Face à l’Iran, une Arabie saoudite fragilisée

Publié le 13 Jan 2016
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Les fragilités de l’Arabie Saoudite mises à jour

Le tournant diplomatique opéré par le président Obama vis à vis de l’Iran a mis au grand jour les fragilités de l’Arabie Saoudite, dont la position géopolitique avait été artificiellement gonflée par le soutien américain. Cette fragilité est tout d’abord d’ordre culturel : à la culture nomade qui donne très tardivement naissance à l’Arabie Saoudite en 1932 s’oppose en effet le vieil Etat iranien, qui a plusieurs milliers d’année d’ancienneté et se plait à narguer sa rivale du haut de son histoire. La seconde fragilité est d’ordre économique. L’appareil productif saoudien est en effet fondé sur la monoproduction du pétrole dont la rente déclinera à compter de 2028. Or la demande interne infléchit les exportations à la baisse. Entre 2004 et 2015 par exemple, les exportations ont diminué de 1,4 % par an. Les recettes pétrolières représentent 80 % du budget de l’Etat. Si celles-ci diminuaient des troubles pourraient s’en suivre. En effet, la baisse des subventions intérieures a été historiquement à l’origine des printemps arabes. La fragilité est aussi climatique : avec l’augmentation des températures, la sécheresse s’est développée alors même que 80 % de la nourriture est déjà importée. La fragilisation saoudienne est enfin d’ordre démographique : 31 millions de Saoudiens font face à 77 millions d’Iraniens soutenus par une politique nataliste depuis 2009.

La fuite en avant saoudienne

Consciente de ses multiples fragilités, l’Arabie Saoudite s’est lancée dans une fuite en avant irrationnelle. Celle-ci est tout d’abord d’ordre militaire. Face à une armée iranienne de 550 000 hommes dont 125 000 pasdarans, l’Arabie Saoudite n’aligne que 230 000 soldats dont la qualité est très inégale. Qui plus est les querelles sont fréquentes au sein de l’armée des princes saoudiens où les disputes dynastiques rejaillissent sur le corps des officiers. Face à ses faiblesses humaines dans le domaine militaire, le gouvernement a décidé d’acquérir la meilleure technologie occidentale afin de pouvoir surclasser sa rivale iranienne. Le deuxième champ de compétition est d’ordre géopolitique. Iran et Arabie Saoudite mènent divers conflits par procuration notamment à Bahreïn, où la population chiite arabe est courtisée conjointement par Wahhabites et Iraniens. Les conflits se cristallisent aussi sur les lieux de pèlerinage, notamment à La Mecque ou bien sur les théâtres où est présent l’Etat islamique. Le dernier aspect de la fuite en avant saoudienne est d’ordre économique. L’Arabie exporte six fois plus de pétrole que l’Iran, disposant de cinq alliés au sein de l’OPEP, elle agit actuellement à la baisse sur le prix du baril afin de noyer son adversaire iranien sous un pétrole bon marché. Les tensions sont donc vives mais ne doivent pas être exagérées pour autant. Après tout, une rupture diplomatique avait déjà eu lieu en 1988, suivie par une réconciliation deux ans plus tard. Parmi les arbitres d’un futur retour au calme, l’on peut imaginer l’Irak, mais également les Etats-Unis qui se retrouvent aujourd’hui dans une situation proche de celle précédent la révolution islamique de 1979 : celui d’un arbitre potentiel entre deux puissances concurrentes.

Thomas Flichy de La Neuville est historien du droit et des institutions. CNRS – Université de Paris IV – Sorbonne.

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rier, un ballon est signalé dans le ciel américain. Il est abattu par l’armée le 4 dans les eaux territoriales. Puis le 10 février, des avions de chasse F22 descendent un objet volant près des côtes de l’Alaska. Le 11, le Canada demande aux États-Unis d’intervenir pour faire feu sur un autre engin au-dessus du Yukon. Enfin, le 12, c’est à la verticale du Michigan (États-Unis) qu’un nouvel engin est abattu.

Le 8, Washington accusait la Chine de lancer « une flotte de ballons destinés à des opérations d’espionnage » à travers le monde. Étions-nous à la veille d’un nouveau conflit diplomatique ?

Très vite, Pékin s’avouait le propriétaire du premier ballon et déclarait que ce dernier transportait des équipements pour recueillir « principalement » des données météorologiques. On retiendra que « principalement » ne veut pas dire exclusivement. Même si les Chinois affirment que leur aérostat était sorti involontairement de sa trajectoire, les Américains s’inquiétaient d’autant plus qu’il était passé au-dessus du Montana où sont implantés leurs missiles nucléaires.

La suite nous en dira sans doute plus puisque l’aéronef a été récupéré pour analyse. Néanmoins, on sait déjà que sa charge était plus importante que celle d’un ballon météorologique normal. D’autre part, la nacelle était équipée d’un système de guidage qui rend peu crédible la thèse d’un écart involontaire de trajectoire.

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Cependant, le mystère reste entier pour les trois autres engins volants non identifiés. Pékin n’en reconnaît pas la paternité et Joe Biden lui-même a déclaré : « Ces trois objets sont vraisemblablement liés à des entreprises privées, à des activités de loisirs ou à des institutions de recherche. » Peut-être, mais personne n’a élevé la voix pour se plaindre ou signaler la destruction de son ou de ses équipements. Ensuite, le président des États-Unis a donné un peu vite une explication logique et possible à ce mystère.

Mieux, il cherche à rassurer, disant qu’il n’y a pas une soudaine augmentation d’objets volants dans le ciel américain mais une meilleure capacité à les détecter avec les radars. Au point que l’on se demande s’il ne couvre pas autre chose. Dans son registre, le général Glen VanHerck, patron des forces aérospatiales américaines, en rajoutait. À une question sur un possible envoi d’OVNI par des extraterrestres, il répondait « n’avoir rien écarté à ce stade ». La Maison Blanche s’est vue obligée de démentir cette hypothèse.

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Reste à s’interroger sur la légitimité, en termes de droit, du survol d’un territoire par des ballons d’un pays tiers et, non moins important, de leur destruction par le pays survolé. Chaque État jouit de « la souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire », selon les règles de l’aviation civile. Les appareils civils sont libres de circuler, mais les appareils militaires peuvent être interceptés. Et s’il s’agit d’un appareil espion qui se donne une apparence civile ?

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