Le porno à l’école : une enquête explosive : entretien avec Armel Joubert des Ouches

Publié le 15 Mai 2017
Le porno à l’école : une enquête explosive :  entretien avec Armel Joubert des Ouches L'Homme Nouveau

C’est une enquête explosive qu’a réalisé le journaliste Armel Joubert des Ouches, caméraman indépendant, ancien de l’AFP, LCI, TF1. Sous le titre  Sexe, pornographie, livres scolaires », il montre, pendant 33 minutes, sur le site de notre confrère reinformation.tv l’usage de livres pornographiques dans les écoles catholiques. Vrai ? Pas vrai ? Nous avons voulu en savoir plus.

Qu’est-ce qui a provoqué votre intérêt pour cette question des lectures pornographiques à l’école ?

Armel Joubert des Ouches : Au départ je devais faire un sujet sur les cours de promotion de l’avortement donnés dans des établissements scolaires. Le jour où nous avons discuté du tournage avec mon contact, l’un de nous a eu un déclic : c’est impossible de parler ainsi de l’avortement dans le contexte de la loi sur le délit d’entrave à l’IVG. Mais en faisant ses recherches, mon contact a appris que l’on faisait étudier dans des établissements catholiques privés sous contrat des livres comportant des scènes de viol et de pornographie, y compris à des élèves de quatrième !

Est-ce un problème dont les parents sont conscients ?

J’ai moi-même eu quatre enfants dans des écoles privées sous contrat. Je savais que la dégradation de l’enseignement était une réalité. Et je savais que dans les écoles catholiques privées sous contrat on critiquait les papes, par exemple. Une de mes filles a entendu un de ses professeurs, il y a cinq ou six ans, dire en plein cours que Jean-Paul II était un « débile mental » parce qu’il pratiquait la mortification physique, sans que cela ne pose de problème. Mais à propos des livres pornographiques je suis vraiment tombé des nues. Je n’imaginais pas que les choses étaient aussi graves.

J’ai vraiment le sentiment que la dégradation au cours de ces cinq dernières années est allée à une vitesse très impressionnante. Quand j’ai eu entre les mains les livres qui avaient été donnés à des jeunes adolescents, notamment celui de Karine Tuil, et que j’ai pris connaissance des pages qui m’avaient été signalées, j’ai été terrifié. J’en ai rapidement regardé plusieurs autres et suis tombé sur des textes immondes. Je ne pensais pas cela possible.

Cette réalité va-t-elle au-delà des cas que vous évoquez ?

Je sais que certains des établissements catholiques sous contrat sont protégés parce que leurs directeurs ont conscience de ces dangers, et ils font la guerre à ce genre d’ouvrages. Mais c’est très compliqué pour eux parce que dans un établissement qui compte jusqu’à 500 ou 600 élèves, avec une trentaine de professeurs, il est quasiment impossible pour un directeur d’école de tout lire. Et les professeurs ont le libre choix de faire étudier à leurs élèves les livres qu’ils souhaitent. Eux-mêmes ne lisent pas tous les livres qu’ils proposent à l’étude de leurs élèves : on est dans une ignorance qui part du bas de l’échelle et qui va jusqu’à son sommet.

Avez-vous pu constater une réaction – ou une absence de réaction des parents ?

Oui, j’ai constaté avec un certain effroi qu’il y a certainement une ignorance, mais il y a aussi la peur. Des parents affirment : « Si je divulgue cela, cela va rejaillir sur ma carrière professionnelle, sur mon enfant qui est dans tel ou tel établissement, et dont la réputation sera ternie. » Chez ce deuxième groupe, la peur se transforme en faiblesse.

Avez-vous eu connaissance de parents qui ont signalé avoir eu affaire à des choses similaires et qui n’ont pas voulu témoigner ?

