Paul Claudel: L’illumination de Noël ou sa conversion

Publié le 24 Déc 2022
Paul Claudel (1868-1955)

Maintes fois cité, le moment où Paul Claudel se mit à croire fut à la fois un aboutissement, la fin d’un désespoir métaphysique, et le début d’un débat intérieur entre la foi et les convictions rationalistes. La découverte de Baudelaire, Rimbaud et Verlaine avait déjà posé les jalons d’un éblouissement esthétique qui fut le déclencheur de la volte-face spirituelle du jeune homme. C'est au pied de la statue de Notre Dame du Pilier que Claudel comprit qu'un Dieu l'aimait.   «En un instant mon cœur fut touché et je crus » (1). C’est ainsi que Paul Claudel évoque, vingt-sept ans plus tard, sa conversion,   la nuit de Noël 1886, le soir même où sainte Thérèse de Lisieux reçut sa « grâce de Noël » (2). Claire et concise, la phrase présente ce moment comme une illumination soudaine et radicale, un véritable tournant, ce qu’est bien, étymologiquement, une conversion. Pourtant, les choses ne sont pas si simples et le récit de Claudel ne le cache pas.

  Conversion préparée par la poésie.

Si le jeune homme de 18 ans entre à Notre-Dame, le 25 décembre 1886, pour y suivre les vêpres, c’est en quête d’émotions esthétiques : «Je commençais alors à écrire et il me semblait que dans les cérémonies catholiques, considérées avec un dilettantisme supérieur, je trouverais un excitant approprié et la matière de quelques exercices décadents» (3). En effet, intellectuellement, le jeune Claudel est aux antipodes d’une pensée religieuse : après avoir été élevé dans une famille devenue peu à peu indifférente, il a abandonné la foi dans son adolescence parce qu’elle lui «sembl[e] inconciliable avec la pluralité des mondes» (4). Le scientisme et le positivisme dominent en effet la pensée de son temps : en littérature, le naturalisme triomphe avec Zola ; en philosophie, Taine règne ; et Renan est en train de bouleverser l’exégèse avec sa lecture rationaliste des Évangiles. Le jeune Claudel est donc parfaitement en phase avec ses contemporains : « À 18 ans, je croyais donc ce que croyaient la plupart des gens dits cultivés de ce temps. […] J’acceptais l’hypothèse moniste et mécaniste dans toute sa rigueur, je croyais que tout était soumis aux ʺloisʺ , et que ce monde était un enchaînement dur d’effets et de causes que la science allait arriver après-demain à débrouiller parfaitement». Pourtant, à l’inverse de ses contemporains, il participe à…

Pour continuer à lire cet article
et de nombreux autres

Abonnez-vous dès à présent

Graciane Laussucq Dhiriart

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneÉgliseSpiritualité

Europe : les pèlerinages en 2024

Les pèlerinages sont un phénomène quasiment universel. Le mot pèlerinage vient du latin peregrinatio qui exprime l’idée de « voyager loin » et dérive de per ager « à travers champs ». En passant par les lieux liés à la vie du Christ, ceux qui ont été sanctifiés par des apparitions mariales ou encore les nombreux sanctuaires liés à des saints, quels sont les succès et nouveautés des pèlerinages de l’année 2024 ? 

+

homme nouveau Chartres pèlerinage
À la uneÉgliseLectures

Côté éditions | La Tradition liturgique, par Anne Le Pape

Les Éditions de L'Homme nouveau vous présentent La Tradition liturgique, Les rites catholiques, latins et orientaux, reçus des Apôtres, (Anne Le Pape, Novembre 2024, 98 pages, 15 €). Avec cet ouvrage sur les liturgies orientales, Anne Le Pape offre une enquête passionnante sur un univers souvent ressenti comme étranger, malgré l'appartenance de ces rites à l'Église catholique.

+

la tradition liturgique
ÉgliseThéologie

Un nouveau manuel de patristique

Carte blanche d'Yves Chiron | Le Nouveau Manuel de patristique qui vient de paraître chez Artège est appelé à devenir un livre de référence, « le Lagarde et Michard des Pères de l’Église », dit l’éditeur. L’ouvrage est publié sous la direction de Marie-Anne Vannier, rédactrice en chef de la revue Connaissance des Pères de l’Église depuis 1996 et professeur de théologie à l’université de Lorraine.

+

peres de leglise Louis Cazottes CC BY SA 4.0 Lavaur Cathedrale Saint Alain Chapelle des Peres de lEglise patristique
ÉgliseLiturgie

La pause liturgique : Sanctus 8, De angelis (Messe des Anges)

Le Sanctus 8 est la plus ancienne des quatre pièces de l’ordinaire de la messe des anges, puisqu’il est daté du XIIe siècle. Il est représenté par une centaine, au moins, de sources manuscrites. Sa mélodie est reprise, sans que l’on puisse affirmer avec certitude laquelle des deux est l’original, dans l’antienne O quam suávis est des premières vêpres à Magnificat de la fête du Saint-Sacrement.

+

communion alleluia sanctus agnus
Église

Jerzy Popiełuszko (3/3) : Saint Adalbert de Prague et les racines chrétiennes de la Pologne

Dossier : « Martyre du père Popiełuszko : la force irrésistible de la vérité » | La foi chrétienne en Pologne a trouvé son élan dans la mission et le martyre en 997 de saint Adalbert, moine bénédictin et évêque de Prague. Enseveli à Gniezno par le duc Boleslas, il permit à celui-ci d’être reconnu patrice de Pologne par l’empereur Otton III et de se charger par la suite de l’organisation ecclésiastique de l'État devenu chrétien.

+

Adalbert de Pologne