Comme chaque année depuis 7 ans, L’Homme Nouveau a lancé son concours d’écriture Jeunes Talents 2024 entre avril et juin. Cette année, le thème était : « Après la guérison de son serviteur par Jésus, que devient le Centurion de l’Évangile ? »
Nous publions ici les écrits que nous avons reçus. Les trois lauréats sont aussi publiés dans le numéro d’été (n° 1812), daté du 27 juillet.
Retrouvez toutes les productions dans le dossier thématique Concours Jeunes Talents 2024.
Un centurion au cœur fidèle
Un texte de Isabelle Roy
En entendant cela, Jésus fut dans l’admiration. Il se tourna vers la foule qui le suivait : « Je vous le dis, même en Israël, je n’ai pas trouvé une telle foi ! »
De retour à la maison, les envoyés trouvèrent l’esclave en bonne santé. C’était un beau bébé, qui jouait maintenant avec des cailloux sous les yeux émerveillés du centurion, et qui n’avait plus rien de commun avec le pauvre petit être qui tout à l’heure hurlait de douleur et se convulsionnait sous l’effet d’un mal mystérieux. Ils n’osèrent pas interrompre cette observation si touchante, dans laquelle ce père laissait transparaître de façon évidente sa joie et son amour, faisant fi de la condition d’esclave de ce fils illégitime. Ce fut lui qui le premier s’arracha à sa contemplation. Il se tourna vers les envoyés et leur dit simplement : « Merci ».
Mais eux voulurent profiter de cette ouverture pour exprimer leur étonnement, leur joie et leur admiration pour l’auteur d’un si grand miracle : eux-mêmes avaient fortement douté de la possibilité de cette guérison, et cette prétention d’accomplir des miracles à distance leur avait semblé folle présomption. Aussi ne s’attendaient ils pas sur le chemin du retour à ce que leur démarche eût servi à quelque chose. Ils soulignaient aussi l’admiration que Jésus avait manifestée à l’égard de la foi du centurion, et louaient à leur tour la clairvoyance qui lui avait fait reconnaître un grand prophète sous l’apparence d’un populaire rabbi.
Mais leur interlocuteur se contentait de sourire silencieusement en regardant l’enfant, semblant n’avoir jamais douté non seulement de la puissance du Christ, mais aussi de la miséricorde infinie qui L’avait fait se pencher sur sa situation particulière, à lui qui n’était pourtant qu’un païen, et même pire, un occupant étranger, malgré sa bienveillance pour le peuple juif. Et personne ne put lui en faire dire davantage. Avoir été exaucé par Celui qui faisait parler de lui dans toute la Palestine ne semblait pas avoir bouleversé son mode de vie : il demeurait le simple subalterne qu’il avait toujours été, accomplissant ponctuellement son devoir d’officier.
Pourtant, en y regardant de plus près, on pouvait observer des modifications légères mais durables dans ses habitudes : il n’émettait plus de critiques bougonnes en recevant les ordres de ses supérieurs, il ne donnait plus d’ordres difficiles à réaliser et ne correspondant qu’à son caprice à ses subordonnés, mais il faisait plus attention à eux, témoignant un intérêt sincère pour leur vie familiale, et s’appliquait à leur donner le bon exemple.
Et surtout, il devenait de plus en plus silencieux, lui qui auparavant pouvait facilement bavarder à tort et à travers pour se faire remarquer. On le voyait moins aux tavernes où les officiers avaient coutume de se retrouver, pour l’étonnement désappointé de ses compagnons de beuverie et pour la joie de ses vrais amis et de sa famille, à laquelle il consacrait désormais l’essentiel de ses loisirs. Mais il lui arrivait aussi de se retirer seul dans sa chambre, demandant que l’on ne l’y dérange pas. Que pouvait-il y faire, lui, l’homme d’action, à qui étude et réflexion étaient totalement étrangères ?
Ses plus proches mêmes l’ignoraient, mais le voyant revenir vers eux plus en paix et plus joyeux à chaque fois, ils respectaient son vœu et ne troublaient pas sa solitude. Certains menèrent cependant leur enquête, et découvrirent qu’il s’était adressé à des disciples du christ, qui lui avaient répété les paroles de ce Maître que son métier et son origine empêchaient pour le moment de suivre. Les plus indiscrets allèrent jusqu’à lire la feuille de papyrus posée sur sa table de chevet : de son écriture malhabile, il y avait inscrit la traduction latine de la prière que Jésus avait apprise à ses disciples : « Pater noster, qui es in caelis… »
Isabelle Roy
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