Mai 1968 : ni célébration, ni commémoration

Publié le 17 Mai 2018
Mai 1968 : ni célébration, ni commémoration L'Homme Nouveau

La guerre des mots 

À l’occasion du centenaire de la naissance de l’écrivain et penseur nationaliste Charles Maurras, dont le nom a été retiré du Livre des Commémorations nationales 2018 par le ministre de la Culture, Françoise Nyssen, une guerre de mots s’était très vite déclenchée. Commémorer revenait-il à célébrer et à rendre hommage à une personne ou à une œuvre ? La réponse n’a été unanime ni du côté des historiens ni de celui des grammairiens. À vrai dire, elle ne peut pas l’être dans une République idéologisée, dont l’acte de naissance repose sur le refus du réel et la réécriture permanente de ce que sont l’homme et la société. 

Mais pourquoi, dira-t-on, revenir sur cette querelle ? Simplement, pour souligner, qu’il s’agisse de commémorer (au simple sens de se souvenir) ou de célébrer (rendre hommage), nous entendons nous abstenir des deux concernant un autre anniversaire, celui de la Révolution de Mai 68. 

La guerre des maux 

Cinquante ans après, le constat est en effet double. La littérature est abondante concernant les évènements de Mai 68. Les souvenirs voisinent en l’espèce avec les analyses, les « anciens combattants » avec les tentatives de bilan. Mais, quelle que soit la qualité intrinsèque de ces ouvrages, il semble que l’on continue à ne pas saisir le caractère ambivalent de Mai 68. Comme dans une pièce de monnaie, la Révolution, dont Daniel Cohn-Bendit et ses camarades furent les acteurs, contient en effet deux faces. 

La première, la plus visible, est la contestation de l’ordre bourgeois de la fin des années soixante, par des jeunes généralement issus des classes sociales aisées, dans un contexte de société d’abondance. Tout a été dit et décrit à ce sujet. Travaillés au préalable par les idées révolutionnaires, délivrés du risque de mourir à brève échéance (la guerre d’Algérie s’est terminée officiellement en 1962 et la Guerre froide engendre le syndrome de « plutôt rouge que mort »), ils voulaient en finir avec le carcan de leurs aînés. S’ils aspiraient à une révolution de type marxiste (l’union de « Marx, Mao et Marcuse », soulignée par Marcel Clément dans son livre Le Communiste face à Dieu), ils portaient aussi en eux, au moins à la base, des aspirations justes : un retour à une vie sociale moins conventionnelle et plus vraie, un refus de la société de consommation et de la réduction de l’homme à la machine, la contestation d’une morale sans finalité, etc. Ils croyaient mettre en cause le vieux monde chrétien, ils contestaient en fait un ordre kantien issu tout droit des Lumières. 

L’angle mort 

Ce dernier point, véritable angle mort de Mai 68, constitue d’ailleurs la seconde face de cette mauvaise monnaie. Il explique notamment la suite des évènements. L’unité idéologique de la Révolution (la remise en cause de l’ordre naturel et divin dans ses incarnations humaines) est telle qu’une fois la vieille grille de lecture marxiste remisée au placard, les conséquences civilisationnelles de 1968 pouvaient être récupérées dans le grand ensemble libéral et mondialiste. En vieillissant, le libertaire soixante-huitard a perdu une partie de son acné marxisante pour endosser le costume libéral. Point besoin de complot, ni d’homme qui tire les ficelles. Simplement la succession logique des enchaînements idéologiques. Mai 68, c’est au fond la phase tardive et l’accélération fiévreuse de la modernité, essentiellement conçue comme une remise en cause permanente de l’ordre naturel et chrétien. 

Un monde humain et chrétien à rebâtir 

Les anti-Mai 68, parfois d’anciens révolutionnaires repentis, sont assez nombreux aujourd’hui. Ces nouveaux conservateurs, comme ils se baptisent eux-mêmes le plus souvent, se trouvent paradoxalement dans une situation proche de leurs aînés d’il y a cinquante ans. Ils aspirent en partie à des choses justes. Mais là où les soixante-huitards contestaient en fait la morale kantienne issue des Lumières en croyant remettre en cause la morale chrétienne (et Dieu avec), ils entendent, eux, conserver cette dernière mais dans un cadre né de la modernité. L’impasse, quoique d’un genre différent, risque d’être la même. 

