Notre quinzaine : l’Eglise, atout maître contre la « décivilisation »

Publié le 14 Juin 2023
décivilisation

« Douce France », chantait Charles Trenet en 1943. Au cimetière de l’Ouest, à Narbonne, l’artiste doit se retourner dans sa tombe. De rodéos sauvages en agressions gratuites, des élus menacés aux policiers conspués, entre infirmière égorgée et professeur décapité : mois après mois, semaine après semaine, l’actualité hexagonale continue d’empiler devant nos yeux impuissants une somme de faits tous plus abjects et scandaleux.

Des « faits divers » dont la diversité, il faut le dire, tend à devenir un vain mot tant ils ont pour point commun la même absence de repères et de fondation. Déjà en 2013, Laurent Obertone, dans un essai transgressif, La France Orange mécanique (Ring), diagnostiquait une explosion de la violence touchant l’ensemble du pays, les grandes villes comme la province.

Devant la multiplication des actes barbares, relayés par les chaînes d’information en continu, le président de la République s’est vu contraint de réagir. En plein conseil des ministres, Emmanuel Macron appelait son gouvernement à « travailler en profondeur pour contrer ce processus de décivilisation ».

À l’heure de la cancel culture où contester à l’Occident sa filiation spirituelle avec Jérusalem et son héritage gréco-romain devient la règle – selon les wokistes, l’Europe ne serait à tout prendre qu’un ensemble de territoires mal définis aux origines cosmopolites – voici que le thème de la civilisation revient sur le devant de la scène. Et nous ? En tant que disciples du Christ, que pouvons-nous faire « pour contrer ce processus de décivilisation » ?

Tout d’abord, que faut-il entendre par « civilisation » ? Ce n’est qu’en 1835 que ce mot fit son entrée dans le dictionnaire de l’Académie. De son côté, le Littré en a longtemps offert une définition littérale peu éclairante, « La civilisation correspond à l’état de ce qui est civilisé, autrement dit ce qui rend civil, ce qui polit les mœurs. » Nous voici peu avancés.

Pour obtenir une définition philosophique plus aboutie, c’est chez le maître de Martigues que l’on finira par trouver matière à réflexion : « La civilisation correspond à l’état social dans lequel l’individu qui vient au monde trouve incomparablement plus qu’il n’apporte. La civilisation est d’abord un capital. Elle est ensuite un capital transmis. »

Dans « L’avenir de la civilisation », article du 1er mars 1922 publié dans La Revue universelle, Jacques Bainville analysait, avec la profondeur de vue qu’on lui connaît et l’intense réflexion qui lui est caractéristique, les conditions de la transmission de ce capital civilisationnel.

« Ah ! Comme la civilisation est fragile ! On pourrait dire d’elle ce que disait de la santé un médecin célèbre : “La santé est un état provisoire et qui ne laisse rien présager de bon.” La civilisation tient comme la santé à un équilibre instable. C’est une fleur délicate. Elle dépend de tout un ensemble de conditions. Supprimez quelques-unes de ces conditions : elle dépérit, elle recule. »

En d’autres termes, explique l’académicien, la civilisation est une plante qui pousse avec des soins. C’est une plante de serre. « Elle exige qu’un grand nombre de conditions économiques, sociales et politiques soient remplies. » Outre un ordre politique stable, Bainville indique notamment comme condition essentielle à remplir pour que la civilisation se maintienne l’importance d’écoles dignes de ce nom. C’était il y a un siècle, et il avait déjà vu juste.

Si la lucidité oblige à admettre que l’Église fait face à un déclassement annoncé – ignorance catéchétique généralisée, assèchement des vocations, chute vertigineuse de la pratique, effondrement en termes de déclaration d’identité –, la foi et l’espérance nous pressent de rester debout dans la tempête.

L’Église, mère et maîtresse des âmes, des intelligences et des cœurs, possède les paroles de la vie éternelle. Ses enfants, en puisant dans les trésors de sa spiritualité, de son enseignement constant et de sa tradition, pourront « travailler en profondeur pour contrer ce processus de décivilisation ».

