Entretien avec Léonard, séminariste de la Communauté Saint-Martin.
Propos recueillis par Agathe du Boullay
Léonard sera ordonné diacre le 27 juin prochain dans la basilique Notre-Dame d’Évron. Séminariste de la Communauté Saint-Martin, il se prépare à être serviteur de la Parole tout au long de l’année prochaine au Puy-en-Velay avant d’être ordonné prêtre en juin 2016.
Vous allez être ordonné diacre le 27 juin prochain, quelle sera votre mission ?
Je n’ai pas encore tous les détails, je sais simplement que je serai au service de la paroisse Saint-Laurent du Puy-en-Velay. Au Puy, nous serons cinq : trois prêtres, un séminariste stagiaire, et moi-même, diacre. Notre mission recouvre trois réalités : la paroisse Saint-Laurent, les sanctuaires Saint-Joseph d’Espaly et Saint-Michel d’Aiguilhe, et l’internat Notre-Dame de Pontmain.
Pourquoi avoir choisi le sacerdoce ?
C’est le Seigneur qui nous appelle, cela ne s’explique pas totalement. Le désir du sacerdoce je l’ai depuis mon enfance. Plus tard, j’ai eu des désirs de conversion, de vie authentiquement chrétienne… mais comme tout chrétien. Durant le séminaire, j’ai dû opérer un discernement entre la vie religieuse et la vie séculière. Je me suis demandé si j’avais cette capacité à la vie religieuse, si j’avais vraiment cette vocation. J’ai discerné que je ne l’avais pas et que j’ai un vrai désir d’apostolat. C’est facile d’avoir le désir d’entrer à la Chartreuse quand on lit des livres de spiritualité cartusienne ! Mais est-ce que l’on a la vocation, la capacité et le désir de se consacrer à Dieu dans la radicalité cartusienne, ce n’est pas sûr.
Pourquoi avez-vous choisi la Communauté Saint-Martin ?
Je crois que j’y ai été conduit par le Seigneur ! Je connaissais très peu la Communauté, par ouï-dire… J’étais venu une fois, en Terminale, pour une retraite. Et je n’avais pas aimé, mais franchement, je n’en avais gardé aucun vrai souvenir. Je savais qu’elle était jeune, dynamique, équilibrée. J’étais parti sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle pour discerner et je me suis arrêté au séminaire (alors à Candé-sur-Beuvron) où j’ai rencontré don Louis-Hervé, le responsable de la formation. Je me souviens de ce qu’il m’a dit : « Je t’écoute et je sens en toi un vrai désir. Pour discerner une vocation, il faut être accompagné. Le lieu du discernement, c’est le séminaire. En marchant, tu prends deux risques : t’inventer une vocation que tu n’as pas ou perdre une vocation que tu as peut-être. Si tu veux, tu peux entrer au séminaire en cours d’année – nous étions fin octobre – je t’ouvre les portes. Repars marcher quelques jours et rappelle-moi pour la Saint-Martin. » Du coup, je suis reparti marcher, j’ai fait une halte à Solesmes… je l’ai rappelé le 6 novembre… et je suis rentré le 11, pour la Saint-Martin. Sur place, ce qui m’a saisi c’est la joie des séminaristes, leur amitié fraternelle et la beauté de la liturgie. Ces critères ont été décisifs pour mon entrée, mais même s’ils comptent encore, ce n’est plus uniquement pour ces raisons que je veux servir l’Église universelle dans la Communauté. Mais c’est un autre sujet…
Une autre chose qui a joué est que dans ma jeunesse je ne me suis jamais vraiment impliqué dans un diocèse. Pour moi, l’évêque n’avait pas vraiment de visage, je ne le connaissais pas. C’est au séminaire que j’ai véritablement découvert la paternité d’un évêque, avec Mgr de Germiny, lorsque nous étions à Candé. Je sais qu’un certain nombre de mes frères séminaristes ont grandi ainsi, à la fois « dans » et « loin » de leurs diocèses. Peut-être que cela nous aide à intégrer la Communauté qui est un « corps mobile » de prêtres, au service des évêques.
Que retenez-vous de vos années de séminaire ?
Pour une vie de chrétien et de prêtre, le combat le plus fondamental est celui de la prière, de la vie intérieure. Nous avons chacun nos études, nos charges, nos affaires personnelles mais le combat de la prière est vraiment la priorité et si ce combat est mené moins vigoureusement, l’ensemble de la vie en pâtit. Le Pape François, comme ses prédécesseurs, nous appelle à prendre de longs temps pour la prière !
Pensez-vous que tout homme doive se poser la question du sacerdoce ?
Je dirai que tout homme doit se poser la question de sa vocation, se demander : « quel est le projet de Dieu pour ma vie ? ». À la fin de la première année de séminaire nous étions tous unanimes : tous les garçons devraient faire un an de séminaire ! Cela nous forme humainement, cela nous rend libres, capables de vraiment chercher la volonté de Dieu dans nos vies.
Lorsque l’on entre au séminaire, vit-on dans un certain retrait du monde ? Comment et pourquoi ?
À la Communauté Saint-Martin, oui, nous vivons dans un certain retrait du monde. Matériellement, lors des quatre premières années de séminaire, on ne consulte pas Internet mis à part pour des charges pratiques, on n’a pas de téléphone portable, on appelle notre famille modérément, on entretient une correspondance modeste avec nos amis puis le temps fait que nos amitiés se purifient et on laisse progressivement le silence de Dieu entrer dans notre cœur et dans nos relations. Nous prenons aussi une distance face à la frénésie des médias. L’idée centrale est celle-ci : « Dieu créa votre âme silencieuse : au baptême, dans le silence inviolé. Il la remplit de Lui-même ; rien que de Lui. C’est plus tard, peu à peu, que le monde y fit irruption. Le bruit l’envahit, couvrant la douce voix de Dieu. Depuis, le vacarme s’amplifie. Revenez au silence baptismal ! » (Les portes du silence, un chartreux). Il nous faut redécouvrir ce silence : on ne peut pas discerner paisiblement ce que Dieu veut pour nous dans le bruit. Comme la prière c’est un combat permanent pour ne pas se laisser envahir, d’autant que nous sommes de cette génération de l’instantanéité, de l’urgence, alors qu’au contraire, le Seigneur bâtit dans le temps : lorsqu’Il a voulu orienter la vie du prophète Élie, Il l’a appelé dans le retrait d’une grotte et s’est manifesté dans le silence d’une brise légère. Et regardez le prophète qu’il est devenu !