Pierre Durrande nous fait un retour sur la mise en scène originale de L’Iliade jouée au théâtre du Lurcenaire. Comment deux comédiens arrivent-ils à interpréter cette oeuvre si magistrale ? Vous pouvez encore aller les voir jusqu’au 4 février.
Il y a dans ce spectacle un effet de surprise indéniable. Comment deux comédiens peuvent-ils dans une succession ininterrompue incarner trente-cinq personnages avec la quasi-dextérité des jeux du cirque ? La réponse tient dans le choix original d’adaptation de ce monument poétique qu’est l’Iliade. La pièce est traitée à la manière d’un jeu d’enfants à l’âge où l’on s’invente des aventures plus rocambolesques et plus périlleuses les unes que les autres. À part qu’ici, les enfants, deux frères, ont bien grandi et que les aventures en question sont ni plus ni moins celles des héros de la guerre de Troie. Sans ce fil conducteur du temps, sans le grenier et les déguisements de leur propre enfance, l’adaptation ne serait pas à la hauteur de ce monument fondateur de toute la poésie occidentale. Il y a un côté farce joyeuse dans la manière dont ces deux frères se souvenant de l’Iliade jouent à en perdre haleine et aussi une façon de conjurer le temps après le décès de leur père. C’est l’intérêt de cette mise en scène, de ces choix, même si l’on peut regretter de ce fait une perte de la densité dramatique dans l’évocation des passions humaines et des hiérophanies de l’œuvre d’Homère. Le jeu des comédiens est acrobatique dans cette capacité de métamorphoses pour incarner de façon suggestive, sur la base d’un texte rigoureux, tous les personnages de cette épopée. Pour un peu, on irait bien se déguiser et jouer avec eux dans ce grenier enchanteur…
Théâtre du Lucernaire, 53, rue Notre-Dame-des-Champs, Paris VIe. Jusqu’au 4 février, du mardi au samedi à 18 h 30 et dimanche à 15 h. Rés. : 01 45 44 57 34.