Un reportage de CNN sur la Libye, diffusé le 14 novembre, a montré que l’esclavage n’était pas une pratique disparue. Certains migrants qui essayent de rejoindre l’Europe sont capturés et vendus, les hommes pour des travaux forcés, les femmes comme objets sexuels.
Le problème de l’esclavage est lié à la mentalité, au rapport à l’autre, à une certaine vision de l’Homme. Si la particularité de l’homme est bien d’être cette créature « capax Dei », son rapport à Dieu, qu’il y croie ou pas, le façonne. La religion a donc un impact très important sur les mentalités. Ainsi en Europe, le christianisme, en enseignant que l’homme est créé à l’image de Dieu, a permis la reconnaissance d’une égalité de dignité entre tous les hommes.
En Libye, la population est constituée à 97 % de musulmans selon la CIA. Or, dans l’Islam, la place de la liberté est très différente. La traduction courante du mot Islam est d’ailleurs « soumission ». L’approche de l’esclavage est donc sans comparaison avec la vision chrétienne. Il y est beaucoup plus toléré, voire accepté.
En effet, cette position chrétienne sur l’esclavage est conforme au message du Christ « aime ton prochain comme toi-même ». Il aura pourtant fallu 1500 ans pour que l’esclavage soit condamné, c’est dire combien cette évolution a été lente.
Dès la lettre aux Galathes de Saint Paul, l’Église dégage la stricte égalité entre tous les hommes devant Dieu, « il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus. » (Ga 3, 28).
Lors des conciles nationaux des VI et VII siècles, l’Église met en place les premières avancées majeures sur le sujet : l’interdiction de mise à mort de l’esclave, le droit d’asile par l’Église de l’esclave menacé de mort et la reconnaissance de l’affranchissement comme un acte pieux.
C’est le 13 janvier 1435 que le pape Eugène IV publie la première encyclique sur le sujet, Sicut Dudum. À l’époque, des indigènes des îles Canaries avaient été dépossédées de leurs biens et réduits à l’esclavage. Le pape a donc déclaré que tous ceux qui avaient asservis des indigènes et ne les libéraient pas seraient frappés d’excommunication.
Deux bulles papales de Nicolas V, Dum Diversas (1452) et Romanus Pontifex (1455), accordées au roi du Portugal, donnent l’autorisation à celui-ci d’attaquer les Sarrasins, de les réduire en servitude et de confisquer leurs biens. Ces deux bulles, en autorisant brièvement l’asservissement d’hérétiques, sont une parenthèse dans l’histoire de l’Église, entre l’encyclique Sicut Dudum et la lettre apostolique Rubicensem de Pie II en 1462. Dans cette dernière, le pape qualifie l’esclavage de « grand crime ».
En 1537, le pape Paul III, par la lettre apostolique Veritate Ipsas, reconnaît les Amérindiens comme hommes, qui, en tant que tels, ne peuvent être dépossédés de leurs biens ou réduits en esclavage. Cette lettre est suivie de la bulle Sublimis Deus. Ce dernier texte concerne les Amérindiens « et tous les autres peuples qui peuvent être plus tard découverts ».
Le 3 décembre 1839, Grégoire XVI dénonce le retour de l’esclavage par la bulle In Supremo Apostolatus :
« Désireux d’éloigner cette infamie si grande de tous les territoires des chrétiens […] en vertu de l’autorité apostolique, Nous avertissons tous les fidèles chrétiens […] que personne désormais n’ait l’audace de tourmenter injustement des Indiens, des Nègres et d’autres hommes de cette sorte, de les dépouiller de leurs biens ou de les réduire en esclavage. »
Quelques années plus tard, Léon XII, dans ses encycliques In Plurimis (1888) et Catholicae Ecclesiae (1890), rappelle l’interdiction de l’esclavage, insistant sur la contradiction entre celui-ci et le respect de la dignité humaine.
Il aura fallu plusieurs siècles pour que l’Église condamne définitivement l’esclavage tel qu’il était alors compris (asservissement par la contrainte physique). Cette condamnation a été rendue possible par l’organisation hiérarchique de l’Église, par la figure du pape, mais aussi et surtout par la Révélation et tout le travail de recherche de la vérité mené par les théologiens.
En Libye la solution ne peut pas être simplement une intervention physique qui traiterait les maux mais pas les causes. L’impact sur le terrain stopperait la traite mais sans changement de mentalité, le risque persisterait que ces méthodes surgissent de nouveau. La solution à long terme ne peut passer que par l’évangélisation et la propagation du message du Christ au plus grand nombre. Alors vraiment il n’y aura plus « ni esclave ni homme libre ».