Introit Omnes Gentes

Publié le 10 Juil 2015
La pause liturgie | Introït Circumdedérunt me (samedi de la 4ème semaine de Carême

Toutes les nations, battez des mains, acclamez Dieu avec des chants de joie !
Car le Seigneur est élevé et redoutable, grand roi sur toute la terre.

(Psaume 46, 2, 3)

Thème spirituel : la louange de Dieu

Un chant pour l’Ascension

Cet introït fut jadis le chant d’entrée de la messe de la vigile de l’Ascension. Il convenait à merveille à cet ultime mystère de la vie du Christ, mystère de joie plus que de peine, mystère plein de promesses fondées sur l’événement inouï de la résurrection. Ce chant est une invitation à la joie universelle. Il s’adresse à tous les peuples avec les accents du psaume 46 (47 selon la tradition hébraïque) qui est une hymne d’action de grâces célébrant la victoire de Dieu dans l’histoire. La joie est mentionnée par deux termes : un verbe (jubiláte) qui associe la joie au chant et à la proclamation louangeuse du Seigneur. Et un nom (Exsultátio) qui traduit une joie qui transporte, une joie qui fait bondir, sauter, danser. Le texte de cet introït est donc très expressif. Essayons d’imaginer l’humanité tout entière obéissant à l’injonction du psalmiste et applaudissant et bondissant de joie en Dieu ! On devine que ce texte a une portée eschatologique, mais n’est-il pas vrai aussi, après plus de vingt siècles de christianisme, que la prophétie s’est réalisée dans une large mesure ?

Une vue d’avenir

Certes, un réalisme à raz de terre et un peu désabusé pourrait aussi affirmer qu’on n’en est pas là aujourd’hui, qu’on en est même très loin. Tant de nations sont si éloignées de ce programme de joie et de danse ! Y en a-t-il une seule même, à l’heure actuelle, qui se préoccupe à ce point de la gloire de Dieu ? Une fois éliminées celles qui sont en guerre, celles qui souffrent de la crise économique, en reste-t-il quelques unes, une seule même, qui puisse songer à convoquer tous ses membres pour danser en présence de Dieu ? Quel spectacle ce serait pourtant ! Et quelle source de grâce pour ce peuple privilégié ! Un esprit trop rationaliste serait tenté de ne voir dans ce texte repris par la liturgie qu’un pieux désir, une sorte d’exagération mystique sans portée réelle, au moins ici bas. Mais l’espérance chrétienne n’est pas chimérique. L’histoire de l’Église prouve abondamment que la conversion des peuples et des nations au Christ est possible et que certaines grandes heures de ces nations et de ces peuples ont pu et peuvent encore évoquer les splendeurs joyeuses de notre introït. Bien sûr, un texte comme celui-ci dépasse également de beaucoup nos horizons terrestres. Le psaume repris par notre chant d’entrée vise en définitive l’Église triomphante, c’est-à-dire le règne du Christ dans l’au-delà. Le jour viendra où nous pourrons contempler ce spectacle prodigieux d’une foule innombrable, composée de tous les peuples de la terre, unie dans un seul et même regard tourné vers le Seigneur et vers sa gloire, et jouissant d’une même allégresse. Le livre de l’Apocalypse nous décrit ce jour : « Voici qu’apparut à mes yeux une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue ; debout devant le trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, des palmes à la main, ils crient d’une voix puissante : Le salut à notre Dieu, qui siège sur le trône, ainsi qu’à l’Agneau ! Et tous les Anges en cercle autour du trône, des Vieillards et des quatre Vivants, se prosternèrent devant le trône, la face contre terre, pour adorer Dieu ; ils disaient : Amen ! Louange, gloire, sagesse, action de grâces, honneur, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles ! Amen ! » (Apocalypse, 7, 9-11)

Les yeux fixés au ciel

Notre vie quotidienne, nos activités de chaque jour, nos pensées, nos affections, ont besoin d’être régulièrement soulevées par cette espérance d’un monde meilleur, au-delà du monde terrestre, lieu irrémédiable du chagrin et de la misère, malgré tous nos efforts légitimes pour le transformer. Nous savons que ce monde est en phase de transfiguration, en quête de salut. Nous savons que l’œuvre du Christ, vrai roi des peuples, renforcée par l’œuvre de l’Esprit, accomplit cette montée du monde vers sa vocation ultime. Et nous avons besoin de contempler à l’avance cette lumière. Et en contemplant cette lumière anticipée dans la vie du Christ, dans la vie des saints, dans notre propre histoire, nous prenons part à la joie de la résurrection. Vivre ainsi les pieds sur terre et la tête dans les cieux, c’est le vrai réalisme des enfants de l’Église. Cette attitude spirituelle nous fera tenir au milieu des bourrasques qui secouent la petite barque de nos âmes, de nos familles, de nos pays. La liturgie se montre ainsi école de vie, elle nous fait adhérer au vrai réel, en nous faisant dépasser le faux réel de notre vie d’en bas. Alors, acclamons notre Dieu avec des chants de joie !

