Nocturnal monastique : pour prier la nuit avec les moines

Publié le 18 Fév 2023

Les moines prient sept fois le jour et une fois la nuit.

Les éditions Sainte-Madeleine viennent de publier un Nocturnal monastique, destiné à ceux qui souhaitent s’unir à l’office de nuit des moines. Comprenant tout l’office des Matines dans une traduction originale, ce Nocturnal façonnera moines, religieux mais aussi laïcs sous la conduite des témoins de la tradition chrétienne.

Les éditions Sainte-Madeleine viennent de publier un Nocturnal monastique en trois volumes. Mais qu’est-ce qu’un nocturnal exactement ?

C’est un livre liturgique qui permet de suivre l’office de la nuit. Nocturnus, en latin, signifie : « ce qui se fait la nuit ». Le mot « nocturnal » désigne donc l’office de nuit, soit les « vigiles » ou les « matines ». Il complète le Diurnal, qui comprend les offices du jour, diurnus, en latin, signifiant : « ce qui se fait pendant le jour ».

À qui s’adresse ce Nocturnal monastique ?

Aux moines d’abord, bien sûr, mais aussi à tous ceux qui veulent s’unir, chacun à l’heure qui lui convient, à cette magnifique prière que nous psalmodions à 3 h 30 du matin.

Pourquoi prier aussi longuement la nuit ?

Dom Romain Banquet a dit : « La nuit avec ses ténèbres, son silence et ce charme pur et secret qui vient d’en haut, n’est pas principalement pour le sommeil, mais surtout pour favoriser les mystérieux rapports de Dieu avec les âmes… » Le lever de nuit s’identifie avec les commen­cements de la vie monasti­que. Saint Luc rapporte que Notre-Seigneur passait déjà ses nuits en prière. Et dès les Actes des apôtres, Paul et Silas en prison se lèvent au milieu de la nuit pour chanter des psaumes, au grand étonnement de leurs gardiens. D’autres raisons jouent. Beaucoup de malades, pour qui la nuit est interminable, sont réconfortés par la pensée de la prière des moines. N’est-il pas très utile de veiller sur ces détresses, ces angoisses nocturnes, dont on ne peut avoir une idée ? Enfin, à l’heure de nuit, où une marée noire de luxure déferle sur le monde, il faut que des chrétiens fidèles se tiennent en intercesseurs et prient pour le salut de leurs frères.

Mais le Bréviaire n’est-il pas réservé aux prêtres et aux religieux ?

Certes non. Le Bréviaire est d’obligation pour ceux qui ont reçu la très haute mission de rendre à Dieu ce culte de louange et de supplication, mais il n’est nullement interdit aux autres chrétiens de se joindre à eux, bien au contraire. C’est la prière officielle de l’Église à laquelle tout chrétien est cordialement invité à s’unir. Sans obligation bien sûr pour les laïcs, ni exclusive pour ceux qui se sentent attirés par une prière plus intérieure, comme l’oraison…

Comment s’articule l’office de matines ?

Dans l’Office monastique, il est composé de deux ou trois nocturnes. Les deux premiers comprennent six psaumes chacun. Le troisième nocturne, récité seulement les dimanches et jours de fête, compte trois cantiques. Ce nombre de douze psaumes, auquel saint Benoît est très attaché, vient des moines d’Égypte par l’intermédiaire de l’abbé de Marseille, saint Jean Cassien. Outre les psaumes, l’office comprend des lectures de la Sainte Écriture et des Pères de l’Église (entre trois et douze selon le degré de solennité) et, les jours de fête, le Te Deum et l’évangile du jour.

Les « leçons » que l’on retrouve chaque jour à l’Office et qui contiennent notamment des textes des Pères sont-elles partie intégrante de la prière ou sont-elles destinées d’abord à l’enseignement ?

Elles sont à la fois prière et enseignement. Entrecoupées de répons, ces lectures sont prises dans le mouvement de la prière. Elles donnent le goût de la Bible et des Pères, mais procurent aussi une solide formation chrétienne.

Combien de temps a-t-il fallu pour réaliser le Nocturnal ? Ce dernier a-t-il mobilisé plusieurs personnes pour sa réalisation ?

Le travail a duré neuf ans, pas à plein temps bien sûr. Nous avons d’abord dû informatiser tout le texte latin, puis réaliser la traduction en français. Le texte des psaumes qui en constitue la partie principale a demandé beaucoup de temps. Enfin la mise en page soignée des trois tomes, qui en fait un livre relativement facile et agréable à utiliser, nous a donné bien de l’ouvrage. Au moins quatre moines et un laïc ont uni leurs forces dans cet ouvrage.

