Le pari audacieux des Survivants

Publié le 26 Oct 2016
Le pari audacieux des Survivants L'Homme Nouveau

Ils sont jeunes, joyeux, convaincus qu’un enfant sur cinq qui n’a pas le droit de vivre c’est trop et que cela peut et doit changer. Alliant la lucidité à l’inventivité, les Survivants ont investi le champ médiatique et mené une « offensive » pacifique en faveur du droit à la vie dont fait partie l’opération Pikachu.

Mardi 4 octobre dernier, la joyeuse bande des Survivants a infiltré le plateau de « Touche pas à mon poste », et interrompu l’émission en chantant « Joyeux anniversaire » à Cyril Hanouna. Le présentateur découvre que ces jeunes audacieux aux visages sympathiques portent des t-shirts blancs, avec une photo de lui et une inscription colorée « Merci d’exister ! ».

Le mouvement des Survivants créé cette année se fait de plus en plus entendre dans le monde médiatique. Ce groupe de jeunes désire reposer la question de l’IVG dans une société où celle-ci est tout à fait normalisée. Grâce aux outils de communication, leur maîtrise de l’image et des stratégies médiatiques, ils assaillent le web de leur présence. Ils ne se targuent pas de vouloir abolir l’avortement, mais souhaitent mener une réflexion sociétale par la relecture de la loi Veil, de l’histoire de la contraception et de l’avortement. « La meilleure IVG est celle qu’on évite », car elle représente toujours « un échec collectif ». Alerter sur ce qu’est l’avortement, promouvoir un soutien aux femmes, proposer des alternatives, dénoncer la pression sociale et politique, c’est ce que demande pacifiquement ce mouvement.

Des actions redoutées

Le 4 juin, ils ont organisé à Paris une première action. Entourés de scotchs sur lesquels était écrit « conforme » ou « non-conforme », ils scandaient « Un sur cinq/Survivants », signifiant qu’un enfant sur cinq ne naît pas, et que nous sommes tous des survivants. La violente contre-­manifestation des pro-IVG, annoncée par la hargne des commentaires sur leur page Facebook, leur a prouvé que ce qu’ils pointent est brûlant, que leur combat sera difficile et demandera de la finesse.

Au début de l’été, l’équipe a mené une opération Pikachu. Quelle meilleure idée que d’exploiter le jeu Pokémon Go, frénésie estivale, pour provoquer un véritable débat de société ? S’emparant de cette opportunité, ils ont créé un site « sauvezpikachu.com », consistant à présenter sous la forme du jeu Pokémon Go une histoire charmante entre deux Pokémon : l’une tombant enceinte, le joueur doit intervenir pour choisir de garder ou non le bébé Pikachu. Quelle que soit la réponse, il est redirigé vers le site des Survivants. L’emploi de « pikachu » dans leur nom de domaine leur a permis un excellent référencement sur Google.

Actuellement, ils multiplient les sites proposant une autre lecture de l’IVG et de l’aide aux femmes enceintes en situation de détresse : toute grossesse présentant une phase de détresse, cette dernière mérite d’être pesée. L’amendement proposé par Laurence Rossignol voulant interdire tous les sites qui pourraient s’apparenter à des sites pro-vie (dits ­anti-IVG), et le renforcement des sites pro-IVG prouvent que ceux à qui le mouvement s’oppose ne restent pas de marbre.

Ce 4 octobre, leur campagne plus positive s’est nommée « Merci d’exister ! ». Plutôt que d’adopter un discours militant et revendicatif, et de saborder l’émission, les jeunes ont décidé de jouer la carte bon enfant en remerciant simplement le présentateur d’exister ! Ils contrarient ainsi l’étiquette abusive « violents » que leur colle aisément le monde médiatique auquel ils s’adressent. Apparemment simpliste, cette action est pourtant originale et habile. Les défenseurs de la cause survivante savent que leur message est difficilement audible, que ce sujet violent, ancré dans les habitudes sociales, est à manier subtilement.

Leur force, c’est d’utiliser les outils que la société leur offre. Ils maîtrisent l’art de communiquer, ils savent user des réseaux à leur avantage. C’est en cela qu’ils représentent un adversaire de taille pour le gouvernement et les structures de pensée contemporaines. Mais c’est un mouvement encore très récent, qui demande un grand travail de fond qui aille de pair avec cette technique, afin d’assurer une formation solide aux membres, formation que la problématique rend d’autant plus essentielle.

Originalité, inventivité, effet de surprise, actions multiples, telles sont les forces de cette jeunesse audacieuse encore neuve.

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneSociétéLettre Reconstruire

L’Église face au socialisme (II)

Lettre Reconstruire n°35 (avril 2024) | Dans la série de ses études synthétiques sur les idéologies modernes, Carlos Sacheri aborde le socialisme et le jugement de l’Église sur cette réaction aux injustices sociales nées du libéralisme économique. Il présente ici les points communs à toutes les idéologies socialistes.

+

socialisme
SociétéLectures

L’inégalité, un outil de civilisation ?

Entretien | Juriste et historien, Jean-Louis Harouel s’attaque dans un livre récemment paru au mythe de l’égalité. Il postule que cette « passion laide » contemporaine, destructrice de la famille, entre autres, ne sert en rien les intérêts d’une population, en montrant que seule l’inégalité, créatrice de richesses, encourage la production et par là-même augmente le niveau de vie et conditionne le progrès moral et scientifique. Entretien avec Jean-Louis Harouel sur son livre Les Mensonges de l’égalité. Ce mal qui ronge la France et l’Occident.

+

égalité mythe
SociétéEglise de France

Pandémie : un avant-goût de la restriction des libertés fondamentales ?

Entretien | Le colloque « Pandémie, Droit et Cultes » s’est tenu à Paris en mars 2022. Ses actes rappellent qu’entre 2020 et 2022, les prérogatives de l’État ont été augmentées de manière extraordinaire au détriment des libertés essentielles, dans un renversement complet de la hiérarchie des biens. Une situation dangereuse qui pourrait bien se reproduire sous des prétextes variés. Entretien avec Guillaume Drago, co-organisateur du colloque et professeur de droit public à l’université de Paris-Panthéon-Assas.

+

pandémie liberté de culte
SociétéBioéthique

Fraternité et euthanasie : un débat sciemment faussé

Faisant droit aux revendications anciennes et répétées de certaines associations, le président Macron vient d’annoncer une loi sur l’euthanasie. Mais en usant d’un registre lexical détourné qui évoque l'« aide à mourir », l’autonomie de l’individu, les « conditions strictes » et la « fraternité »... Toutes expressions trahissent le sophisme, l’influence des officines francs-maçonnes, la solution miraculeuse aux déficits et surtout la crainte d’un vrai débat.

+

fraternité euthanasie