L’Apôtre : découvrez le film de Cheyenne Carron en DVD

Publié le 05 Nov 2014
L'Apôtre : découvrez le film de Cheyenne Carron en DVD L'Homme Nouveau

Pour son cinquième long métrage, la jeune réalisatrice Cheyenne Carron s’est inspirée d’un fait authentique et lui a donné un prolongement en la conversion d’un jeune musulman. Ce film, c’est L’Apôtre que L’Homme Nouveau propose au prix de 19 € (+ 1,84€ de frais de port quel que soit le nombre de DVD commandés). Commande auprès de L’Homme Nouveau, 10, rue Rosenwald, 75015 Paris ou directement au 01 53 68 99 76. Pour mieux découvrir ce film et sa réalisatrice, Daniel Hamiche a rencontré Cheyenne Carron. Entretien.

Parlez-nous de vos parents…

Cheyenne Carron : Mes parents sont des personnes exceptionnelles. Mon père est un ancien maçon savoyard et ma mère une ancienne institutrice ardéchoise. Ils ont eux cinq enfants : adoptés, dont moi, et biologiques.

Quel type d’éducation avez-vous reçue ?

Une éducation remplie d’amour de la part de ma mère. Et d’autorité de la part de mon père…

Avez-vous été élevée dans une ambiance familiale catholique ?

Absolument. Ma mère enseignait le catéchisme, et nous allions à la messe tous les dimanches. Mais la vérité catholique je ne l’ai pas reçue à l’église. Je l’ai reçue de ma mère. Enfant, j’ai vu l’esprit catholique dans ses actes, son rapport au monde, son rapport à moi. Cette faculté de demander pardon. Ma mère est une sainte anonyme, et j’ai beaucoup de chance d’avoir été élevée par elle. Enfant, aller à l’église m’ennuyait. Surtout que je n’étais pas baptisée, car mes parents n’en avaient pas le droit comme famille d’accueil. Alors lorsque ma famille allait communier, moi je restais sur le « banc de touche ». Mais mon frère Emmanuel partageait parfois son hostie en cachette avec moi…

Pourquoi n’avez-vous été baptisée que cette année ?

J’ai commencé ma préparation au baptême à l’âge de 20 ans. Mais je ne me sentais pas « être digne » de ce sacrement, alors j’ai repoussé à plus tard. Après le tournage de La Fille publique, j’ai ressenti que le moment était venu d’officialiser mon union à l’Égli­se. Mais j’avais très peur de ce qui changerait dans ma vie, car recevoir le baptême c’est devenir plus exigeant avec soi. Pour vous faire une confidence, avant mon baptême, j’étais déjà catholique dans ma culture et dans mon cœur, mais j’étais une « clandestine » face à l’Église : je n’avais pas encore franchi le pas. Cette situation de « clandestine » m’arrangeait bien… Mais ça n’a duré qu’un temps. Ensuite le besoin de recevoir ce sacrement devint plus fort.

Qui vous a accompagnée pendant votre catéchuménat ?

Le père Olivier-Marie de Prémesnil du diocèse de Valence, et l’équipe d’accompagnants étaient des amis catholiques de mes parents. Odile, Monique, Georges, Marie-France : ce sont des personnes qui me connaissent depuis toujours. Mon baptême est lié aux gens que j’aime, qui m’aiment.

Qu’a représenté pour vous le baptême catholique ?

Une officialisation de mon appartenance à mon Église. La France est intrinsèquement liée à ma foi catholique, car j’ai été sauvée par la France en tant que pupille de l’État, et par l’Église. Mais de manière plus importante encore, mon baptême c’est aussi une nouvelle exigence de vie. Je dois faire honneur à mon baptême, et le servir.