L’orgueil d’un progrès ambitionné sans repères évangéliques et sans Décalogue finit toujours par prendre en boomerang ses prétentions à vouloir vivre sans Dieu. Pour saint Augustin, « Un monde moins chrétien est d’abord un monde moins humain. » La « décivilisation » a l’avantage de nous le rappeler.

Mais comme tout rappel, elle invite chacun à se remobiliser. L’avenir est aux humbles vertus du travail, de la piété filiale, de la discipline ou encore de l’ascèse. Rien de romantique en soi, sinon de savoir que nos humbles fidélités contribuent à la joie du Divin Maître. Et qu’elles finissent toujours par porter pierre.

 

A lire également : Emmanuel Macron parle de « décivilisation », Mgr Rougé affirme que l’euthanasie en est la cause

Père Danziec +

Ce contenu pourrait vous intéresser

Éditorial

Ne pas se résigner !  

Éditorial de Philippe Maxence | À l’heure où nous nous apprêtons à reprendre des forces après l’épuisement de l’année, il nous faut non seulement prier pour le Pape et l’Église, mais également prendre la résolution ferme et constante de ne jamais nous résigner à la diminution de la foi, à la perte de l’espérance et au refroidissement de la charité.

+

enfant tablette NadineDoerle résigner
Éditorial

Des paroles et des actes

L'Éditorial du Père Danziec | Il n’y a pas que la noblesse qui oblige. L’Église oblige par la vérité dont elle est la gardienne. Ce trésor, à saisir et à communiquer, doit d’abord être reçu et assimilé. Contre la dictature du relativisme et le poison de l’indifférentisme religieux, intégrer que Notre-Seigneur est la Voie, la Vérité et la Vie relève d’une impérieuse nécessité. Spécialement pour la jeunesse !

+

Sv Petr Vatican statues 1 résigner
Éditorial

Un pontificat qui commence

Éditorial de Maitena Urbistondoy | Léon XIV, en se plaçant dans la filiation de Léon XIII, s’inscrit dans un héritage doctrinal clair auquel beaucoup de fidèles aspirent. À l’heure où l’euthanasie est sur le point d’être légalisée en France, où le nom du Christ est refoulé dans la sphère privée, l’unité des catholiques devient urgente. Une unité non pas simplement ecclésiale, mais aussi politique. Ce n’est pas par compromission que l’Église a formé l’Europe, mais par sa foi. C’est cette foi qui a adouci les mœurs et élevé les institutions.

+

Léon XIV pontificat
Éditorial

Loi naturelle et politique selon saint Thomas d’Aquin

L'essentiel de Joël Hautebert | Alors que le débat sur l’euthanasie illustre une fois de plus la rupture croissante entre droit positif et loi naturelle, l’ouvrage de don Jean-Rémi Lanavère (csm) sur saint Thomas d’Aquin rappelle que la loi politique, loin de s’opposer par principe à la loi naturelle, en est l’expression concrète. Une invitation à redécouvrir le rôle structurant de la politique dans l’ordre moral.

+

Pour saint Thomas d’Aquin, la politique doit découler de la loi naturelle.
Éditorial

Le Christ et l’Église, mariés pour la vie

L'éditorial du Père Danziec | L’Église, c’est elle qui nous sauve et non pas qui que ce soit qui se trouverait en mesure de sauver l’Église. On ne sauve pas l’Église, on la sert. De tout son cœur et de toute son âme. On ne change pas l’Église, on la reçoit. Intégralement et sans accommodement de circonstance. Tout le mystère de l’Église gît dans l’équation et la convertibilité de ces deux termes : le Christ et l’Église. Ainsi, la formule « Hors de l’Église, point de salut» ne signifie réellement pas autre chose que : « Hors du Christ, point de salut ».

+

christ et église
ÉditorialFrançois

Notre quinzaine : que demandez-vous à Dieu ?  

Éditorial de Philippe Maxence | La nouvelle du décès de François n’a surpris personne. Depuis plusieurs mois, nous savions qu’il était malade et qu’il pouvait, d’un moment à l’autre, rendre son âme à Dieu. En attendant de pouvoir en faire un bilan, nous devons d’abord prier pour le repos de l’âme de François ainsi que pour l'Église.

+

dieu