La France est-elle en guerre ?

Publié le 26 Nov 2015
La France est-elle en guerre ? L'Homme Nouveau

Les attentats de Paris auront-ils pour effet d’entraîner la France dans une guerre au Moyen-Orient ? Cela semble très peu probable. Tout d’abord parce que la France, après plusieurs décennies de réductions de ses forces armées, n’est plus en mesure d’intervenir sur tous les fronts. Mais surtout pour la raison suivante : dans la guerre d’influence que se livrent l’Iran et l’Arabie Saoudite, parrainée par les acteurs extérieurs russe et américain, la France reste diplomatiquement liée au second camp. Or l’enjeu majeur de cette guerre n’est pas celui des hydrocarbures mais bien la domination de l’épicentre religieux de la planète. Pour les puissants en effet, l’appropriation militaire des lieux sacrés constitue une tentative inlassable visant à capturer l’âme des individus afin d’agir sur celle des peuples. N’oublions pas que les Vikings frappèrent d’abord les monastères car ils savaient qu’il s’agissait de lieux certes riches, mais surtout à haute valeur religieuse ajoutée et dont la prise démoraliserait la population. Au Moyen-Orient, la conquête de lieux religieux actifs comme La Mecque, Jérusalem ou bien Najaf permet d’agir sur les civilisations concurrentes qui se les disputent. De fait, l’artiste capable d’appuyer sur la touche du piano religieux moyen-oriental dégagera des harmoniques puissantes, jusqu’à New York ou Djakarta.

Une agressivité exploitée

L’une des manifestations de cette volonté de conquérir les lieux sacrés est la manipulation – par les puissances extérieures – de la vitalité-agressivité des musulmans exaltés de l’État islamique. Il s’agit pour les uns de les électriser, et pour les autres de décharger leur électricité mystique en les reliant subitement à la terre. Soit dit en passant, la translation de l’État islamique vers le désert syrien ou irakien aurait pour conséquence de porter ses guerriers à l’incandescence. Or, dans la lutte difficile pour la conquête de l’épicentre religieux, l’élément déterminant sera la cohérence de la politique étrangère. L’on sait bien en effet, qu’au-delà d’un certain seuil de contradictions, la politique étrangère se désagrège, comme un objet porté à sa propre fréquence de résonance. Sous ce rapport, la Turquie, l’Arabie Saoudite, Israël ou les États-Unis ont du souci à se faire. Le second élément sera la sensibilité religieuse de la puissance souhaitant s’approprier les lieux sacrés. De ce point de vue, il ne fait nul doute que la Russie, qui se caractérise simultanément par sa ligne claire diplomatique et son penchant pour l’utopie, est mieux placée que sa concurrente américaine.

Thomas Flichy de La Neuville est Professeur à l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr.

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneSociétéPhilosophie

L’organicisme, une pensée matérialiste et fataliste

L'Essentiel de Joël Hautebert | Hérité des Lumières et du naturalisme du XIXe siècle, l’organicisme est un concept d’analogie encore utilisé aujourd’hui et qui a inspiré la sociologie. Si l’idée peut paraître juste, elle mène cependant au déterminisme, faisant de l’homme un être purement matériel, somme toute similaire aux végétaux et animaux.

+

organicisme
SociétéLettre Reconstruire

Carlos Sacheri : Le travail humain (II)

Lettre Reconstruire n° 45 | Extraits | Dans notre précédent numéro (Reconstruire n°44), nous avons publié l’étude de Carlos Sacheri sur le travail humain. L’auteur présentait succinctement les conceptions libérales et marxistes à ce sujet. Nous continuons ici en abordant le travail selon une conception conforme à la loi naturelle.

+

travail humain carlos sacheri
SociétéLettre Reconstruire

Du pouvoir dans la modernité et la postmodernité

Lettre Reconstruire n° 45 (mars 2025) | La Bibliothèque politique et sociale | L’extension sans fin de l’État moderne que des épisodes récents, comme la gestion de la crise liée au Covid-19 ou actuellement la « guerre » déclarée entre la France et la Russie, mettent en évidence, conduit immanquablement à s’intéresser à la question du « pouvoir ». Javier Barraycoa a consacré un petit essai sur la situation du pouvoir dans nos sociétés postmodernes. Traduit en français, Du pouvoir bénéficie d’une substantielle préface de Thibaud Collin dont le titre indique tout l’intérêt.

+

du pouvoir dans la modernité et postmodernité
SociétéPhilosophie

Le sens des mots et le véritable enjeu du langage

C'est logique ! de François-Marie Portes | En tant que matière vivante, le langage évolue nécessairement et s’enrichit souvent de nouveaux mots pour exprimer au mieux la pensée. Mais certains néologismes sont utilisés pour nourrir des luttes idéologiques et dérivent alors de leur sens littéral. C’est notamment le cas du terme « homophobie » que l’on entend partout. 

+

sens des mots
Société

Intelligence artificielle (5/5) : L’IA à l’épreuve de la trisomie 21

DOSSIER « L’intelligence artificielle : entre innovation et responsabilité » | La trisomie 21 est caractérisée par une déficience intellectuelle mais celle-ci permet de souligner les autres formes d’intelligence – relationnelle, affective, de communication... – que les porteurs de trisomie possèdent souvent à un haut degré, faisant ressortir les pauvretés de l’intelligence artificielle. Démonstration que l’humanité ne se définit pas par des critères de performance mesurables. Entretien avec Grégoire François-Dainville directeur de la Fondation Jérôme Lejeune.

+

Intelligence artificielle IA trisomie 21