Mais votre rapport au cinéma, pouvez-vous nous le raconter ?…

Le cinéma c’est un rêve que j’ai réalisé pour prendre ma revanche sur trop de souffrances que j’ai subies étant enfant. Lorsque j’étais dans mon village, dans ma famille modeste, loin des lumières du cinéma, je me suis extraite de ma vie douloureuse en me plongeant dans des films. À 16 ans, la Direction départementale des Affaires sanitaires et sociales (DDASS) m’a retiré de ma famille et m’a placée dans un foyer. J’ai négocié pour avoir un studio afin de fuir tous les cas sociaux du foyer. Une fois installée, j’ai loué des VHS dans un vidéo club. J’étais la première à en louer de la région ! Je vivais seule et je regardais jusqu’à six films par jour ! Les films étaient uniquement du cinéma classique français, parce que j’aimais la manière de parler des acteurs de l’époque. C’était un temps où les gens s’exprimaient bien. Cela me donnait l’impression d’être dans un cocon. Alors à 20 ans, lorsque j’ai dû choisir un métier, je n’avais qu’un C.A.P. de secrétaire en poche, je me suis dit : « Je monte à Paris accomplir mon rêve : faire du cinéma ».

Ce prénom de Cheyenne vous a-t-il aussi été inspiré par le cinéma et le fameux film de John Ford ?

Quand j’avais 5 ans, mes parents ont adopté mon petit frère : un Indien maya du Guatemala. Lorsqu’on a découvert sa surdité, je l’ai tout de suite protégé. Et dans ma tête je suis devenue un peu comme sa maman. Le lien que j’avais à mon petit frère était si fort, que lorsque j’ai été adoptée, j’ai eu le droit de changer officiellement de prénom, et j’en ai cherché un qui fasse référence aux Indiens. Dans le vidéo-club de l’époque, j’ai vu le film Les Cheyennes. Et je me suis dit que mon prénom serait désormais Cheyenne en hommage à mon frère. Mon nom de baptême aujourd’hui c’est Cheyenne-Marie. J’aurais changé trois fois d’identité dans ma vie, pour trois étapes de vies différentes. C’est mon destin.

Quel est le film qui vous a le plus marquée ?

Barry Lindon de Stanley Kubrick. Une perfection visuelle. Une musique de Schubert sublime (que j’ai d’ailleurs repris dans La Fille publique), et un propos qui me touche : un homme qui par son audace obtient une grande fortune, et qui par sa bêtise et son arrogance perd tout.

Comment et avec qui avez-vous appris ce métier ?

J’ai appris seule en regardant beaucoup de films, et en réalisant des films. Je n’ai été l’assistante de personne, je ne suis allée sur aucun autre plateau de cinéma… hormis les miens.

Quelles furent les plus grandes difficultés rencontrées lors du tournage de votre premier long métrage Écorchés ?

Ce fut un enfer ! Mon producteur a en grande partie saboté mon travail en se mêlant de l’artistique. C’est un film si mauvais que j’en ai parfois honte. Mais après cette douloureuse expérience, je n’ai plus jamais accepté de travailler avec un producteur. J’ai tourné seule Extase, Ne nous soumets pas à la tentation, La Fille publique puis L’Apôtre. Et c’est là que j’ai commencé à faire du bon travail !

Quel a été l’élément déclencheur de L’Apôtre ?

Dans le village d’où je viens, la sœur de mon prêtre fut tuée. Le meurtrier était un jeune musulman, fils des voisins du prêtre. Lorsque le jeune a été arrêté, le prêtre a dit : « Je reste vivre auprès des parents, dont le fils a tué ma sœur, car ma présence les aide à vivre. » La main tendue de ce prêtre m’a touchée au plus profond du cœur. Je savais déjà par ma mère que la religion catholique était la plus belle religion existante, mais par le geste sublime de beauté de ce prêtre, j’ai compris que la Vérité ne pouvait qu’être là. Alors, bien des années plus tard, j’ai décidé d’écrire le scénario de L’Apôtre. J’ai fait ce film en mémoire de ce curé de campagne qui va bientôt mourir et je l’ai dédié à sa sœur Madeleine. Ce sont des saintes personnes, anonymes, et moi je ne veux pas qu’on les oublie.