Commentaire musical

Un 6ème mode typique

Omnes gentes

Voilà le type même d’un introït du 6ème mode, joyeux, sobre au plan mélodique mais parfaitement rythmé et bien envoyé. Il claque au vent, comme un étendard de fierté, si l’on peut dire, et on éprouve toujours beaucoup d’enthousiasme à la chanter quand il revient sur le cycle liturgique. Deux courtes phrases mélodiques le composent, elles mêmes constituées chacune de deux membres à peu près égaux qui font de cet introït un chant particulièrement bien équilibré.

Omnes gentes
Pláudite mánibus
Jubiláte Deo
In voce exsultatiónis

Une première phrase très légère

L’atmosphère d’ensemble de ce chant, la dominante spirituelle qui imprègne et traverse tous ces neumes, c’est l’allégresse. Et l’allégresse propre au 6ème mode se traduit en légèreté, en vélocité, sans grand éclat mélodique, sans intervalles spectaculaires. Tout est dans la netteté du rythme et du tempo. Si l’on regarde la partition de l’introït, on voit clairement que tout s’enroule autour du Fa, la tonique du mode. C’est vrai dès l’intonation : on commence sur le Fa, avec une première note longue mais très nette et une répercussion tout aussi nette sur ce Fa, puis on descend très légèrement jusqu’au Ré puis au Do avant de revenir par le même Ré jusqu’au Fa initial, en une première courbe toute simple mais bien expressive. Puis, on va dans l’autre sens, c’est-à-dire qu’on quitte le Fa vers l’aigu cette fois, en atteignant le La, mais de façon tout aussi simple qu’on a plongé vers le grave. La répétition mélodique des deux porrectus de omnes et de gentes apporte une nuance primesautière pleine de charme et d’enfance spirituelle. Ce chant de triomphe a quelque chose de si naturel et de si entraînant qu’il invite en même temps les nations et les peuples à un rajeunissement, celui de la régénération dans le Christ. La finale de gentes doit être à peine ralentie, seule la petite note au levé qui précède la note pointée cadentielle doit être prise avec une retenue toute gracieuse. Mais le mouvement ne s’arrête pas. La seconde incise ne présente pourtant aucun éclat mélodique. Plus que jamais, tout s’enroule autour du Fa, avec juste un seul Sol à l’aigu et une cadence en Ré très bien posée. Par contre, la netteté rythmique de ce passage est remarquable. Tout est en binaire sur pláudite. On croirait presque entendre un claquement de mains. L’accent à l’unisson est ferme et léger et tout le reste du mot se déroule avec une grande fluidité. La cadence en Ré de mánibus, avec un bel accent au levé, ne doit pas s’étaler. Cette cadence en 1er mode hérite de l’atmosphère joyeuse du mode de Fa et apporte juste sa délicate nuance de paix et de solidité.

Une deuxième phrase plus ample et enthousiaste

La deuxième phrase prend d’emblée un peu d’ampleur et s’envole sur le verbe jubiláte pour atteindre son sommet qui est aussi celui de toute la pièce, sur le Do aigu, juste effleuré en passant à deux reprises, mais dans une grande légèreté. Tout ce passage est très rapide, très enlevé, plein d’enthousiasme. L’unité du mot jubiláte doit être bien respectée. On s’appuie un peu sur l’accent du verbe à l’impératif mais sans s’appesantir aucunement. Et après avoir prononcé l’accent, tout le reste va se dérouler avec une grande simplicité. Le mot Deo est très fluide, sans précipitation mais avec un mélange d’aisance, de modestie et de vénération aimante, le tout dans un legato parfait et une certaine vélocité mais bien rythmée. Le dernier membre de phrase, plus grave, toujours très léger, laisse triompher avec sérénité la voix chantante et exultante de l’humanité. Bien souligner l’accent de voce, bien nombrer la longue qui affecte la dernière syllabe de ce mot et bien unir pour finir ce dernier mot de joie, exsultatiónis, qui se termine de façon typique en 6ème mode, dans une atmosphère presque enfantine, sans aucun artifice, de la manière la plus simple qui soit.

Le verset apparaît en contraste avec son texte majestueux et redoutable, royal vraiment. Mais la mélodie gracieuse de la psalmodie, en 6ème mode, modère beaucoup ce caractère impressionnant du texte. La dominante de ce chant, c’est vraiment la joie et la confiance toute simple de l’humanité applaudissant son roi.

Pour écouter cet introit

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