Dans le roman d’une vie retracée, le père Jean-François Thomas guide son personnage principal de la douleur du veuvage à sa propre fin, en suivant un chemin héroïque vers l’abandon.
Après Chaque chose belle en son temps (DMM, 2019), le père Jean-François Thomas nous offre, chez le même éditeur, un nouveau roman que l’on peut qualifier de « moral » ou « d’éducation ». Sur fond de paysage asiatique, il décrit l’itinéraire intérieur et spirituel d’un personnage fictif, Daniel, depuis la mort brutale de son épouse, évoquée dans l’introduction (plutôt « prologue » ?), jusqu’à la sienne propre, sans doute accidentelle, dans l’épilogue.
Un jeune veuf
Tout le corps du roman, constitué de quinze chapitres, avec des retours en arrière sur l’enfance, l’adolescence et le mariage de Daniel, est une exploration de l’évolution du jeune veuf, d’une douleur violente, d’autant plus inacceptable qu’avec Cécile disparaît l’enfant qu’elle portait en son sein, à une véritable rémission, une acceptation douce, une compréhension spirituelle de ce vide et de cette révolte qui deviennent une plénitude, non plus résistance au mal, mais acquiescement à une exigence supérieure qui ouvre sur l’Au-delà. D’où les derniers mots du roman : « L’erreur était derrière lui. La vérité lui ouvrait les bras » – commentaire du narrateur ou dernier souffle d’un long monologue intérieur en style indirect libre ? Le roman met en scène, outre Cécile, l’épouse de Daniel, femme à la fois douce et énergique, médecin s’occupant généreusement de maladies tropicales (comme celle qui lui coûtera la vie), gracieuse figure féminine qui sait le guider vers la joie spontanée, d’autres interlocuteurs qui sont pour Daniel des balises sur son itinéraire devenu solitaire. C’est d’abord un vieux missionnaire, un sage contemplatif, qui lui donne d’emblée le mot de la fin : « Il suffit d’être. » Puis un homme d’affaires, à la fois puissant et modeste, qui, confiant en ses qualités, lui ouvre une voie royale dans le monde de la haute finance et de la politique internationale, tout en lui donnant, au sein de ces hautes sphères et d’un usage du luxe bien compris, l’exemple rare d’une vie honnête et véridique. C’est le grand-père, dans une scène rétrospective, qui initie le petit garçon aux beautés de la nature. C’est Augustin, l’ami d’enfance perdu de vue, qui accourt à l’autre bout du monde pour le soutenir dans l’épreuve ; ce sont aussi…