Leur dernier mot est de pardon

Publié le 27 Fév 2023

Autel dans la cathédrale de Shkoder (Albanie) dédié aux 38 martyrs de l'Albanie.

Les voies par lesquelles le bien se fait connaître au plus sombre du mal sont parfois stupéfiantes. Vous en doutez ? Lisez ces témoignages de pardon. Enver Hoxha, un des dictateurs communistes les plus sanglants du siècle dernier (et un pur produit de l’éducation française, de ses premières années scolaires dans sa région natale de l’Albanie du sud jusqu’à ses années d’étudiant à Montpellier), avait fait de son pays un immense camp de concentration. Il a aussi envoyé à la mort indistinctement ennemis réels ou supposés, villages entiers et, athée virulent et même pathologique, beaucoup de croyants. Parmi ses victimes catholiques, contre lesquelles il s’est particulièrement acharné, les 38 martyrs béatifiés en novembre 2016 par le pape François. J’ai eu accès, pour publier un livre sur ceux-ci, au dossier de béatification et ce que j’ai découvert m’a bouleversé : on a retrouvé dans les archives d’État des rapports sur l’exécution de ces martyrs, demandés par Enver Hoxha lui-même, comme pour les autres personnes qu’il envoyait au supplice. Après avoir décidé de leur sort avant même qu’ils soient jugés, le dictateur exigeait d’avoir sur son bureau le plus vite possible après leur exécution une relation détaillée et précise de la façon dont ils s’étaient conduits devant les pelotons qui les fusillaient, ainsi que leurs dernières paroles. Pourquoi ? Pur sadisme ? Oui, sans doute, et peut-être secret espoir d’y lire des reniements ou des appels vains à sa clémence au moment de la mort. Or que révèlent les archives sur ces 38 martyrs ? Non seulement ni reniement ni supplications mais la prière, parfois le silence et, souvent, des paroles de pardon. Ainsi le bienheureux Danjel Dajani, jésuite : « Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal. Je suis heureux de mourir innocent plutôt que coupable. » Le bienheureux Mati Prendushi, franciscain : « Je pardonne à la Cour et à tous ceux qui tueront nos corps innocents. » Le père Dedë Malaj, prêtre séculier : « Je suis fier d’être fusillé en tant que prêtre catholique, pour l’Albanie et pour l’habit que je porte. Je demande pardon à tous ceux que j’ai pu offenser durant ce procès ou dans ce tribunal et je pardonne à ceux qui m’ont offensé. » Le jeune Mark Çuni, séminariste : « Je pardonne à tous ceux qui m’ont jugé, condamné et à ceux qui vont m’exécuter. » Qerim Sadiku, un laïc : « Je pardonne à tous…

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Didier Rance

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