Comment finance-t-on un pareil long métrage ?

Le système – Centre National du Cinéma, Régions – ne m’a pas aidée. Un jour j’ai lu un numéro du magazine Challenges qui recensait les 100 plus grandes fortunes de France. J’ai écrit une courte lettre aux 10 premiers de la liste en joignant à ma lettre le DVD de La Fille publique. Trois mois plus tard, grâce à l’un d’entre eux, j’avais le petit budget pour faire mon film…

De quelles origines sont les comédiens qui ont joué dans votre film ?

La plupart sont des musulmans dont les familles viennent d’Algérie et du Maroc. Et la mère de famille est de confession juive.

Avez-vous rencontré des difficultés à faire tourner des musulmans dans un film traitant de la conversion au christianisme ?

Lors du casting, certains m’ont un peu « enquiquinée » : je ne les ai pas pris pour le film. Mais ceux qui sont restés sont ceux qui m’ont fait confiance.

Quel est le meilleur souvenir que vous conservez de ce tournage ?

Mon plus beau souvenir c’est d’avoir fait tourner mon ami Jean qui est un vrai converti de l’islam. Nous nous sommes connus à la messe. Et je sais ce que ça représente pour lui d’avoir fait ce film, et de savoir que sa famille le verra.

Avez-vous trouvé une entreprise pour distribuer votre film ?

Non, je n’ai trouvé personne. J’ai été « baladée » pendant trois mois par une société qui a fini par se désister. Tous les autres distributeurs ont aussi refusé. Alors je le sors moi-même sur une petite configuration.

Le verra-t-on dans des salles de cinéma ?

On le verra à coup sûr au cinéma Le Lincoln près des Champs-Élysées, car son exploitant a pris tous mes films, et il soutient mon cinéma.

Des journalistes ont déjà vu le film en projection de presse. Dans l’ensemble, quelles ont été leurs réactions ?

Excellentes ! Ça peut paraître prétentieux de le dire, mais c’est la vérité…

Comment imaginez-vous l’accueil de votre film dans le monde catholique en France ?

J’imagine qu’il sera bon, car s’il ne l’était pas c’est que notre Église ne se porterait franchement pas bien !

Avez-vous d’autres contacts dans le monde pour promouvoir L’Apôtre ?

Je viens de signer avec un vendeur international en Italie.

Pensez-vous qu’un cinéma catholique puisse se développer en France ?

C’est nécessaire qu’il se développe ! Comme en littérature, en musique, en peinture… L’esprit catholique doit pénétrer tous les arts. Car on l’a vu à travers les siècles : lorsque l’Église est là, la création se transcende.

Après L’Apôtre, avez-vous un nouveau projet de film ?

Oui, mais je préfère ne pas en parler, car son sujet me semble encore plus « polémique » que celui de L’Apôtre… En tout cas, j’ai un projet. Un réalisateur qui n’aurait pas de projet de film, ce serait un réalisateur mort ! 

Pour aller plus loin :

Découvrez notre dossier autour de L’Apôtre, en commandant sur ce site ou auprès de nos bureaux (L’Homme Nouveau, 10, rue Rosenwald, 75015 Paris. Tél. : 01 53 68 99 77) notre numéro 1574 au prix de 4 €.
Avec les interventions de Moh-Christophe Bilek, fondateur de Notre-Dame de Kabylie, musulman converti;
du père Henry Fautrad, délégué épiscopal aux relations avec l’islam du diocèse du Mans;
de l’abbé Guillaume de Tanoüarn, de l’Institut du Bon Pasteur et directeur du Centre Saint-Paul à Paris;
de l’abbé Guy Pagès, animateur du blogue Islam et vérité
et du père Henri Boulad, directeur du Centre culturel jésuite d’Alexandrie en Égypte.

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L’APÔTRE – BANDE ANNONCE 1 – Un film de… par Che-Carr

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