La confession : entre justice et miséricorde

Publié le 27 Mar 2017
La confession : entre justice et miséricorde L'Homme Nouveau

La distinction entre for interne et fort externe est relativement récente. Elle date de la fin du Moyen-Âge et du début de la Renaissance quand on a regardé d’abord l’individu. Mais aujourd’hui, la distinction apparaît absolument nécessaire, au risque souvent de la caricaturer. Lors de la refonte du Code de droit canon de 1917, plusieurs voulaient la supprimer, mais elle a été maintenue. Le for externe regarde par nature l’activité publique et externe, ce qui en un mot caractérise un individu aux yeux de tous : port des lunettes, unijambiste etc. Ce droit est donc public et commun à l’Église et à l’État. Par contre, le droit interne regarde la conscience et est ordonné non pas directement au bien commun, mais au bien personnel de chaque fidèle. Il s’exerce principalement dans le sacrement de la confession, mais aussi dans la direction spirituelle. Depuis plusieurs années, pour revitaliser le sacrement de confession, la Sacrée Pénitencerie organise chaque année un congrès sur le for interne qui se tient généralement en Carême, temps liturgique idoine pour ce faire. Comme le rappelle le Pape dans son discours, ce congrès a pour but essentiel de contribuer à la formation de bons confesseurs. Saint Pie V disait : « Donnez partout de bons confesseurs et la chrétienté refleurira ».

Comme à son habitude, le Pape aborde trois points fondamentaux. En premier lieu, il insiste sur le fait que le bon confesseur est un vrai ami de Jésus Bon Pasteur. Sans cette amitié, qui implique comme toute amitié les mêmes vouloirs et les mêmes non vouloirs, le confesseur ne pourra jamais être un vrai pasteur d’âmes ; il sera un administrateur, un mercenaire, mais pas un père ni, par conséquent, un berger véritable. Et pour que la rencontre du confessionnal soit une vraie rencontre entre le pasteur et la brebis, fut-elle perdue ou galeuse, il est absolument nécessaire que le confesseur soit un homme de prière qui soit conscient d’être le premier à avoir besoin du pardon de Dieu. Sans la prière, le confesseur sera dur pour le pécheur et laxiste pour le péché. La prière permet d’accorder le don de la miséricorde à un cœur blessé, parce que le prêtre sait qu’il est lui-même un pécheur qui doit également implorer la miséricorde de Dieu. La prière à l’Esprit Saint permet en outre au confesseur d’avoir le discernement nécessaire pour exercer ses deux fonctions essentielles de juge et de médecin. On touche ici le deuxième point : un bon confesseur est un homme de l’Esprit Saint. Le manque de discernement peut en effet causer des dégâts énormes dans l’âme du pénitent, mais aussi dans l’Église, surtout lorsque le tribunal de la miséricorde mais aussi de la justice devient un instrument de torture. Le Saint Esprit communiquera au bon confesseur les grâces nécessaires de discernement dans les cas difficiles : scrupuleux, possédés, malades psychiques etc.

Enfin, et c’est le dernier point, le confessionnal est un lieu d’évangélisation et donc le lieu de la rencontre avec le Dieu des miséricordes. Le confesseur devra trouver les moyens catéchétiques les plus adaptés pour permettre au pénitent d’accomplir son chemin vers le ciel. C’était bien la pensée du Curé d’Ars, quand il répondit au petit berger qu’il lui montrerait le chemin du ciel et il le fit principalement par la confession, ce qui bien sûr excluait les confessions à la carte. Et le confesseur n’oubliera jamais que la Madonne détient elle les clés de la miséricorde. Et le Pape avec humour d’ajouter : Mais n’allez pas dire que les voleurs vont directement au Ciel. Il faut toujours la repentance, sans laquelle il ne pourrait y avoir de pardon.

Le discours du Pape

Je suis heureux de vous rencontrer à cette première audience avec vous après le jubilé de la miséricorde, à l’occasion du cours annuel sur le for interne. J’adresse un salut cordial au cardinal grand pénitencier, et je le remercie pour ses aimables paroles. Je salue le régent, les prélats, les officials et le personnel de la Pénitencerie, les collèges des pénitenciers ordinaires et extraordinaires des basiliques papales in Urbe et vous tous, participants à ce cours.

En réalité, je vous le confesse, le tribunal de la Pénitencerie est le type de tribunal que j’aime beaucoup! Parce que c’est un «tribunal de la miséricorde» auquel on s’adresse pour obtenir ce médicament indispensable pour notre âme qu’est la miséricorde divine!

Votre cours sur le for interne qui contribue à la formation de bons confesseurs, est plus que jamais utile et je dirais même nécessaire de nos jours. Certes, on ne devient pas de bons confesseurs grâce à un cours, non: l’école du confessionnal est une «longue école» qui dure toute la vie. Mais qui est le «bon confesseur»? Comment devient-on de bons confesseurs?

