Maintes fois cité, le moment où Paul Claudel se mit à croire fut à la fois un aboutissement, la fin d’un désespoir métaphysique, et le début d’un débat intérieur entre la foi et les convictions rationalistes. La découverte de Baudelaire, Rimbaud et Verlaine avait déjà posé les jalons d’un éblouissement esthétique qui fut le déclencheur de la volte-face spirituelle du jeune homme.
Conversion préparée par la poésie.
Si le jeune homme de 18 ans entre à Notre-Dame, le 25 décembre 1886, pour y suivre les vêpres, c’est en quête d’émotions esthétiques : « Je commençais alors à écrire et il me semblait que dans les cérémonies catholiques, considérées avec un dilettantisme supérieur, je trouverais un excitant approprié et la matière de quelques exercices décadents » (3). En effet, intellectuellement, le jeune Claudel est aux antipodes d’une pensée religieuse : après avoir été élevé dans une famille devenue peu à peu indifférente, il a abandonné la foi dans son adolescence parce qu’elle lui « sembl[e] inconciliable avec la pluralité des mondes » (4). Le scientisme et le positivisme dominent en effet la pensée de son temps : en littérature, le naturalisme triomphe avec Zola ; en philosophie, Taine règne ; et Renan est en train de bouleverser l’exégèse avec sa lecture rationaliste des Évangiles. Le jeune Claudel est donc parfaitement en phase avec ses contemporains : « À 18 ans, je croyais donc ce que croyaient la plupart des gens dits cultivés de ce temps. […] J’acceptais l’hypothèse moniste et mécaniste dans toute sa rigueur, je croyais que tout était soumis aux ʺ lois ʺ , et que ce monde était un enchaînement dur d’effets et de causes que la science allait arriver après-demain à débrouiller parfaitement ». Pourtant, à l’inverse de ses contemporains, il participe à…