Le Pavillon noir du grand commerce tombe sur le dimanche

Publié le 17 Fév 2012
Le Pavillon noir du grand commerce tombe sur le dimanche L'Homme Nouveau

Le candidat Sarkozy vient de faire savoir par le secrétaire d’État chargé du commerce, Frédéric Lefebvre, qu’il était favorable à l’élargissement des « conditions d’ouverture des magasins le dimanche ». Il y a, à peine une semaine, le même, alors qu’il n’était encore que… Président de la République, et potentiellement candidat (mais non officiellement déclaré), avait répondu lors de l’entretien accordé au Figaro Magazine : « La France a des racines chrétiennes, et mêmes judéo-chrétiennes, c’est une réalité historique qu’il serait absurde de nier. »

L’un des derniers aspects visibles de ce passé chrétien, de ces racines chrétiennes de notre pays, en plus du « long manteau d’églises et de cathédrales qui recouvre notre pays » évoqué également par le chef de l’État, se situe justement dans l’absence du travail le dimanche pour les métiers qui ne sont pas directement ordonnés au bien commun du pays ce jour-là. On peut se passer de se rendre dans une supérette ; on peut difficilement se passer de policiers et des services de santé. Pour le chef de l’État, pourtant, le travail du dimanche permettra de donner plus de croissance au commerce, plus de liberté aux Français et de renforcer l’attractivité touristique de notre pays.

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Mais les raisons invoquées sont fausses philosophiquement et inopérantes pratiquement.

Philosophiquement, le travail du dimanche introduit une coupure dans la « temporalité » dans laquelle nous vivons depuis des siècles. Cette coupure opère un retour en arrière, brisant toutes les limites devant les nécessités du commerce, déshumanisant un peu plus la vie sociale, comme à l’époque où l’on faisait travailler sans complexe aucun des femmes et des enfants dans des conditions particulièrement difficiles. Elle renverse ou, plus exactement, elle renforce le renversement architectonique déjà opéré depus longtemps qui place l’économie et la consommation comme seules normes de la vie sociale, avant le politique et le religieux. Nous ne sommes plus seulement dans une économie de marché ; celle-ci nous a fait entrer dans une « société de marché ». Désormais, la famille ne se rend plus le dimanche à la messe ou elle ne se promène plus le dimanche dans un parc ou un bois. Les rencontres entre amis, les moments de détente mis à profit pour la lecture ou le repos, sont remplacés par la grand-messe consumériste, la promenade dans les rayons des grands magasins où chaque membre de la famille peut chercher de quoi le satisfaire. C’est la longue consomption de l’être aux feux de la consommation.

Pratiquement, cette rupture n’a que peu d’effets sur l’économie. D’abord, parce que le commerce lié au tourisme profite déjà d’une exception en ce qui concerne le dimanche. Ensuite, parce que cet élargissement, une fois de plus, va profiter aux grandes enseignes et à la grande distribution qui profitent déjà très largement d’un quasi-monopole commercial et qui ont seules les vrais moyens d’imposer le travail du dimanche à ses fournisseurs et à ses employés.

Une véritable politique novatrice, et qui exigerait un véritable travail d’imagination et de compétences techniques, consisterait, au contraire, à créer les conditions pour une renaissance large du petit commerce, non pas seulement dans les villes, mais dans toutes les zones rurales. Petit commerce de proximité, qu’il faudrait ouvrir non pas le dimanche, jour de repos, mais tous les autres jours de la semaine et qui permettrait à tout un pays de revivre.

Il faut certes du temps pour qu’une telle politique pour une société de petits propriétaires, d’artisans, de fermiers, se mette en place, afin que notre pays ne soit plus un grand désert réduit à quelques villes ouvertes le dimanche sous le pavillon noir du grand commerce. C’est un choix de société, qui exige, non pas seulement de la communication, mais des principes sur lesquels on appuie les moyens pratiques que l’on met en œuvre, en prudence, dans le temps. Visiblement, nous prenons le chemin inverse. Jusqu’à quand ?

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