Jean Breton n’en pense pas moins | Ne nous fâchons pas

Publié le 27 Août 2021
Jean Breton n'en pense pas moins | Ne nous fâchons pas L'Homme Nouveau

Je me promène parfois avec un couteau dans la poche. Oh, ce n’est pas une arme de guerre, tout au plus un petit canif de superette, dont d’ailleurs je n’oserais jamais me servir. La dernière fois qu’on m’a suggéré de façon discourtoise de céder à une demande insistante d’aumône, j’avais évalué que mes lunettes valaient plus que l’obole qui m’en promettait la sauvegarde, et laissé l’argument contondant au bercail.

Les hommes pas trop âgés et doté d’une fierté minimale semblent obligés de prétendre se défendre ou défendre la veuve et l’orphelin, quitte à user de violence, à sortir du périmètre légal. Peut-être est-ce lié aux méthodes coercitives qui ont remplacé, chez les quêteurs, les affiches détaillant le nombre d’enfants malade à charge, mais il n’est pas sûr que la dynamique soit efficace sur le long terme pour une meilleure répartition des richesses. Mais comme « les études » disent que la pauvreté engendre la violence, la boxe devient un diplôme de pauvreté, et l’on ne serait pas assez miséreux tant qu’on n’est pas brutal.

Cet absolutisme déborde du cadre des altercations urbaines. Nous conformons nos attitudes ce que nous croyons être (l’existentialisme peut se rhabiller). Initialement, cela paraît sain : il est même logique qu’un anarchiste pose des bombes pour s’affirmer comme anarchiste, et qu’un gourmet grossisse pour paraître crédible. Mais quand les traditionnalistes s’habillent comme tels sans le moindre égard pour le bon goût, tandis que les charismatiques ajoutent des syncopes par devoir grégaire plus que par besoin, l’impératif de vivre dans la Vérité prend une tournure inquiétante pour la vie sociale.

La réalité, c’est que le tradi met moins de velours côtelé tout seul chez lui qu’en paroisse, et que le chacha qui prie en solitaire tempère son arythmie maladive. Et qu’un anarchiste qui s’assume dans le Larzac n’ira pas taguer sa vieille ferme, et que sans personne à défendre je ne m’armerais pas, nonobstant mes lubies chevaleresques.

C’est donc que l’anarchisme semble pouvoir se passer de bombes, la pauvreté de violence. Que l’effusion dans l’Esprit tolère le silence et que la Tradition survit en t-shirt. Et c’est curieux : précisément parce que l’on vit en société, on adopte un comportement enclin à nous en faire sortir, pour s’en démarquer, alors même que ce comportement n’est pas constitutif de notre conviction.

Vivre en société demande à l’anarchiste de ne pas saboter les infrastructures, cela s’entend. Au quidam de déléguer son héroïsme aux forces de police, à la rigueur. Aux rigoristes d’une manière de pratiquer le catholicisme de marquer plus de pondération, pourquoi pas. Mais l’essentiel ? Jusqu’où devons-nous nous adapter, non à la Société à la majuscule prétentieuse, mais à notre prochain avec qui nous voulons vivre en harmonie ?

Il faut savoir ce qu’on veut : si je choisis de me dire d’abord catholique, puis Français, puis tradi/chacha/entre-les-deux/totalement-les-deux, puis révolutionnaire socialiste, il m’est impossible de brûler une église en Barbour sur le dernier tube de « Il est vivant ». Je puis en revanche prendre un béret et ma bicyclette pour essayer d’aller convertir, par les dons de l’Esprit et la beauté liturgique, mes camarades prolétaires indignés.

La semaine prochaine, je range mon coutelas.

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneChroniques

Supprimer les jours fériés, supprimer la fête

C’est logique ! de François-Marie Portes | En voulant sacrifier deux jours fériés, le lundi de Pâques et le 8 Mai, sur l’autel des impératifs budgétaires, le Premier ministre ne s’attaque pas seulement à deux jours chômés. Il s’en prend au cœur même de leur signification : des fêtes, religieuses ou historiques, qui appellent au repos parce qu’elles sont d’abord des moments de mémoire et de joie partagée. Oublier cet ordre, c’est courir le risque d’effacer peu à peu ce que notre société avait choisi de célébrer.

+

fériés fêtes
ChroniquesLéon XIV

Les 100 premiers jours de Léon XIV

Élu 267e pape le 8 mai 2025, Léon XIV a fêté ses 100 jours le 17 août. Bien que le Pape n’ait encore effectué aucun pas ni aucune mesure majeure de son pontificat, le professeur Roberto de Mattei propose une analyse de ces premiers mois. Cet article a été publié sur Corrispondenza Romana et reproduit ici avec l’autorisation de son auteur.

+

Pape Léon XIV Roberto de Mattei
Chroniques

Concours Jeunes Talents 2025 : Le Reliquaire bleu

CONCOURS JEUNES TALENTS 2025 | Lauréat | Comme chaque année depuis 8 ans, L’Homme Nouveau a lancé son concours d’écriture Jeunes Talents 2025 entre avril et juin. Cette année, le thème était : « À la manière de G.K. Chesterton… Une nouvelle énigme pour le Père Brown » Découvrez en entier le texte du lauréat. Ce texte est aussi publié dans le numéro d’été (n° 1836), daté du 19 juillet 2025.

+

jeunes talents
ChroniquesAnnée du Christ-Roi

Dom Pateau : Pas de paix véritable sans le règne du Christ

Enquête Quas Primas 7 | Une fausse idée de liberté développée à partir du XIXe siècle a mené à oublier la royauté sociale du Christ pourtant bien demandée par Pie XI. Toute autorité étant réputée venir du peuple et non plus de Dieu, une conduite chrétienne conforme aux commandements divins devient plus ardue. Seule l’instauration du règne du Christ permettra de retrouver une vraie justice.

+

règne du christ-roi paix
ChroniquesLectures

Carte blanche : Le cardinal Charles Journet

Carte blanche d’Yves Chiron | Le cardinal Journet a déjà eu plusieurs biographes, notamment Lucien Méroz en 1981 et Guy Boissard en 2000. Philippe Chenaux, historien suisse, professeur émérite à l’Université pontificale du Latran, publie ce qu’il appelle une « biographie intellectuelle et politique » du théologien mort en 1975.

+

cardinal charles journet