« Et les fesses de Dieu ! On ne voit qu’elles ! Roses, joufflues, dodues ! On les voit tellement que les gens n’oseront même pas les regarder ! »
Avec le recul du temps, il est parfois bien étrange de se retrouver dans des univers qui ne sont plus les nôtres, même si les hommes qui les traversent nous renvoient à ces constantes de l’humain qui, elles, n’ont pas d’époque. C’est bien le cas dans cette pièce étonnante qui retrace dans le contexte de la papauté du tout début du XVIe siècle la réalisation par Michel-Ange du plafond de la chapelle Sixtine.
La commande lui a été faite par le pape Jules II, pape qui ne brilla pas par son souci de la sainteté, mais plus par son désir de puissance et de grandeur. Nous ne sommes pas au théâtre pour juger, même si pour des croyants le contraste avec la sainteté de si nombreux pontifes est ici fort saisissant. Il n’empêche que nous devons à Jules II l’un des chefs-d’œuvre de l’histoire de l’Art, ce plafond étonnant de la Sixtine, lieu du conclave dont tant de papes sont sortis élus. Michel-Ange est un esprit profondément religieux animé par le désir de rendre gloire à Dieu. Dans cette œuvre majestueuse, laquelle contrairement à la commande initiale du Pape qui voulait la représentation des douze Apôtres, il va représenter neuf scènes de la Genèse et illustrer la longue attente des ancêtres du Christ. La pièce est une confrontation âpre entre ces deux hommes que tout sépare, mais qui ont en commun une ferme détermination à poursuivre coûte que coûte les buts qu’ils se sont fixés. Jules II se préoccupe de politique, fait la guerre, mais est en même temps un grand mécène. Michel-Ange exècre les honneurs, est d’une nature associable, mais a besoin d’argent. C’est un défi pour ce sculpteur de génie de se transformer en peintre. Ne supportant pas d’être aidé en dehors de son fidèle assistant Mattéo, il mène un combat titanesque avec lui-même et avec les éléments pour arriver à réaliser ce chef-d’œuvre. Il convient de laisser aux historiens le soin d’examiner l’historicité des échanges entre ces deux personnages. On peut regretter en particulier quelques débordements verbaux qui ne rajoutent rien à la force de leur débat. Mais il faut reconnaître, d’un point de vue dramaturgique, à cette pièce une puissance d’expression et d’émotion saisissante. Le silence habité induit chez les spectateurs en est un signe manifeste. Cela est dû principalement à ces trois comédiens remarquables que sont Jean-Paul Bordes ( Michel-Ange), François Siener (Jules II)et Jean-Paul Comart ( Mattéo) et à une très belle mise en scène. Un bijou de théâtre !
Théâtre 14, 20, av. Marc Sangnier, Paris XIVe, jusqu’au 24 février. Le lundi à 19 h, mardi, mercredi, jeudi, vendredi à 20 h 45, matinée samedi à 16 h. Rés. : 01 45 45 49 77.