« Faire avaler » Claudel

Publié le 10 Nov 2024

Portait de Paul Claudel, 1919 par Jacques-Emile Blanche.

Membre de la Société Paul Claudel, essayiste, François Angelier fait reparaître un ouvrage consacré à la défense de l’écrivain face aux critiques que l’on oppose à un personnage complexe et conscient de ses contradictions.

 

Voilà un livre plaisant à lire : François Angelier y déploie toute sa verve, et on ne s’y ennuie pas. De fait il s’agit d’une réédition de l’ouvrage de même titre paru chez le même éditeur en 1998, avec simplement l’ajout d’une courte préface et le déplacement de la chronologie du début à la fin du volume.

La complexité de l’écrivain

Le propos de François Angelier, auquel il se tient fidèlement tout au long, est de « faire avaler » Claudel aux réticents. Pour cela, il consacre chacun de ses douze chapitres à une lourde objection faite au « poète catholique » par ses détracteurs, le but étant de démontrer la complexité du personnage et de l’écrivain, tout en oxymores, comme l’indique déjà le titre, qui démonte tous ces préjugés devenus lieux communs. Défilent le bourgeois, l’ambassadeur bien installé, l’auteur de « Lodapetin », la sœur abandonnée, l’antisémite, et François Angelier a réponse à tout, textes et preuves en mains.

Le fil directeur du livre est que Claudel n’est pas celui qu’on croit, mais un personnage complexe, conscient lui-même de ses propres contradictions : l’« embourgeoisé méthodique » (p. 19) n’est que le revers de la force sauvage, de la « colossale incongruité » (p. 20), de l’énormité du personnage et de son génie : il est bien le « fils » de Rimbaud, le frère de sa sœur, mais il a décidé d’avoir un autre destin.

Le livre fourmille de formules réussies, à la fois drôles et justes. Elles fusent dans le chapitre premier : « Claudel : l’archétype chiantissime du vieux facho catholique » ; « un rimbaldien thomiste à en-tête du Quai d’Orsay » ; « un exégète à l’état sauvage », à quoi répond « un mystique à l’état civil » (p. 54). La démonstration est parfaitement convaincante, et, on l’espère, entraînera des conversions claudéliennes – comme celle de l’auteur, lui-même « acnéiquement surréaliste » en sa prime jeunesse avant de succomber au Soulier de Satin, comme Claudel lui-même au Magnificat de Notre-Dame.

Il ne faut pas demander à un essai aussi personnel d’avoir les qualités universitaires. Ainsi les lecteurs désireux d’identifier les citations en seront pour leurs frais : les notes sont quasi inexistantes, et on est…

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Dominique Millet-Gérard

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