Le cardinal Dias à Lambeth : gare à l’Alzheimer spirituel et au Parkinson ecclésial…

Publié le 24 Juil 2008
Le cardinal Dias à Lambeth : gare à l’Alzheimer spirituel et au Parkinson ecclésial… L'Homme Nouveau

« L’opinion de votre correspondant, c’est que le cardinal Dias a offert un exposé positif et orthodoxe de la nouvelle évangélisation. Toutefois, ce faisant, il a saisi l’occasion pour traiter de manière évidente, encore qu’avec ménagement et une affection évidente, des problèmes et des préoccupations de la famille anglicane, qui entravent sa capacité à poursuivre son œuvre [d’évangélisation] et [la poursuite de] ses relations avec l’Église catholique (romaine) ».

Le correspondant dont il s’agit, est celui du plus important mouvement de traditionalistes anglo-catholiques Forward in the Faith que préside John Broadhurst, évêque anglican de Fulham. Il assure un “suivi” des travaux de la Conférence de Lambeth pour les quelque 800 paroisses anglo-catholiques d’Angleterre, d’Amérique du Nord et d’Australie, et rédige chaque jour un compte-rendu substantiel et d’intérêt. On précisera que Forward in the Faith, bien qu’opposé à la dérive de la Communion anglicane et de l’Église d’Angleterre, notamment pour ce qui est de l’ordination des femmes à l’épiscopat, n’envisage pas – contrairement à Andrew Burnham, l’évêque « volant » d’Ebbsfleet – un retour à Rome. Dans une déclaration du 9 juillet déplorant la décision du 7 juillet du Synode général de l’Église d’Angleterre, l’évêque Broadhurst, évoquant les « spéculations dans les médias relativement à des contacts avec Rome », et sans nier ces derniers qui remontent chez lui à 1992, y expose son « problème » : « bien que [Rome] ait montré une grande générosité, il n’y a pas eu offre de réconciliation ecclésiale. En d’autres mots, notre vie spirituelle et notre Eucharistie communes n’ont pas été reconnues. Cela demeure un problème pour moi ». Et ce l’est aussi pour Rome, me permettrai-je d’ajouter, car s’agissant, comme le suggère l’évêque Burnham, de la reconnaissance de la validité des ordres anglicans par elle, il ne saurait en être question. Mais revenons à notre… correspondant.

Il rapporte, en les commentant avec “doigté”, les propos du discours prononcé devant l’assemblée de Lambeth, à l’invitation du Dr Rowan Williams, archevêque de Cantorbéry, mardi 22 juillet en soirée, par le cardinal Ivan Dias, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, sur le thème « Mission, justice sociale et évangélisation ». L’ancien archevêque de Bombay, nommé à la tête de ce dicastère par Benoît XVI en 2006, est connu pour la franchise de ses propos et pour être un des cardinaux de Curie favorables au retour des anglo-catholiques traditionalistes à Rome. Ses propos, sur fond de crise d’un anglicanisme à la dérive, doctrinalement et moralement, méritaient donc la plus grande attention.

C’est dans cette disposition que j’ai lu ce texte important en soi mais qui constitue aussi, avec délicatesse, une mise en garde des anglicans contre leur dérive passée et présente, et une manière de rappel à l’ordre exprimé avec une force dont je n’ai pas le souvenir d’un exemple équivalent chez un prélat d’un tel rang. Je vais en donner trois exemples tiré du texte (dont la seule version disponible est en anglais).

