Cet été : Des martyrs aux dissidents : Ils n’ont rien lâché
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Cet été : Des martyrs aux dissidents : Ils n’ont rien lâché
Il est peu connu. Pourtant, il est l’un des premiers à avoir deviné l’impact tragique d’Hitler dans notre Histoire. En fervent catholique, le Suisse Maurice Bavaud a essayé plusieurs fois sans succès de l’assassiner avant que le Führer ne mette ses plans à exécution. Un concours de circonstances fait qu’il est arrêté, sans jamais avoir pu réussir son projet de « tyrannicide ».
9 novembre 1938 : Munich est en liesse. La capitale bavaroise accueille son Führer qui, avec ses vieux camarades de lutte, vient commémorer l’anniversaire du coup d’État de 1923, le fameux « putsch de la brasserie ». Dans quelques heures, Hitler va lancer ses troupes à l’assaut des synagogues et des magasins juifs dans un exutoire : la « Nuit de Cristal ».
Dans la foule des fidèles, un catholique de 22 ans, Maurice Bavaud, serre son pistolet de calibre 6,35 mm. Le jeune homme est suisse, originaire de Neuchâtel. Il est venu pour tuer Hitler. Cela fait un mois qu’il traque et épie le dictateur, allant même jusqu’au Berghof (le « Nid d’aigle ») près de Berchtesgaden.
L’attentat manqué
Aujourd’hui, il a décidé de passer à l’action et de débarrasser l’Europe de cette engeance malsaine. Se faisant passer pour un nazi fervent, Bavaud s’approche plusieurs fois de Hitler mais pas suffisamment près pour pouvoir utiliser son petit pistolet. De plus, les forêts de bras tendus, les « Sieg Heil » protègent l’homme à la chemise brune. Bavaud renonce pour cette fois. Il tente encore de voir Hitler les jours suivants mais en vain.
De guerre lasse, il décide de remettre son projet à plus tard et prend le train pour Paris. Hélas, contrôlé par la police, il est interpellé pour défaut de billet. Il est interrogé, fouillé. Le pistolet et des documents compromettants (de fausses lettres de recommandation) sont découverts.
Livré à la Gestapo, torturé, Bavaud avoue ses plans d’assassinat et les justifie en invoquant la nécessité d’un tyrannicide. Jugé par le Tribunal du Peuple, lâchement abandonné par les représentants de la Confédération helvétique en Allemagne, il est emprisonné à la prison de Berlin-Plötzensee. Apprenant son geste, Hans Fröhlicher, représentant suisse à Berlin, le qualifie d’« acte exécrable » et ne tient pas à rencontrer le jeune homme. Plus tard, les autorités militaires suisses refusent de l’échanger contre un espion allemand détenu. Sans espoir, Bavaud se résout à la mort. Il est guillotiné le 14 mai 1941 sans que son pays ne fasse un quelconque effort pour le sauver.
Cet article est extrait du hors-série n° 14 : « Des martyrs aux dissidents : Ils n’ont rien lâché »
Au séminaire
Quelques années auparavant, Maurice Bavaud avait quitté sa famille et son pays pour entamer des études de théologie au séminaire des vocations tardives de Saint-Ilan à Langueux (Côtes-d’Armor). Le séminaire est alors tenu par les pères spiritains. Maurice veut être missionnaire. Mais le jeune homme ne passe, semble-t-il, que quelques mois en Bretagne.
Au séminaire, Maurice et ses amis se passionnent pour les grands problèmes du temps : ils fondent un discret cercle d’études, étudient les encycliques récentes de Pie XI qui condamnent le communisme et le nazisme. Ils aiment parler philosophie, politique, théologie. Passionnés, exaltés peut-être, certains décident de passer à l’action.
Bavaud et son ami Marcel Gerbohay mûrissent alors l’idée d’un attentat contre Hitler. À l’été 1938, Maurice achète une arme et part seul pour l’Allemagne. L’épilogue se dénoue trois ans plus tard sous la hache du bourreau. Quand à Marcel Gerbohay, il est arrêté en Bretagne lors de l’Occupation. Déporté, il connaît le même sort que son ami et est guillotiné à Plötzensee en avril 1943.
Le nom et la geste de Maurice Bavaud sombrent alors dans les oubliettes de l’Histoire et ne sont qu’à peine dévoilés en Suisse. Plus d’un demi-siècle après les faits, ce n’est qu’en 1997 qu’une question est officiellement posée à l’Assemblée fédérale afin de demander la réhabilitation de Bavaud. Le Parlement reconnaît alors « que le Gouvernement suisse de l’époque et ses représentants, y compris la légation suisse à Berlin, ne se sont pas suffisamment engagés en faveur de Maurice Bavaud et n’ont dès lors pas été à la hauteur de leurs responsabilités. »
Un début de reconnaissance
C’est en 2008 que le président de la Confédération rend enfin hommage officiellement à l’ancien séminariste. À Neuchâtel le nom de Maurice Bavaud a sa plaque commémorative, sur la façade de sa maison natale, tandis qu’une statue a été érigée en son honneur en 2011 à Hauterive. À Zurich, les élus ont refusé la proposition de donner son nom à une rue pour, semble-t-il, d’obscures raisons politiciennes.
En France, Bavaud demeure totalement inconnu. En janvier de l’année dernière pourtant, Hubert Lenoir, metteur en scène du « Théâtre du Totem » de Saint-Brieuc a mis en scène avec des élèves de BTS de l’ancien séminaire de Saint-Ilan (devenu lycée) un spectacle autour de la destinée de Maurice Bavaud : Mais délivrez-nous du mal ! Louable initiative qui a permis à des jeunes d’aujourd’hui de mieux connaître cette belle figure de résistant chrétien de la première heure.
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Pour en savoir plus : Nicolas Meienberg, Maurice Bavaud a voulu tuer Hitler, éditions Zoé, 208 p., 14,50 €.
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