Chrétiens, nous le savons : les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre l’Église. L’espérance est donc chrétien­ne. Déjà en 1952, Pie XII avait indi­qué la voie : « C’est tout un monde qu’il faut refaire, depuis les fonda­tions ; de sauvage, il faut le rendre humain, d’humain le rendre divin, c’est-à-dire selon le cœur de Dieu. » Y croyons-nous ? Et, le croyant, le voulons-nous ?

Ce contenu pourrait vous intéresser

Éditorial

Ne pas se résigner !  

Éditorial de Philippe Maxence | À l’heure où nous nous apprêtons à reprendre des forces après l’épuisement de l’année, il nous faut non seulement prier pour le Pape et l’Église, mais également prendre la résolution ferme et constante de ne jamais nous résigner à la diminution de la foi, à la perte de l’espérance et au refroidissement de la charité.

+

enfant tablette NadineDoerle résigner
Éditorial

Des paroles et des actes

L'Éditorial du Père Danziec | Il n’y a pas que la noblesse qui oblige. L’Église oblige par la vérité dont elle est la gardienne. Ce trésor, à saisir et à communiquer, doit d’abord être reçu et assimilé. Contre la dictature du relativisme et le poison de l’indifférentisme religieux, intégrer que Notre-Seigneur est la Voie, la Vérité et la Vie relève d’une impérieuse nécessité. Spécialement pour la jeunesse !

+

Sv Petr Vatican statues 1 résigner
Éditorial

Un pontificat qui commence

Éditorial de Maitena Urbistondoy | Léon XIV, en se plaçant dans la filiation de Léon XIII, s’inscrit dans un héritage doctrinal clair auquel beaucoup de fidèles aspirent. À l’heure où l’euthanasie est sur le point d’être légalisée en France, où le nom du Christ est refoulé dans la sphère privée, l’unité des catholiques devient urgente. Une unité non pas simplement ecclésiale, mais aussi politique. Ce n’est pas par compromission que l’Église a formé l’Europe, mais par sa foi. C’est cette foi qui a adouci les mœurs et élevé les institutions.

+

Léon XIV pontificat
Éditorial

Loi naturelle et politique selon saint Thomas d’Aquin

L'essentiel de Joël Hautebert | Alors que le débat sur l’euthanasie illustre une fois de plus la rupture croissante entre droit positif et loi naturelle, l’ouvrage de don Jean-Rémi Lanavère (csm) sur saint Thomas d’Aquin rappelle que la loi politique, loin de s’opposer par principe à la loi naturelle, en est l’expression concrète. Une invitation à redécouvrir le rôle structurant de la politique dans l’ordre moral.

+

Pour saint Thomas d’Aquin, la politique doit découler de la loi naturelle.
Éditorial

Le Christ et l’Église, mariés pour la vie

L'éditorial du Père Danziec | L’Église, c’est elle qui nous sauve et non pas qui que ce soit qui se trouverait en mesure de sauver l’Église. On ne sauve pas l’Église, on la sert. De tout son cœur et de toute son âme. On ne change pas l’Église, on la reçoit. Intégralement et sans accommodement de circonstance. Tout le mystère de l’Église gît dans l’équation et la convertibilité de ces deux termes : le Christ et l’Église. Ainsi, la formule « Hors de l’Église, point de salut» ne signifie réellement pas autre chose que : « Hors du Christ, point de salut ».

+

christ et église
ÉditorialFrançois

Notre quinzaine : que demandez-vous à Dieu ?  

Éditorial de Philippe Maxence | La nouvelle du décès de François n’a surpris personne. Depuis plusieurs mois, nous savions qu’il était malade et qu’il pouvait, d’un moment à l’autre, rendre son âme à Dieu. En attendant de pouvoir en faire un bilan, nous devons d’abord prier pour le repos de l’âme de François ainsi que pour l'Église.

+

dieu