Oui, absolument. Et j’ai même un exemple très récent. Des parents d’élèves directement concernés par ce qui se passe ont vu l’enquête, et en ont été terrifiés. Mais ils n’ont pas réagi en conséquence. La peur toujours…

Vous avez donné la parole à des jeunes filles, l’une de 15 ans et l’autre de 18 ans : on voit qu’elles ont été fracassées par les lectures qu’on leur imposait. Comment avez-vous vécu ces rencontres ?

Quand j’ai posé ma caméra et que l’interview a démarré, je n’ai certes pas oublié mon rôle de journaliste, mais très vite, presque naturellement, c’est davantage le père de famille que je suis qui s’est trouvé face à une jeune fille qui aurait pu être sa fille. C’est sans doute l’un des moments les plus forts de ma carrière. J’ai été très touché, presque bouleversé par les deux témoignages. C’étaient des moments lourds. Pour des raisons qui sont faciles à comprendre je n’ai filmé que les mains de celle que nous avons appelée Tiphaine, mais je la sentais stressée, vraiment fracassée. Au point que j’avais envie de lui demander : « Tiphaine, qu’est-ce que je peux faire pour vous ? ».

Je suis convaincu, et d’ailleurs j’en ai eu confirmation par la suite, que les deux interviews que j’ai faites ont aidé ces deux jeunes filles à expurger le mal qui était en elles. Sophie, la plus jeune, m’a dit à propos du moment où son professeur lui a demandé d’ouvrir un préservatif devant toute la classe : « J’ai pris la honte. » On imagine très bien la situation dans laquelle elle pouvait se trouver. Elle a 15 ans, elle a reçu une éducation chrétienne. Comme Tiphaine, qui a aujourd’hui 18 ans, en avait 15 lors des faits. Elle a vraiment reçu une éducation très pointilleuse, une éducation dont elle est fière. Elle nous dit dans son témoignage qu’encore aujourd’hui, elle souffre des lectures qu’on lui a imposées.

Est-ce que ces jeunes osent en parler à leurs parents ?

La plupart du temps, non, malheureusement. Tiphaine l’a fait parce qu’elle a une grande proximité avec ses parents qui font leur travail de parents : ils parlent d’éducation sexuelle, ils expliquent les problèmes et répondent aux questions que leurs enfants peuvent être amenés à se poser. Mais la plupart du temps, et c’est cela le drame, les enfants ont honte de parler de ce qu’ils ont vécu à leurs parents.

Vous faites témoigner un ancien professeur d’école sous contrat, Pierre de Laubier, et un directeur d’école catholique sous contrat qui a préféré ne pas donner son nom : ils expliquent pourquoi l’enseignement catholique ne fait rien. En tant que journaliste, que pensez-vous que l’on puisse faire ?

Je pourrais répondre en une phrase, celle d’un des professeurs que nous avons interviewés : « C’est la majorité silencieuse. » Encore aujourd’hui, même si tout s’est beaucoup dégradé, beaucoup de professeurs ont un profond mépris de ce qui se passe. Mais c’est la majorité silencieuse ­face à la minorité agissante. L’enseignante Guillemette Couturier nous l’a dit : « On est 30 à se taire sur 50 professeurs. » Que faire ? Depuis le bouclage de cette enquête nous en parlons souvent, avec mon épouse, avec nos enfants, et j’y ai beaucoup réfléchi. Et je me sens surtout découragé de voir l’absence de réaction globale, alors qu’elle devrait avoir lieu.

À commencer par celle des autorités ?

Il n’y a pas d’autorité. Il n’y a pas du tout de réaction de la part des autorités. Aucune. Et j’ai l’impression qu’il n’y en aura pas. C’est un vrai scandale qui devrait exploser et à cela on répond par le mépris du silence.

À cause de la peur de perdre des fonds publics, celle d’affronter des professeurs qui sont plus ou moins inamovibles et qui sont libres dans leur classe ?

C’est la peur de la réputation. La peur d’avoir le courage de reconnaître que l’on a fait des erreurs et qu’il faut faire le ménage.

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