Je voudrais indiquer trois aspects à ce propos.

Le bon confesseur…

1. Le «bon confesseur» est avant tout un véritable ami de Jésus, bon pasteur. Sans cette amitié, il sera bien difficile de faire mûrir cette paternité, si nécessaire dans le ministère de la réconciliation. Être amis de Jésus signifie avant tout cultiver la prière. Tant une prière personnelle avec le Seigneur, en demandant sans cesse le don de la charité pastorale, qu’une prière spécifique pour l’exercice de la tâche de confesseur et pour les fidèles, frères et sœurs qui s’approchent de nous à la recherche de la miséricorde de Dieu.

Un ministère de la Réconciliation «enveloppé de prière» sera le reflet crédible de la miséricorde de Dieu et évitera ces duretés et incompréhensions qui pourraient parfois naître également dans la rencontre sacramentelle. Un confesseur qui prie sait bien qu’il est lui-même le premier pécheur et le premier pardonné. On ne peut pardonner dans le sacrement sans être conscient d’avoir été pardonné auparavant. Et la prière est donc la première garantie pour éviter toute attitude de dureté qui juge inutilement le pécheur et non le péché.

Dans la prière, il est nécessaire d’implorer le don d’un cœur blessé, capable de comprendre les blessures des autres et de les guérir avec l’huile de la miséricorde, celle que le bon Samaritain a versée sur les plaies de ce malheureux dont personne n’avait eu pitié (cf. Lc 10, 34).

Dans la prière, nous devons demander le don précieux de l’humilité, pour qu’il apparaisse toujours clairement que le pardon est un don gratuit et surnaturel de Dieu, dont nous sommes de simples administrateurs, bien que nécessaires, par la volonté même de Jésus; et Il se réjouira certainement si nous faisons un large usage de sa miséricorde.

Dans la prière, nous invoquons également toujours l’Esprit Saint, qui est un Esprit de discernement et de compassion. L’Esprit permet de nous identifier avec les souffrances de nos sœurs et de nos frères qui s’approchent du confessionnal et de les accompagner avec un discernement prudent et mûr et avec une véritable compassion pour leurs souffrances, causées par la pauvreté du péché.

Un homme de l’Esprit

2. Le bon confesseur est, en second lieu, un homme de l’Esprit, un homme du discernement. Que de mal fait à l’Église ce manque de discernement! Que de mal fait aux âmes une action qui ne plonge pas ses racines dans l’écoute humble de l’Esprit Saint et de la volonté de Dieu. Le confesseur ne fait pas sa volonté et n’enseigne pas sa propre doctrine. Il est appelé à faire toujours et seulement la volonté de Dieu, en pleine communion avec l’Église dont il est le ministre, c’est-à-dire le serviteur.

Le discernement permet de distinguer toujours, pour ne pas confondre, et ne pas faire de généralisations. Le discernement éduque le regard et le cœur, en permettant cette délicatesse d’esprit si nécessaire face à celui qui ouvre le sanctuaire de sa conscience pour en recevoir lumière, paix et miséricorde.

Le discernement est aussi nécessaire parce que celui qui s’approche du confessionnal, peut provenir des situations les plus disparates; il pourrait également avoir des troubles spirituels, dont la nature doit être soumise à un discernement attentif, en tenant compte de toutes les circonstances existentielles, ecclésiales, naturelles et surnaturelles. Si le confesseur se rendait compte de la présence de véritables troubles spirituels – qui peuvent aussi être en grande partie psychiques, et cela doit être vérifié à travers une saine collaboration avec les sciences humaines – il ne devra pas hésiter à le mentionner à ceux qui, dans le diocèse, sont chargés de ce ministère délicat et nécessaire, à savoir les exorcistes. Mais ceux-ci doivent être choisis avec un grand soin et beaucoup de prudence.

Lieu d’évangélisation

3. Enfin, le confessionnal est aussi un véritable lieu d’évangélisation. En effet, il n’y a pas d’évangélisation plus authentique que la rencontre avec le Dieu de la miséricorde, avec le Dieu qui est miséricorde. Rencontrer la miséricorde signifie rencontrer le véritable visage de Dieu, tel que le Seigneur Jésus nous l’a révélé.

Le confessionnal est alors un lieu d’évangélisation et donc de formation. Dans le dialogue, bien que bref, qu’il instaure avec le pénitent, le confesseur est appelé à discerner ce qui est plus utile et ce qui est même nécessaire au chemin spirituel de ce frère ou de cette sœur; il sera parfois nécessaire de ré-annoncer les vérités de la foi les plus élémentaires, le noyau incandescent, le kérygme, sans lequel l’expérience même de l’amour de Dieu et de sa miséricorde resterait comme muette; il s’agira parfois d’indiquer les fondements de la vie morale, toujours en rapport avec la vérité, le bien et la volonté du Seigneur. Il s’agit d’une œuvre de discernement prompt et intelligent, qui peut faire beaucoup de bien aux fidèles.