La traduction du latin au français des psaumes et des différentes « leçons » a-t-elle été réalisée spécifiquement pour cette édition ?

Oui, c’est une traduction nouvelle des psaumes, qui vise la fidélité au latin en même temps que la clarté. Quant aux leçons et aux répons, ils n’avaient jamais fait l’objet d’une traduction intégrale. Nous n’avons pas cherché à faire œuvre scientifique ou critique, mais simplement à apporter une aide à la compréhension de l’Office.

Vous précisez également en introduction que cette traduction « n’est pas faite pour être proclamée ». Pour quelle raison ?

Ce n’est pas une version liturgique officielle. Le but de la traduction n’est pas de remplacer le latin, mais d’aider à sa récitation, en donnant le sens des mots. Nous ne désirons pas encourager la récitation en français.

Mais alors pourquoi avoir fourni une traduction en français ?

À une heure aussi matinale de la nuit, plusieurs ont du mal à fixer leur attention sur un texte latin. Pendant la psalmodie, chaque chœur ne chante qu’un verset sur deux. Pendant le verset non chanté, on peut « raccrocher » au texte grâce au français. Il en est de même pendant les lectures proclamées en latin. Le livre peut aussi servir à préparer son office, comme le recommande d’ailleurs saint Benoît…

Réalisé par les éditions Sainte-Madeleine, ce Nocturnal semble destiné uniquement aux proches des abbayes du Barroux et de La Garde alors même que des abbayes bénédictines d’autres congrégations, et donc avec un calendrier différent, utilisent le bréviaire monastique traditionnel. N’aurait-il pas été possible de réaliser un ouvrage pouvant être utilisé par tous ?

Si on veut un livre liturgique utilisable par tous, au final il n’est utilisable par personne… à moins d’avoir des propres, des suppléments, des livrets à part, et tout un tas de particularités à insérer ! Une version propre aux abbayes de Fontgombault et de ses filles est en cours. Du reste, on retrouve dans notre Nocturnal la plus grande partie du bréviaire monastique de 1963, celui qui nous sert de référence. Il comporte cependant quelques fêtes qui nous sont propres mais aussi les textes de fêtes pour lesquelles nous avons gardé un degré de solennité supérieur, comme par exemple celles des vierges martyres sainte Cécile, sainte Lucie ou sainte Agathe que nous célébrons toujours avec les trois nocturnes et les douze leçons.

 

nocturnal nocturnal

Ce Nocturnal constitue un très bel ouvrage, d’une magnifique facture mais qui tranche par son volume avec le Diurnal monastique des mêmes éditions Sainte-Madeleine. Ce dernier peut s’emporter aisément ; cela ne semble pas le cas pour le Nocturnal.

La raison en est simple : l’office de nuit représente une toute autre ampleur que celui du jour. Le livre est conçu d’ailleurs avant tout pour la récitation au chœur ou à la maison. D’ailleurs, chaque tome couvre un tiers de l’année liturgique.

Quand on s’absente, on ne prend qu’un tome à la fois ou même un bréviaire de voyage.

D’un point de vue tout à fait pratique, les trois volumes du Nocturnal peuvent-ils s’acquérir séparément ?

Non, ils forment un tout indissociable qui ne peut être vendu séparément !

Pour finir, dans quel état d’esprit faut-il utiliser ce Nocturnal ?

Il ne faut pas y chercher le dernier mot de l’exégèse biblique, ou de la vérité hagiographique. Les leçons « historiques » sur la vie des saints sont là pour nourrir notre piété pas notre esprit critique. C’est la prière de l’Église, sa prière officielle depuis plusieurs siècles en usage dans les monastères bénédictins. On y va comme un enfant qui va apprendre sa leçon, des leçons de vie et d’éternité. C’est parfois difficile. Il ne faut pas chercher un effet immédiat ! Le livre devient le compagnon d’une recherche de Dieu persévérante et détendue, sous la conduite des meilleurs témoins de la tradition chrétienne : la Vulgate, les Pères, les saints de chrétienté. En reprenant ces psaumes, ces hymnes et ces lectures chaque nuit pendant de longues années, on les apprivoise, ils nous façonnent, ils nous transforment tout doucement…

 

Pour acheter le Nocturnal : se rendre ici.

Propos recueillis par Philippe Maxence

Ce contenu pourrait vous intéresser

Culture

Un chrétien qui chante : Patrice Martineau, amoureux de la France

Initiatives chrétiennes | À l’occasion de la sortie de son dernier album, Ô ma France, le chanteur et compositeur Patrice Martineau raconte son inspiration, sa foi, sa défense de la Vie et son amour de la patrie. Des thèmes qu’il peut exalter grâce à l’héritage inouï de l’incomparable langue française. Entretien. 

+

patrice Martineau CD