Commentaire de l’allocution lors de l’Audience générale du 29 avril 2020.
Avec la dernière des béatitudes, celle des persécutés, nous entrons en plein dans le mystère insondable de la Passion du Christ qui doit se prolonger dans ses membres, car « le disciple n’est pas au-dessus du maître ». Le martyre est semence de chrétiens. La sainteté est liée à la Croix, incontournable et toujours féconde de sainteté. Au début de l’histoire de l’Église, la sainteté s’est identifiée au martyre. Par ses martyrs, l’Église a suivi et suit encore de nos jours la voie douloureuse de la Rédemption. Le sang des martyrs coule à flots en nos siècles apocalyptiques, mais il ne faut pas se croire supérieur pour autant. Le martyre est une grâce. Le courage devant la Croix ne s’improvise pas et les choix de Dieu ne sont pas les nôtres. Mais soyons au moins tous de vrais témoins du Christ. Et la persécution demeure le lot privilégié de tous les chrétiens haïs par amour pour le Sauveur du monde. L’Église, Corps mystique du Christ, doit s’identifier à son Maître et à sa suite marcher sur la montagne du Calvaire. Le martyrologe de l’Église s’est écrit à travers le monde entier. Mais cette béatitude si bien analysée par le Pape ne vise pas que les martyrs, car à côté de la persécution du sang, il y a aussi la persécution blanche, plus cachée mais non moins perverse. Jean-Paul II, lors de la veillée nocturne à Lourdes, le 14 août 1983, en avait bien analysé les diverses composantes. Cette béatitude en effet rappelle que tous les élus participants à la joie eschatologique devront au préalable être persécutés pour la justice. C’est pourquoi elle annonce la même félicité que la première : le royaume des cieux. La première des béatitudes constitue la source de toutes les autres, la dernière étant leur couronnement.
Toutes les béatitudes conduisent en effet à la dernière et l’on peut considérer chacune d’elles comme un maillon du long chemin pascal qui y conduit. Ceux qui appartiennent au monde et à son prince ne prennent pas ce chemin. Ils suivront le chemin des malédictions que nous donne saint Luc. Tout chrétien doit faire à la suite du Christ le choix décisif entre la lumière qui conduit au vrai bonheur et les ténèbres qui conduisent à un bonheur superficiel et apparent, mais qui s’avère par la suite cruellement vide. On a ici l’illustration des deux fascinations qui s’offrent à nous : celle de Dieu ou celle de la bagatelle (nugacitatis). Mais on doit faire une remarque importante. La huitième béatitude ne concerne pas n’importe quelle persécution. Comme le remarque saint Augustin, « ce n’est pas la souffrance, mais la cause de celle-ci qui fait le martyr ». Il s’agit d’être persécutés pour le nom du Christ, imitant alors l’exemple d’amour suprême qu’il nous a donné. Si l’on souffre vraiment pour défendre la foi, avec le Christ, portant sa croix à sa suite, alors on comprendra vite que la persécution peut devenir une source de liberté profonde et une vraie béatitude. Nous ne serons « sel de la terre et lumière du monde » qu’à ce prix. Prenons garde à ce que jamais le sel de nos vertus s’affadisse. Il ne sera bon alors qu’à être jeté. N’ayons pas peur d’être rejetés par les hommes, pour vivre de l’Esprit Saint, en union avec son épouse Marie. C’est l’Esprit Saint qui nous soufflera ce qu’il faut dire à nos persécuteurs. Le Royaume des cieux appartient aux pauvres en esprit et aux persécutés. En avons-nous conscience et somme-nous prêts à le conquérir avec l’énergie de ceux qui ne se laissent pas intimider par les maximes du monde et qui pensent que « rien ne peut nous séparer de l’amour du Christ » ? Que Marie nous aide à porter notre croix et à souffrir pour son Fils.