En effet, le confesseur est appelé quotidiennement à se rendre dans les «périphéries du mal et du péché» – c’est une périphérie laide! – et son œuvre représente une authentique priorité pastorale. Confesser est une priorité pastorale. S’il vous plaît, qu’il n’y ait pas ce type de panneaux: «Les confessions se font uniquement le lundi, le mercredi de telle à telle heure». Il faut confesser chaque fois qu’on te le demande. Et si tu es là [dans le confessionnal] en train de prier, tu es avec le confessionnal ouvert, qui est le cœur de Dieu ouvert.

Chers frères, je vous bénis et je vous souhaite d’être de bons confesseurs: plongés dans la relation avec le Christ, capables de discernement dans l’Esprit Saint et prêts à saisir l’occasion d’évangéliser.

Priez toujours pour vos frères et sœurs qui s’approchent du sacrement du pardon. Et s’il vous plaît, priez aussi pour moi.

La Vierge Marie

Et je ne voudrais pas finir sans quelque chose qui m’est venu à l’esprit quand le cardinal-préfet a parlé. Il a parlé des clés et de la Vierge, et cela m’a plu et je dirai une chose… deux choses. Cela m’a fait beaucoup de bien, quand j’étais jeune, de lire le livre de saint Alphonse Marie de Liguori sur la Vierge Marie: Les gloires de Marie. À la fin de chaque chapitre, il y avait toujours un miracle de la Vierge Marie, avec lequel elle entrait dans la vie et arrangeait les choses. Et la seconde chose. À propos de la Vierge, il y a une légende, une tradition qui, m’a-t-on dit, existe dans le sud de l’Italie: la Vierge des mandariniers. C’est une terre où il y a beaucoup de mandariniers, n’est-ce pas? Et on dit que c’est la patronne des voleurs [le Pape rit; l’assemblée rit]. On dit que les voleurs vont prier là-bas. Et la légende – c’est ce qu’on dit – est que les voleurs qui prient la Vierge des mandariniers, lorsqu’ils meurent, font la queue devant Pierre qui a les clés et qui ouvre pour laisser passer quelqu’un, puis il ouvre et en laisse passer un autre; et la Vierge, quand elle voit l’un d’entre eux, lui fait signe de se cacher; puis, lorsqu’ils sont tous passés, Pierre ferme et la nuit tombe et la Vierge l’appelle par la fenêtre et le fait entrer par la fenêtre. C’est un récit populaire, mais il est très beau: pardonner avec notre Mère à côté; pardonner avec la Mère. Parce que cette femme, cet homme qui vient au confessionnal, a une Mère au ciel qui lui ouvrira la porte et l’aidera au moment d’entrer au ciel. Toujours la Vierge, parce que la Vierge nous aide aussi dans l’exercice de la miséricorde. Je remercie le cardinal pour ces deux signes: les clés et la Vierge Marie.

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneEgliseFiducia Supplicans

Fiducia supplicans : L’Église copte orthodoxe suspend son dialogue avec l’Église catholique

Dans un communiqué daté du 7 mars, l'Église copte orthodoxe a annoncé suspendre le dialogue théologique avec l'Église catholique, et rappelle son rejet de toute perversion sexuelle, parmi lesquelles l'homosexualité. Cette décision survient près de trois mois après la publication de Fiducia supplicans, une déclaration autorisant les prêtres catholiques à accorder des bénédictions non liturgiques aux couples homosexuels.

+

église copte orthodoxe
A la uneChroniquesEglise

Défendre l’Église

Carte blanche de Judith Cabaud | Récemment, la chaîne de télévision KTO a programmé un film sur la vie de sainte Édith Stein, en religion sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix, juive convertie et carmélite morte à Auschwitz en 1942. Cependant, ce film, Une rose à Auschwitz, produit soixante-seize ans plus tard, en 2018, après l’ouverture des archives du Vatican qui ont révélé tous les documents pertinents, dénonce encore l’Église catholique romaine comme « responsable » des faits au lieu de s’en tenir aux réalités.

+

pie xii Edith stein église
A la uneCultureEgliseLectures

Pierre Teilhard de Chardin : prophète ou hérétique ?

Le plus célèbre jésuite du XXe siècle fut autant admiré que controversé. Pierre Teilhard de Chardin fut le théoricien d’un « évolutionnisme théiste » que l’Église ne pouvait que condamner. Deux ouvrages parus dernièrement, une biographie et une analyse de ses enseignements, font le point sur la vie et les œuvres d’un religieux peu orthodoxe.

+

Pierre Teilhard de Chardin