Le courage d’appeler Dieu « notre Père »

Publié le 10 Juin 2019
Le courage d'appeler Dieu "notre Père" L'Homme Nouveau

Lors de la dernière audience générale, le Pape concluait son cycle de catéchèses sur le Pater. Pour lui, le grand enseignement de la prière du Seigneur consiste dans le fait que toute prière chrétienne s’enracine dans la paternité divine, qui nous permet d’appeler Dieu avec audace mais réalité : « notre Père ». C’était déjà vrai dans l’Ancien Testament, mais ce privilège restait réservé au peuple élu, pour qui Dieu était tout à la fois Père, Sauveur et Époux. Mais cette audace requiert chez le chrétien à la fois courage et foi. L’intimité filiale née de notre adoption filiale par Dieu lors du baptême ne peut s’exercer sans courage, car il s’agit alors pour le chrétien d’agir à contre-courant de la mode ambiante. Il faut aussi vivre avec foi, car cette adoption filiale qui est l’œuvre de la grâce ne peut naître et se développer sans la foi. Aussi lors du baptême, à la question posée par le prêtre : « Que demandez-vous ? », le catéchumène répond précisément : la foi. S’il s’agit d’un petit enfant, c’est le parrain qui donne la même réponse.

Nous sommes « fils dans le Fils ». Jésus en nous révélant le Père nous introduit dans la communauté trinitaire. Nous pouvons en toute vérité dire « notre Père » à Dieu précisément parce que nous sommes ses enfants. Dans l’Évangile, nous trouvons de multiples expressions par lesquelles Jésus s’adresse à son Père et que nous pourrons utiliser à notre tour en nous adressant à son Père qui est notre Père. À Gethsémani, Jésus emploie le vocable familier araméen d’Abba qui veut dire « papa ». Cette prière de Jésus lors de l’agonie peut être analogiquement considérée comme une trace du Notre Père. En appelant son Père “abba” au milieu de la plus grande tristesse et du plus grand abandon, Jésus, malgré la peur et l’angoisse terrible de la mort prochaine, se remet dans les mains de son père pour accomplir sa volonté, quelle qu’en soit la difficulté. Nous devons à notre tour nous en souvenir dans les moments les plus difficiles de notre existence.

Dans un autre passage évangélique, Jésus montre comment nous devons invoquer notre Père céleste lorsque les relations fraternelles apparaissent tendues ou difficiles : il faut alors commencer par demander pardon à notre Père céleste. On pourrait trouver encore beaucoup d’autres exemples dans les Évangiles qui ont plus ou moins d’assonance avec le Notre Père. Je pense particulièrement au passage où il est demandé d’aller d’abord se réconcilier avec son frère quand celui-ci a quelque chose contre nous. Nous ne pouvons offrir notre don à Dieu et le prier convenablement qu’après nous être réconciliés avec notre frère.

Dans l’épître aux Romains, quand saint Paul parle de la prière, il nous montre l’action de l’Esprit Saint et emploie justement l’expression : « Abba ». Il nous donne alors la grande leçon pour prier en fils de Dieu : « Ceux qui sont conduits par l’Esprit Saint, ceux-là sont fils de Dieu ». Saint Paul rejoint donc saint Luc en nous enseignant que le seul vrai protagoniste de toute prière chrétienne demeure l’Esprit Saint qui dans des gémissements inénarrables nous montre comment nous adresser à notre Père céleste. Et même si saint Paul ne le dit pas, nous devons ajouter aussi que toute vraie prière chrétienne ne peut s’accomplir sans l’épouse de l’Esprit Saint qu’est la Vierge Marie qui à l’Île Bouchard demande à être invoquée sous le très beau titre de « Notre Dame de la prière ». Avec Marie et en union avec son Fils, nous pourrons alors rendre grâce à notre père céleste d’avoir caché cela aux savants et de l’avoir révélé aux petits.

PAPE FRANÇOIS 

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint Pierre
Mercredi 22 mai 2019

Chers frères et sœurs, bonjour!

Nous concluons aujourd’hui le cycle de catéchèses sur le «Notre Père». Nous pouvons dire que la prière chrétienne naît de l’audace d’appeler Dieu du nom de «Père». C’est la racine de la prière chrétienne: dire «Père» à Dieu. Mais il faut du courage! Il ne s’agit pas tellement d’une formule, mais plutôt d’une intimité filiale dans laquelle nous sommes introduits par la grâce: Jésus est le révélateur du Père et fait de nous ses proches. «Jésus ne nous laisse pas une formule à répéter machinalement. Comme pour toute prière vocale, c’est par la Parole de Dieu que l’Esprit Saint apprend aux enfants de Dieu à prier leur Père» (Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2766). Jésus lui-même a utilisé différentes expressions pour prier le Père. Si nous lisons avec attention les Evangiles, nous découvrons que ces expressions de prière qui se dessinent sur les lèvres de Jésus rappellent le texte du «Notre Père». 