1. « Le monde d’aujourd’hui a besoin de chrétiens qui s’affirment et non de gens qui s’excusent [1]. Il a besoin de gens comme le cardinal John Henry Newman, G. K. Chesterton, C. S. Lewis, Hilaire Belloc et d’autres, qui ont brillamment exposé la beauté de la foi chrétienne sans honte ni compromis ».
On notera, comme l’ont sans doute remarqué eux-mêmes les évêques anglicans à qui s’adresse le cardinal Dias, que des quatre apologistes évoqués l’un est un anglican qui l’est toujours demeuré (encore qu’il ne soit véritablement devenu membre de l’Église d’Angleterre qu’à 33 ans), C. S. Lewis ; que le deuxième, Hilaire Belloc, fut catholique sans discontinuer ; mais que les deux autres, le cardinal Newman et Chesterton, sont deux anglicans convertis au catholicisme…

2. Le cardinal Dias aborde ensuite la portée œcuménique de l’évangélisation.
« L’évangélisation est la prérogative unique de l’Esprit Saint qui a besoin de canaux au travers desquels il peut s’écouler librement. Cela ne se pourra que dans l’exacte mesure  où il y aura unité et cohésion entre les membres de l’Église, entre ces membres et leurs bergers, et, par-dessus tout, entre les bergers eux-mêmes », ce qui n’est évidemment pas le cas au sein de la Communion anglicane et de l’Église d’Angleterre avec pour effet logique, si l’on comprend bien le cardinal, d’empêcher l’œuvre de l’Esprit Saint en leur sein ! Certes, poursuit le cardinal, on constate une diversité  chez les chrétiens : « mais quand la diversité dégénère en division, elle devient un contre témoignage qui compromet gravement leur image et leurs efforts pour répandre la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ ». La situation de la Communion anglicane et de l’Église d’Angleterre, ce n’est pas une “diversité” maîtrisée et harmonieuse, comme elles le prétendent, mais une “division” anarchique et handicapante. C’est ce qu’on peut comprendre de cette phrase rapportée à son contexte.
Mais le plus fort de ce développement reste encore à venir. Le voici.
« On parle beaucoup de nos jours des maladies comme l’Alzheimer et le Parkinson. De manière analogique, on peut parfois trouver les symptômes de ces maladies jusque dans nos communautés chrétiennes. Par exemple quand nous vivons en myopes dans un présent fugace, oublieux de notre héritage du passé et de nos traditions apostoliques, on pourrait dire que nous souffrons d’un Alzheimer spirituel. De même, quand nous nous conduisons de manière désordonnée, allant notre chemin selon notre caprice sans aucune coordination entre la tête et les autres membres de la communauté, on pourrait qualifier cela de Parkinson ecclésial ».
Je crois qu’aucun commentaire ne s’impose…

3. Le cardinal Dias va terminer  son discours. Il “apostrophe” directement les évêques anglicans assemblés : « Le rôle de berger auquel les évêques sont appelés dans l’Église exige de leur part de toujours savoir discerner si leurs entreprises pastorales sont inspirées par Dieu, ou motivées par des critères humains, ou provoquées par le Malin ». Et pour conclure, le cardinal va, après avoir invoqué la bénédiction du Tout Puissant sur la Communion anglicane et la Conférence de Lambeth, par l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, des Anges et des Saints – dont, évidemment, les saints martyrs catholiques  victimes de l’Église d’Angleterre… – évoquer une fois encore le vénérable cardinal Newman « figure importante tant pour les anglicans que les catholiques » – dans la mesure même où il montre qu’un anglican peut devenir catholique ? –, en citant un extrait d’un poème du futur bienheureux, dont le sens est véritablement sans équivoque encore une fois dans le contexte :

Lead, kindly Light, amid th’encircling gloom,
Lead Thou me on !
The night is dark, and I am far from home :
Lead Thou me on !
Keep Thou my feet : I do not ask to see the distant scene :
One step enough for me.

Un pas suffit (one step enough) pour s’approcher de la maison (home = Rome) guidé par l’aimable Lumière (kindly Light) qui attire à Elle (Lead Thou me on) ceux qui se trouvent environné par l’obscurité (encircling gloom) et dans les ténèbres de la nuit (The night is dark). Je ne crois pas beaucoup forcer le texte…

[1] Le cardinal Dias se livre ici à un jeu de mots intraduisible en français : le monde d’aujourd’hui a besoin de « Christian apologists, not apologizers » (le verbe to apologize signifie s’excuser et possède la même racine que le substantif apologist qui signifie apologiste comme en français ou défenseur).

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