Nous continuons la publication de El Orden natural du philosophe catholique argentin, Carlos Sacheri. Ce libre publié en 1975 est une introduction à la doctrine sociale de l’Église, à travers des chapitres courts et synthétiques. L’auteur aborde ici le regard de l’Église sur le libéralisme.
L’un des principaux courants qui caractérisent la culture moderne est ce qu’on appelle le libéralisme. Comme son étymologie l’indique, la doctrine libérale a pour essence l’exaltation de la liberté humaine. L’Église a toujours rejeté le libéralisme dans de nombreux documents, condamnant formellement ses thèses les plus graves. Le 8 décembre 1864, le pape Pie IX a condamné 80 propositions ou thèses hérétiques dans son encyclique Quanta Cura annexé dans le Syllabus, réitérant les avertissements qu’il avait lui-même formulés dans 32 documents antérieurs. La quasi-totalité des thèses condamnées ont été soutenues par divers auteurs d’inspiration libérale. (…) Un examen attentif des principaux aspects de la doctrine libérale nous permettra de comprendre les raisons du combat que l’Église a héroïquement mené, avec tous les risques qu’il comportait et avec tous les martyrs qu’elle a comptés dans ses rangs.
Sources doctrinales
Le courant libéral a été particulièrement important au cours des XVIIIe et XIXe siècles. À travers le processus révolutionnaire français de 1789 (…), il s’est rapidement répandu dans les pays européens, diffusé par les armées napoléoniennes, et a insufflé son inspiration idéologique au mouvement d’émancipation dans les pays d’Amérique latine. À partir de la fin du XIXe siècle, le libéralisme classique a progressivement adopté des positions plus nuancées face à l’immense évidence du chaos social et économique provoqué en Europe par l’application de ses principes fondamentaux. Les racines doctrinales du courant libéral peuvent être résumées en quatre points principaux : 1) le nominalisme du XIVe siècle, avec sa négation de l’universalité de la connaissance et son accent sur l’individu ; 2) le rationalisme du XVIe siècle, avec son exaltation de la raison humaine ; 3) les Lumières, qui ont donné naissance à la libre pensée et à la conception de l’homme comme absolument autonome dans la sphère morale ; 4) l’influence du protestantisme, surtout dans sa version calviniste, qui a favorisé – comme le montrent les études de Troelsch, Tawney, Sombart, Belloc et Weber – l’esprit d’accumulation des richesses. D’un point de vue philosophique, le libéralisme considère la liberté comme l’essence même de la personne, ignorant le fait que les actes humains sont libres dans la mesure où…