Aussi ancienne que la foi chrétienne, puisqu’elle s’enracine dans le témoignage de l’apôtre Jean, la dévotion au cœur sacré de Jésus n’a cependant trouvé son plein épanouissement qu’après les apparitions à Marguerite-Marie Alacoque, débutées en 1673. Elle a pris par la suite une dimension contre-révolutionnaire, tant en France où l’emblème cordicole reste associé au soulèvement de l’Ouest qu’en Espagne, autre nation élue du Sacré par l’intermédiaire du bienheureux Bernardo de Hoyos, où, des guerres carlistes à la guerre civile, il symbolisa la résistance catholique à la déchristianisation. Cela explique le refus actuel des élus de gauche d’élever la basilique montmartroise, abusivement associée à la répression de la Commune, au rang de monument historique. Alors, faut-il reléguer le Sacré-Cœur parmi les dévotions oubliées ?
Les communautés charismatiques se sont très vite opposées à cette dérive post-conciliaire et elles travaillent, depuis des décennies déjà, à donner un coup de jeune au Cœur sacré. Il faut les en remercier. C’est dans cette optique que l’abbé Benoît de Baenst publie, aux éditions Emmanuel, Le cœur de Jésus, cœur de notre foi (170 p ; 15 €.)
Dans ce petit livre d’accès très simple, qui s’adresse à ceux qui ignorent tout, ou à peu près, de l’histoire de la piété cordicole, l’abbé de Baenst présente, de façon très pédagogique les révélations reçues par la sainte visitandine et s’applique à démontrer qu’elles ne sont pas les fruits de l’imagination d’une âme mystique mais s’enracinent dans l’Ancien et le Nouveau Testaments, une tradition de piété catholique très ancienne et qu’en rappelant aux hommes, à temps et à contre-temps l’immensité de l’amour de Dieu pour l’humanité, le Sacré Cœur comble comme nul autre la soif d’aimer et d’être aimé qui nous taraude tous.
Cette volonté de dépoussiérage donne parfois des résultats surprenants. Ainsi en est-il du très étonnant essai de Clémentine Beauvais, Sainte Marguerite-Marie et moi (Quasar. 245 p.)
Clémentine Beauvais, romancière de tendance gauche libertaire anti-catholique, féministe acharnée, attend son premier enfant. Rien d’extraordinaire à cela si le père n’était l’un de ces « très cathos » que les gens « normaux ne fréquentent pas, car « ils ne sont pas comme nous » et s’avèrent dangereux pour la société.
Cette maternité prochaine, et le déclin intellectuel de sa grand-mère, pousse la jeune femme à s’interroger sur ses racines. Ainsi découvre-t-elle des ascendances charolaises qui la font cousiner avec Marguerite-Marie Alacoque. Eh oui, votre famille peut vous jouer des tours !
Et, quand une éditrice « très catholique » de l’Emmanuel lui propose comme un défi d’écrire une vie de la visitandine, Clémentine accepte, à ses risques et périls.
Ne vous faites pas d’illusions. Vous n’apprendrez pas grand-chose sur sainte Marguerite-Marie, pour l’excellente raison que sa parente éloignée ne voit là que névroses alarmantes auxquelles elle ne comprend pas grand-chose, et ne s’en cache pas. Les états d’âme de « l’écrivaine » confrontée au monde définitivement bizarre des croyants, tiennent ici toute la place, ou presque.
L’intérêt essentiel de tout cela, c’est le regard que porte sur nous une certaine intelligentsia gauchiste tendance wokisme chez qui la haine du catholicisme, nourrie d’ignorances, de partis pris et de fantasmes, tient une place prépondérante, aux yeux de laquelle nus sommes, tout simplement, un « danger » pour la liberté, celle des femmes en particulier, et la société … Mieux vaut le savoir.
Un film sur le Sacré Cœur, est-ce jouable ? En tout cas, tel est le pari d’Andrès Garrigo et Antonio Cuadri, réalisateurs de Cœur brûlant (Saje diffusion. 1h20.)
Romancière célèbre, Lupe Vualdès est, depuis quelques mois, incapable d’écrire. Son éditeur, qui lui a consenti un gros à valoir, s’impatiente et, dans l’espoir de lui rendre l’inspiration, lui conseille d’aller voir l’une de ses amies, Maria, productrice à la télévision espagnole, responsable d’une émission consacrée au paranormal.
La jeune femme lui parle d’un reportage qui l’a beaucoup frappée, consacré aux apparitions du Christ à Paray-le-Monial et des révélations du Sacré Cœur à une jeune visitandine, Marguerite-Marie Alacoque. Selon elle, la question mérite d’être approfondie.
Peu convaincue, Lupe, qui ne pratique plus depuis longtemps, accepte le projet, le couteau sous la gorge. Or, ce qu’elle découvre sur le message cordicole et ses suites dans l’histoire universelle la trouble bien plus qu’elle le pensait. C’est alors que son père, qui les a abandonnées, sa mère et elle, quand elle était enfant, reparaît. Il est mourant. Une réconciliation est-elle encore possible ?
On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments, peut-on faire de bons films ? S’il faut saluer les excellentes intentions des deux auteurs, le mélange des genres est ici maladroit. Entre intrigue un peu niaise, – les ennuis professionnels de Lupe, sa redécouverte de la foi, sa réconciliation tardive avec son père – et reportage consacré aux apparitions de Paray et de Valladolid, semé d’entretiens avec des dévots du Sacré Cœur qui propagent son culte à travers le monde, il y a pas mal de naïvetés dans l’ensemble. Reste le message qui sous-tend tout le film : « une force invincible aspire à sauver le monde » et des passages sur les mystères eucharistiques soumis aux investigations de la science, passionnants, qui auraient mérité d’être vraiment développés.