Le Sénat italien a adopté une loi rendant illégale la gestation pour autrui (GPA) même à l’étranger. Cette législation expose les Italiens ayant recours à une mère porteuse à des poursuites judiciaires dès leur retour dans le pays.
Le 16 octobre 2024, le Sénat italien a adopté une loi historique qui renforce l’interdiction de la gestation pour autrui (GPA), en étendant cette interdiction au-delà des frontières italiennes. Ce projet de loi, défendu par le parti Fratelli d’Italia, mené par la Première ministre Giorgia Meloni, prévoit des sanctions pour les citoyens italiens ayant recours à la GPA dans des pays où cette pratique est légale, comme les États-Unis ou le Canada.
Cette nouvelle législation s’appuie sur la loi de 2004, qui prévoit déjà une peine de trois mois à deux ans de prison ainsi qu’une amende de 600 000 à 1 million d’euros pour les personnes recourant à la GPA sur le sol italien. Désormais, cette même sanction s’appliquera aux Italiens faisant appel à cette pratique à l’étranger, une extension qui a suscité de nombreuses réactions.
Des critiques sévères de l’opposition
De nombreux députés et sénateurs de gauche ainsi que des associations de défense des droits des familles homoparentales ont dénoncé une mesure jugée « injuste » et « discriminatoire ». Riccardo Magi, député de gauche, a qualifié cette journée de « noire pour les droits et les libertés », ajoutant que la loi allait jusqu’à « criminaliser la parentalité ».
Cette nouvelle loi, qui place la naissance d’un enfant et la parentalité sur le même plan que des « crimes universels » comme la pédophilie ou le génocide, pourrait selon lui être portée devant la Cour constitutionnelle. Il déplore également l’absence de reconnaissance juridique pour les enfants nés de GPA, notamment au sein des familles “homoparentales”, un vide juridique qui prive l’un des deux “parents” de tout droit légal.
Une loi vue comme un signal politique fort
Du côté du gouvernement, cette législation est présentée comme une défense des droits fondamentaux des enfants et des femmes. La ministre de la Famille, Eugenia Roccella, a affirmé que cette loi place l’Italie « à l’avant-garde des nations » dans la défense des droits humains. « Les enfants ne sont pas des objets à vendre, et les femmes ne peuvent être réduites à de simples outils de reproduction », a-t-elle déclaré.
Fratelli d’Italia, le parti à l’origine du projet de loi, justifie cette interdiction universelle en affirmant que la GPA constitue un « trafic d’êtres humains » et une violation des droits des enfants à connaître leurs origines biologiques. Lucio Malan, président des sénateurs de Fratelli d’Italia, a également souligné que la dignité des mères et des enfants était au cœur de cette législation.
Un débat qui divise encore ?
Les réactions ne se sont pas fait attendre… L’Association Luca Coscioni, fervente défenseure des droits reproductifs, a dénoncé cette loi comme étant « inapplicable » en raison du principe de la double incrimination, un élément clé du droit pénal international. En effet, pour que cette loi puisse s’appliquer à l’étranger, le crime doit être reconnu dans le pays où il a été commis. Or, dans de nombreux pays, la GPA est légale, ce qui rend l’application de cette loi complexe.
Lors d’une manifestation organisée à Rome, Alessia Crocini, présidente de Famiglie Arcobaleno, a appelé les partis d’opposition à s’engager à abroger cette loi dès leur retour au pouvoir. Plusieurs figures politiques, comme Alessandro Zan et Nichi Vendola, se sont également jointes aux critiques, accusant la majorité d’imposer une vision morale au détriment des droits des familles et des femmes.
Une opposition des familles concernées
Les familles ayant eu recours à la GPA à l’étranger se sentent directement visées par cette législation. Selon plusieurs médias italiens, comme La Repubblica, cette loi pourrait affecter jusqu’à 90 % des familles recourant à la GPA, dont une majorité de couples hétérosexuels. Le Corriere della Sera a rapporté plusieurs témoignages de couples qui se retrouvent désormais dans une situation légale complexe, notamment un couple ayant eu des jumeaux par une mère porteuse en Ukraine, juste avant l’adoption de la loi.
Filomena Gallo, secrétaire nationale de l’Association Luca Coscioni, a fustigé cette loi en affirmant qu’elle ne protégeait ni les droits des enfants nés de GPA ni ceux des mères porteuses. Selon elle, la seule solution pour véritablement encadrer cette pratique serait de mettre en place une législation permettant une “GPA solidaire”, tout en interdisant toute forme d’exploitation.
Une exploitation humaine à dénoncer
Mais derrière les arguments de liberté et de parentalité se cache une pratique qui réduit les femmes à des instruments et les enfants à des objets de transaction. Transformer la maternité en une affaire commerciale revient à nier l’essence même de la vie humaine, qui ne saurait être commandée, vendue ou achetée.
Les partisans de la GPA, souvent sous couvert de compassion, occultent les réalités brutales de cette pratique. Des femmes, souvent issues de milieux précaires, sont exploitées pour porter des enfants qu’elles devront abandonner à la naissance. Loin des slogans sur la liberté des femmes, c’est un système de domination économique et sociale qui impose son joug à celles qui en sont les premières victimes.
Les néologismes et la rhétorique en faveur de la GPA cachent une réalité extrêmement douloureuse, celle d’une exploitation honteuse. Ce sont les femmes et les enfants qui en paient le prix le plus lourd, réduits à des marchandises dans un monde où l’argent dicte les règles.
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