Les « Jaunes » contre la CGT

Publié le 05 Nov 2022

Alors qu’une grève lancée par la CGT dans les raffineries et les dépôts de carburant a réussi à créer une pénurie d’essence pendant plusieurs jours, Didier Favre, spécialiste de l’histoire du syndicalisme, raconte l’histoire des « Jaunes ». Ces syndicats, bien oubliés aujourd’hui, ont pourtant connu un grand succès dans les premières années du XXe siècle. Ils sont nés en 1899 lorsque des ouvriers, hostiles aux grèves violentes menées par la CGT au Creusot et à Montceau-les-Mines, créent, avec l’appui du patronat, des syndicats indépendants. Le qualificatif de « Jaunes » provient du papier jaune qu’ils avaient dû employer pour remplacer les vitres de leur local brisées par les grévistes. En 1902, il y aura 317 syndicats jaunes dans tout le pays, qui s’organiseront en fédération.

La CGT dénoncera ces syndicats « au service du patronat ». En réalité, les Jaunes, hostiles au socialisme révolutionnaire, voulaient défendre la liberté du travail et la liberté des entreprises. Ils refusaient la dialectique revendication salariales/grèves et affirmaient que « si l’ouvrier a des droits à faire valoir, il a aussi des devoirs à remplir ». Contre ce qu’ils appelaient « la gréviculture », les syndicats jaunes demandaient une institutionnalisation de l’« arbitrage » dans l’entreprise. Les statuts de la Fédération nationale des Jaunes de France (FNJF) précisaient : « Les Jaunes s’engagent à ne faire aucune grève sans avoir donné par écrit leurs revendications et avoir attendu la réponse quinze jours au moins. » Pour améliorer la condition des ouvriers, ils voulaient favoriser leur accès à la propriété individuelle et impliquer davantage les salariés dans la vie de l’entreprise, ses résultats (par l’intéressement) et son capital (par la participation). Ils demandaient aussi la généralisation d’un système de retraites, contrôlé par l’État mais pas géré par l’État.

Ce syndicalisme non socialiste, indépendant, proche des organisations nationalistes de l’époque, a représenté à un moment un réel phénomène de masse (jusqu’à 375 000 adhérents en 1907). Pourtant il s’est vite effondré,…

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Yves Chiron

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