Notre collaborateur David Miège vient de publier un nouvel ouvrage sous le titre de L’Europe vagabonde (éditions Muller, 102 pages, 18€). Joseph Vebret en signe la postface et Philippe Maxence la préface que l’on trouvera ci-dessous.
C’est par l’entremise de Daniel Hamiche que j’ai fait naguère la connaissance de Miège dont j’avais pu voir les dessins dans plusieurs publications politiquement peu correctes et dans des recueils comme celui-ci. Depuis, Miège hante mon bureau une fois par semaine, mettant en avant ses camarades dessinateurs, me signalant un article intéressant, nourrissant ma rédaction de pains au chocolat, le tout enveloppé dans un bon bol d’air frais et des rires de bon aloi.
Seulement, Miège est habité d’un vrai défaut. Presque d’un handicap ! Difficile de lui dire, mais comment éviter d’en parler ? Comme je l’ai appris au fil du temps, Miège est en effet un garçon qui croit encore qu’il a besoin d’une préface pour présenter ses livres. Il faudrait quand même qu’il arrive à comprendre une fois pour toutes que si nous aimons retrouver ses dessins, entre arêtes de poissons et chat étonné, avec ce soupçon de poésie et de tranquillité qui les habitent, c’est qu’ils se suffisent à eux-mêmes. Définitivement !
D’autres l’ont d’ailleurs noté avant moi : Miège possède cette qualité rare d’être un dessinateur de presse engagé qui ne trempe jamais son pinceau dans le vinaigre du fiel. Il suffit, pour s’en rendre compte, de le comparer à nombre de ses confrères dessinateurs, d’une presse qui fait profession de tout souiller, jusqu’au plus sacré. Là, l’agressivité s’étale à pleine page et ne cesse d’appeler en renfort la pire des laideurs. Ce n’est pas une erreur de parcours, mais un véritable tic devenu une seconde nature.
Au contraire, chez l’ami Miège, le combat des idées est franc, direct. Il ne trompe ni son adversaire ni le lecteur heureux de passer un bon moment en sa compagnie. Mais ce combat de la plume et du pinceau n’abandonne jamais la subtilité de ceux qui ignorent le mépris. Redisons-le : Miège est un « chevalier-dessinateur », égaré dans un monde où l’honneur a perdu ses droits, où la fidélité est aussi variable que les engagements d’un spéculateur et où le respect ne s’adresse qu’aux puissants du jour.
« L’art est une chose normale et humaine comme marcher ou prier,
écrit Chesterton dans Hérétiques, mais dès l’instant que l’on commence à en parler solennellement on peut être à peu près sûr qu’il y a commencement de paralysie et une manière de difficulté. »
Si vous avez la chance de rencontrer Miège un jour dans un salon d’auteurs, vous vous apercevrez très vite que ce ton solennel des petits marquis à la mode n’est absolument pas le sien. Il faut dire qu’il n’est ni marquis ni à la mode, mais qu’il incarne, à sa manière, toute naturelle, la joyeuse spontanéité de celui qui est heureux dans son métier.
Ce côté, non pas démodé, mais en dehors du goût du jour, on le retrouve tout au long de ce recueil qui n’est qu’un immense clin d’œil artistique aux écrivains et aux livres préférés de notre ami. Le croira-t-on ? Un dessinateur cache souvent derrière son œuvre un jardin secret, peuplé de lectures passionnées et d’admirations tenaces. C’est une marque (non commerciale) de savoir-vivre que de ne pas l’étaler en permanence. C’est un signe de l’amitié que de le laisser transparaître de temps en temps. Vous pensiez avoir pris en main un simple recueil, presque un livre banal. Et vous êtes entrés d’un coup dans l’univers d’une amitié en acte. Tranquillisez-vous, vous êtes en bonne compagnie. En très bonne compagnie.