Le statut de « beau-parent », arme de dilution de la famille

Publié le 04 Fév 2014
Le statut de « beau-parent », arme de dilution de la famille L'Homme Nouveau

À la Une des journaux, le statut du « beau-parent » est revenu récemment sur le devant de la scène avant de disparaître – pour l’instant – avec la loi Famille finalement repoussée par le gouvernement. Mais l’idée fait son chemin, et comme l’euthanasie, comme l’avortement, comme toutes ces lois subversives, elle reviendra d’une façon ou d’une autre. Publié dans le dernier numéro de L’Homme Nouveau, cet article fait le point sur le sujet. À lire et à conserver pour préparer l’avenir. La famille n’est pas un lien d’expérimentation.  

Un phénix dangereux

Tel le phénix qui renaît de ses cendres, le statut du « beau-parent », maintes fois annoncé, chaque fois contesté, chaque fois abandonné, réapparaît encore comme soi-disant nouveauté dans les annonces du gouvernement.

Rien de nouveau sous le soleil, et la même histoire se répète. On part d’un constat imaginaire selon lequel la vie quotidienne dans les familles recomposées serait très compliquée, à cause du droit. Cela sert de prétexte pour annoncer avec solennité des mesures qui existent déjà, pour remédier à ces problèmes imaginaires, le tout en officialisant au passage le statut du « beau-parent », comprenez l’adulte non parent impliqué dans l’éducation de l’enfant parce qu’il vit avec le père ou la mère de ce dernier.

Un statut dilué

L’objectif final est de diluer la fonction parentale entre différents intervenants afin de diluer le statut parental lui-même. Or, si plusieurs adultes peuvent intervenir dans l’éducation de l’enfant, il est très dangereux de les mettre sur le même plan que les parents, alors que les enfants ont besoin au contraire que les statuts et les rôles des adultes présents dans leur vie soient clairement définis et différenciés.

Le but est, cette fois-ci encore, de donner des droits au « beau-parent ». Effectivement, ce dernier n’a pas de droit sur l’enfant, mais c’est très bien comme cela ! Quel genre de droits un adulte pourrait-il avoir sur un enfant, sous prétexte qu’il vit une relation avec l’un des parents de l’enfant en question ?

Un faux prétexte

En pratique, on prétend que la vie quotidienne des enfants élevés par un « beau-parent » est très complexe, et qu’il faudrait habiliter ce dernier à accomplir les actes usuels concernant l’enfant. Sauf que, en l’état du droit, un des parents peut déjà autoriser un tiers à accomplir un acte usuel concernant l’enfant, autorisation qui peut être tacite et n’a donc même pas besoin d’être exprimée. Lorsqu’un parent confie son enfant à un tiers, il donne à ce tiers un mandat tacite d’accomplir les actes de la vie quotidienne. Une baby-sitter peut emmener l’enfant chez le médecin ou au tennis et aller le chercher à l’école, et le « beau-parent » aurait besoin d’une loi pour cela ?

Quant aux actes importants concernant la personne de l’enfant, ils requièrent l’accord des parents, ce qui est bien normal. Associer le « beau-parent » à ces décisions ne simplifierait rien puisque, au contraire, l’accord des parents serait toujours nécessaire et qu’il faudrait, du coup et en plus, celui du « beau-parent » ! Les promoteurs du statut du « beau-parent » veulent faciliter le partage de l’autorité parentale entre les parents et lui. Mais le droit actuel permet déjà ce partage, s’il est justifié par les besoins de l’éducation de l’enfant. C’est bien le minimum que l’on puisse faire, car associer un tiers à l’autorité parentale est un acte grave, et pourquoi le faire sans besoin particulier relatif à l’éducation de l’enfant ? L’autorité parentale est une institution au service de l’enfant et non un faire-valoir pour les adultes.

On invoque encore que l’enfant risque, en cas de séparation, d’être brutalement séparé de cet adulte qui partageait sa vie. Mais le droit actuel permet déjà au juge, à défaut d’accord amiable, d’organiser des liens entre cet adulte et l’enfant, si tel est l’intérêt de ce dernier. Il serait irresponsable de généraliser cette possibilité car comment poser comme postulat que l’intérêt de l’enfant est, systématiquement, de maintenir des liens avec tous les adultes qui défilent dans sa vie ? On imagine l’agenda de ministre qu’il devra tenir entre les différents droits de visite des uns et des autres.

En cas de deuil

Enfin, certains feignent de croire que, lorsque l’enfant n’a qu’un seul de ses parents et que ce dernier décède, le « beau-parent » ne peut le recueillir et qu’il se retrouve en famille d’accueil. Là encore, tout est faux car le parent dernier mourant peut, de son vivant, désigner la personne qu’il choisit comme tuteur de l’enfant en cas de décès. À défaut, le conseil de famille désignera un tuteur au mineur, et pourra désigner le « beau-parent » si c’est là le bien de l’enfant. Ici encore, comment prévoir de façon systématique que l’homme ou la femme qui vit avec le père ou la mère de l’enfant sera le tuteur de ce dernier ? Une décision sur mesure est bien plus profitable à l’enfant qu’une règle généralisée car on ne peut poser a priori qu’il est dans l’intérêt de l’enfant d’être systématiquement confié à son « beau-parent » s’il venait à être orphelin.

En bref : toujours la même rengaine, maintes fois entendue, maintes fois réfutée mais, attention, toujours le même danger !

Aude Mirkovic est Maître de conférences en droit privé. Auteur de Mariage des personnes de même sexe : La controverse juridique, Téqui, 64 p., 7,90 €.

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