pour se révéler aux hommes est nécessaire à l’équilibre régional à condition d’y semer les valeurs du Royaume, seules aptes à apporter la vraie paix. Il nous incombe donc de leur manifester concrètement notre soutien par notre prière, nos visites, notre aide financière, etc.
Quelles mesures vont prendre le Vatican, les évêques et les laïcs concernés pour mettre en œuvre les décisions du Synode ?
Le Synode n’a pris aucune décision. Il a exprimé des orientations et préoccupations dans un message adressé aux fidèles et aux hommes de bonne volonté et il a voté 44 propositions qu’il a remises au Saint-Père afin de l’aider à rédiger une exhortation apostolique. Ce document engagera l’Église universelle.