Par exemple, pendant la nuit du Gethsémani, Jésus prie de cette manière: «Abba Père! tout t’est possible: éloigne de moi cette coupe; pourtant, pas ce que je veux, mais ce que tu veux!» (Mc 14, 36). Nous avons déjà rappelé ce texte de l’Evangile de Marc. Comment ne pas reconnaître dans cette prière, bien que brève, une trace du «Notre Père»? Au milieu des ténèbres, Jésus invoque Dieu par le nom d’«Abba», avec une confiance filiale et, bien que ressentant la peur et l’angoisse, il demande que sa volonté soit faite. 

Dans d’autres passages de l’Evangile, Jésus insiste avec ses disciples, pour qu’ils cultivent un esprit de prière. La prière doit être insistante, et surtout elle doit contenir le souvenir de nos frères, en particulier quand nous vivons des rapports difficiles avec eux. Jésus dit: «Et quand vous êtes debout en prière, si vous avez quelque chose contre quelqu’un, remettez-lui, afin que votre Père qui est aux cieux vous remette aussi vos offenses» (Mc 11, 25). Comment ne pas reconnaître dans ces expressions l’assonance avec le «Notre Père»? Et les exemples pourraient être nombreux, pour nous aussi. 

Dans les écrits de saint Paul, nous ne trouvons pas le texte du «Notre Père», mais sa présence apparaît dans cette synthèse merveilleuse où l’invocation du chrétien se condense en un seul mot: «Abbà!» (cfr. Rm 8, 15; Ga 4, 6). 

Dans l’Evangile de Luc, Jésus satisfait pleinement à la demande des disciples qui, le voyant souvent s’isoler et se plonger dans la prière, se décident un jour à lui demander: «Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean l’a appris à ses disciples» (11, 1). Et alors le Maître leur enseigna la prière au Père.

En considérant le Nouveau Testament dans son ensemble, on voit clairement que le premier protagoniste de chaque prière chrétienne est l’Esprit Saint. Mais n’oublions pas cela: le protagoniste de chaque prière chrétienne est l’Esprit Saint. Nous ne pourrions jamais prier sans la force de l’Esprit Saint. C’est lui qui prie en nous et il nous pousse à bien prier. Nous pouvons demander à l’Esprit qu’il nous enseigne à prier, parce qu’Il est le protagoniste, celui qui fait la vraie prière en nous. C’est Lui qui souffle dans le cœur de chacun de nous, qui sommes disciples de Jésus. L’Esprit nous rend capables de prier comme des enfants de Dieu, tels que nous le sommes réellement par le baptême. L’Esprit nous fait prier dans le «sillon» que Jésus a tracé pour nous. C’est le mystère de la prière chrétienne: par la grâce, nous sommes attirés dans ce dialogue d’amour de la Très Sainte Trinité. 

Jésus priait ainsi. Quelquefois il a utilisé des expressions qui sont certainement très éloignées du texte du «Notre Père». Pensons aux premières paroles du psaume 22, que Jésus prononce sur la croix: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» (Mt 27, 46). Le Père céleste peut-il abandonner son Fils? Assurément pas. Pourtant, l’amour pour nous, pécheurs, a conduit Jésus jusque là: jusqu’à faire l’expérience de l’abandon de Dieu, de son éloignement, parce qu’il a pris sur lui tous nos péchés. Mais même dans le cri d’angoisse, il reste «Mon Dieu, monDieu». Dans ce «mon», il y a le noyau de la relation avec le Père, il y a le noyau de la foi et de la prière.

Voilà pourquoi, à partir de ce noyau, un chrétien peut prier dans chaque situation. Il peut réciter toutes les prières de la Bible, des psaumes en particulier; mais il peut également prier avec les nombreuses expressions qui, pendant des millénaires d’histoire, ont jailli du cœur des hommes. Et ne cessons jamais de parler au Père de nos frères et sœurs en humanité, pour qu’aucun d’eux, les pauvres en particulier, ne reste sans un réconfort et une part d’amour.

Au terme de cette catéchèse, nous pouvons répéter cette prière de Jésus: «Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits» (Lc 10, 21). Pour prier nous devons nous faire petits, pour que l’Esprit Saint vienne en nous et que ce soit Lui qui nous guide dans la prière.

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