Une longue psalmodie
Comme l’Église ne peut renoncer au chant, même en Carême, Âelle a inventé cette longue psalmodie chantée, si belle, si paisible, qu’est le trait et qui remplace l’alléluia jusqu’à Pâques. Il s’agit ici du trait du deuxième dimanche de Carême (forme ordinaire), emprunté au trait de la Sexagésime (forme extraordinaire). Trois versets du psaume 59 constituent ce texte très fort, presque violent : « Tu as ébranlé la terre, Seigneur et tu l’as bouleversée. Guéris ses blessures car elle est secouée. Que tes élus fuient devant l’arc et qu’ils soient libérés. » La terre ici, c’est l’âme ou l’Église, que le péché a secouée. Elle est blessée, elle a besoin d’un Sauveur, d’un médecin. L’arc, c’est le péché lui-même ou le prince de ce monde, dont nous demandons à Dieu d’être délivrés. Le texte du psaume est ainsi ajusté à nos besoins spirituels durant le temps de purification du Carême.
Des formules types
Le rapport entre le texte et la mélodie n’est pas habituellement recherché par les compositeurs des traits. Ils utilisent des formules types qui reviennent de façon régulière pour rythmer le récitatif. Cependant, quelques originalités se rencontrent parfois, et notre trait en recèle, à commencer par son exceptionnelle intonation sur le mot Commovisti, qui traduit l’action divine d’ébranlement secouant toute la terre. La mélodie de cette intonation est très calme, ce qui donne beaucoup d’expression à ce passage. Le bon Dieu provoque des bouleversements intimes sans s’énerver. On peut admirer la belle facture mélodique de cette intonation avec sa triple courbe montante puis descendante privilégiant les intervalles par degrés conjoints. La plainte très confiante qui la traverse va imprégner tout le reste de la pièce.