L’euro fait des sceptiques

Publié le 11 Juin 2014
L’euro fait des sceptiques L'Homme Nouveau

Selon un récent sondage, 56 % des Français restent attachés à l’euro. Douze ans après l’entrée en circulation de la monnaie unique, ce chiffre montre que la désillusion, la déception ou le regret ne cessent de progresser, comme l’a montré le résultat des élections européennes.

Jacques Delors peut être considéré comme le père de l’« euro ». Il avait été le premier ministre de l’Économie, des Finances et du Budget de François Mitterrand, il est devenu président de la Commission européenne en 1985. Dans cette fonction il a présidé un Comité composé d’experts et des gouverneurs des banques centrales des douze pays membres de la CEE d’alors, comité qui en avril 1989 a préconisé la création d’une monnaie unique pour accélérer la « construction » de l’Europe.

Les évènements historiques – la chute du mur de Berlin en novembre suivant – vont favoriser ce dessein. Tous les témoignages s’accordent à dire que le chancelier Helmut Kohl a consenti à la création d’une monnaie unique pour l’Europe, souhaitée par François Mitterrand, en échange de l’appui apporté par la France au processus de réunification de l’Allemagne.

Les conditions posées par l’Allemagne

L’Allemagne a aussi posé ses conditions : la création d’une Banque centrale européenne (BCE) indépendante des gouvernements, une monnaie unique dont la valeur de départ serait établie en fonction du mark et une politique monétaire dont le but premier serait la lutte contre l’inflation. L’Allemagne avait été effrayée des dévaluations à répétition qu’avait connue la France dans les années récentes (1981, 1982, 1983, 1986).

Les négociations sur la mise en place de cette monnaie unique furent engagées, dans la coulisse, au début de 1991 et furent poursuivies lors d’une rencontre des chefs d’État et de gouvernement à Maastricht, en décembre de cette même année. La Grande-Bretagne, tout à fait opposée à un abandon de sa souveraineté monétaire, obtint, comme le Danemark, une clause d’exemption, tandis que l’Allemagne imposait des critères économiques et financiers aux pays « candidats » à la monnaie unique (notamment avoir une dette publique qui ne dépasse pas 60 % du PIB et un déficit annuel qui ne dépasse pas 3 % du PIB). La France, elle, par la voix de François Mitterrand imposa une date butoir pour l’entrée en vigueur de la monnaie unique – le 1er janvier 1999 – et rendre le processus irréversible.

En 1995, le nom définitif de cette monnaie unique (l’euro) fut adopté, à partir du 1er janvier 1999 elle fut utilisée comme unité de compte et, à partir du 1er janvier 2002, elle entra en circulation comme monnaie manuelle (pièces et billets).

La crise de l’euro

Dès 2002 les difficultés sont apparues. L’euro a eu un cours élevé dès sa création (1 e = 6,55 F), calculé par rapport au mark ; ce qui a pénalisé et pénalise encore certains pays dans leurs exportations. Or les pays, dépossédés de leur souveraineté monétaire au profit de la BCE, ne peuvent plus, comme dans le passé, procéder à des dévaluations d’ajustement.

D’autre part, les créateurs de l’euro en attendaient une convergence des économies et donc promettaient qu’il serait facteur de croissance économique et créateur d’emplois. Ce n’est pas ce qui s’est produit dans tous les pays qui ont adopté l’euro. Et l’on a assisté à un dysfonctionnement grandissant du marché financier : les taux bas fixés alors par la BCE ont fait que les banques ont pu emprunter auprès d’elle très facilement.

Cinq ans après l’entrée en vigueur de l’euro, la crise financière née aux États-Unis a ajouté ses effets dévastateurs à des économies, pour nombre de pays de l’Union européenne, déjà perturbées par l’euro. C’est à cette époque que les critiques de l’euro se sont radicalisées, certains économistes et experts jugeant nécessaire que la France renonce à la monnaie unique et retrouve sa souveraineté monétaire. Ils rejoignaient là les rares économistes, tel Jean-Jacques Rosa, qui avaient été hostiles à l’établissement d’une monnaie unique dès le début des années 1990.

Des conséquences désastreuses

Le 17 mai 2010, Jean-Jacques Rosa et le banquier d’affaires Philippe Villin ont signé dans Le Figaro une tribune pour montrer les conséquences désastreuses d’une monnaie unique dans les pays de la zone euro :

« Au premier choc économique majeur, celui de 2007-2009, les économies nationales dissemblables de la zone, déjà affaiblies par des années d’euro trop cher, ont fortement divergé. Privées de la possibilité de dévaluer et de mener ainsi des politiques monétaires adaptées à leurs particularités, plusieurs d’entre elles ont eu recours à des déficits budgétaires massifs pour amortir les effets de la grande récession ».

En novembre 2011, même le gouvernement français a fait étudier, dans le plus grand secret, un plan de sortie de l’euro (le plan « Black Swan », cygne noir, révélé par François Baroin un an plus tard), en espérant qu’il n’aurait pas à le mettre en œuvre.

Aujourd’hui, les économistes critiques envers l’euro sont de plus en plus nombreux. Tous ne sont pas favorables à un abandon de l’euro et à un retour du franc, certains estiment que l’on pourrait garder l’euro comme monnaie commune tout en rétablissant le franc.

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