Les tablettes vont-elles sauver l’école ?

Publié le 23 Juin 2015
Les tablettes vont-elles sauver l'école ? L'Homme Nouveau

Le 7 mai dernier, François Hollande clôturait la longue concertation nationale sur le numérique et annonçait le résultat suivant : le gouvernement s’apprête à investir un milliard d’euros, sur une période de trois ans, consacrés au développement de l’aspect technologique au sein des établissements scolaires.

Si le « grand plan numérique » ne sera appliqué qu’en 2016, la prochaine rentrée de septembre constituera un premier essai et 500 écoles et collèges seront désormais connectés. Les instigateurs de cette nouvelle politique d’éducation affirment en effet la réelle nécessité de refonder l’école, afin qu’elle s’adapte à ce qu’ils appellent la « culture numérique », mondialisante et universelle. Le réseau internet est devenu un véritable enjeu social, car il confère un pouvoir d’information et d’expression presque illimité et constitue un réseau reliant le monde entier. Force est de constater que les nouvelles technologies qui l’accompagnent sont désormais le moteur de notre économie : entre utilité et facilité, confort et bien-être, le progrès technique a investi tous les domaines de la sphère publique à la vie privée. Il n’est donc pas étonnant que le ministère veuille en doter les établissements scolaires. Najat Vallaud-Belkacem, responsable des initiatives numériques dans l’éducation, explique qu’elles visent une meilleure réussite des élèves, une démocratisation du système scolaire, une modernisation des moyens pédagogiques, et qu’elles sont un outil d’inclusion des enfants handicapés. Ces innovations s’appliqueront aux cinq principales disciplines que sont le français, les mathématiques, les langues, l’Histoire et les sciences. Le ministre prône donc la tablette pour tous pour un cartable allégé, des cours ludiques, des exercices variés. Et moins d’efforts pour les enseignants, ainsi qu’une économie de papier ?  

Une nouvelle matière pour les élèves

Le deuxième versant de cette révolution scolaire est l’enseignement du codage informatique aux élèves, dès l’école primaire, car il est considéré comme un langage pouvant être compris par tous, indispensable à leur insertion future dans le monde professionnel. « La spécialité informatique (…) sera généralisée à toutes les filières et étendue à la classe de première sous la forme d’une option. », a déclaré le Président de la République.Toutefois, cette « solution » est multiplement controversée : l’enseignant a-t-il le choix dans sa manière de procéder ? Est-il toujours un enseignant ? Le numérique va probablement déconstruire et refonder le métier des professeurs, qui n’auront plus aucun contrôle sur l’apprentissage de leurs élèves. La transmission et la réflexion risquent de disparaître au profit d’une accumulation encyclopédique de connaissances, appréhendées sans aucun sens critique sur des outils passifs, sous prétexte que l’aspect ludique prime sur l’exigence intellectuelle. À terme, ce sont les écoles elles-mêmes qui risquent de disparaître. La culture numérique est en fait une culture de l’écran comme support exclusif qui ne sollicite que les capacités visuelles de l’enfant au détriment des multiples possibilités sensorielles et des habituelles fournitures scolaires dont une trousse doit être remplie. Le projet du numérique porté par le ministère de l’Éducation nationale est donc d’autant plus étonnant que les chercheurs et les médecins spécialisés commencent à s’affoler du temps considérable que passent les jeunes devant la télévision : addiction, maux de têtes, troubles de la concentration et problèmes de mémoire ne sont pour l’instant que la partie émergée de l’iceberg contre laquelle le ministère de la Santé avertit déjà les parents. Le gouvernement semble manquer de cohérence.

Une « solution » qui coûte cher

De plus, comment ce projet numérique pourrait-il faire disparaître l’illettrisme en France, qui concerne aujourd’hui plus de 2,5 millions de personnes, alors que l’apprentissage du codage informatique tend à remplacer les bases que sont la lecture et l’écriture ? Enfin, considérons l’aspect budgétaire du programme : son lancement nécessite un milliard d’euros. Mais dans trois ans, les nouvelles technologies ne le seront plus et les outils devront être sans cesse réadaptés. L’obsolescence programmée risque de coûter très cher à l’Éducation Nationale. Jean-Rémi Girard, Secrétaire national à la pédagogie du syndicat de l’Éducation nationale et du supérieur, s’exprime ainsi : « Il est temps que l’État se rende compte qu’il jette de l’argent par les fenêtres. En 1985 (déjà!), le plan « informatique pour tous » avait coûté 1,8 milliard de francs, pour une splendide absence de résultat. Veut-on vraiment que l’histoire se répète ? »

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