Dimanche dernier, la liturgie nous faisait contempler Jésus jeûnant au désert et tenté par le diable. Ce dimanche, cet épisode austère et grave laisse la place à une théophanie : la Transfiguration. Cette gloire, qui n’est pas encore celle de la Résurrection, terme de la quarantaine qui commence, vient toutefois en ouvrir la perspective : « Après avoir prédit sa mort à ses disciples, (…) [le Christ] a manifesté sa splendeur. Il nous révélait ainsi que sa Passion le conduirait à la gloire de la Résurrection » (Missel Romain [1970-2002], préf. du deuxième dim. de Carême). Voyons quelques aspects de cette manifestation glorieuse dans deux homélies patristiques.
Le Bréviaire romain codifié au concile de Trente comportait un extrait de l’homélie 51 de saint Léon le Grand (+ 461), sur l’évangile de ce jour (Mt 17, 1-9), commun cette année aux deux formes du rite romain. Le pape y voit d’abord une révélation aux trois Apôtres, qui « ignoraient encore la puissance détenue par ce Corps qui cachait la divinité », de « la gloire royale appartenant spirituellement à la nature humaine, prise par le Verbe » (septième leçon). La parole du Père lui paraît une affirmation que le Verbe partage sa divinité : « “Celui-ci est mon Fils” : de moi ne le sépare pas la divinité, ne le divise pas la puissance, ne le distingue pas l’éternité » (huitième leçon). Et saint Léon développe ainsi ce commandement divin : « Celui-ci en qui je prends pour tout ma complaisance, dont la prédication me manifeste, dont l’humilité me glorifie, écoutez-le sans hésitation, car Il est, lui vérité et vie, Il est ma puissance et ma sagesse » (neuvième leçon).
Dans un autre passage, omis par le Bréviaire, saint Léon affirme aussi que par la Transfiguration, Jésus « voulait avant tout prémunir ses disciples contre le scandale de la Croix et, en leur révélant toute la splendeur de sa dignité cachée, empêcher que les abaissements de sa Passion volontaire ne bouleversent leur foi » (§ 3).
L’Homéliaire proposé pour la Liturgie des Heures (Les Pères de l’Église commentent l’évangile [1991]) donne encore un commentaire de saint Éphrem (+ 373), docteur de l’Église. Le Syrien y souligne combien la Transfiguration du Christ a fortifié la foi des disciples. En effet, ceux-ci « l’avaient vu manger et boire, se fatiguer et prendre du repos, s’assoupir et dormir, subir l’effroi jusqu’aux gouttes de sueur, toutes choses qui ne semblaient guère en harmonie avec sa nature divine et ne convenir qu’à son humanité. Voilà pourquoi Il les emmena sur la montagne, afin que le Père l’appelât son Fils et leur montrât qu’Il était vraiment son Fils, et qu’Il était Dieu » (p. 37). Et cette gloire devait leur faire comprendre que Jésus ne souffrirait pas la Passion « par faiblesse, mais (…) de plein gré pour le salut du monde » et reconnaître, après la Résurrection, « qu’Il ne recevait pas cette gloire en récompense de sa peine, comme s’Il en eût besoin, mais qu’elle lui appartenait bien avant les siècles, avec le Père et auprès du Père » (ibidem).
Revenons au commandement du Père : « Écoutez-le ». Il nous ramène dans un des trois efforts du Carême. En effet, unie au jeûne et à l’aumône, la prière trouve sa nourriture dans l’écoute de la Parole de Dieu. C’est bien ce que demande la collecte de ce jour : « Ô Dieu, qui nous avez commandé d’écouter votre Fils bien-aimé, daignez nous nourrir intérieurement par votre Parole, afin que le regard de notre esprit étant purifié, nous soyons remplis de joie à la vue de votre gloire » (Missel Romain [1970-2002] ; traduction privée).