Notre quinzaine : À la manière de Péguy, voir ce que l’on voit…

Publié le 12 Nov 2021
Notre quinzaine : À la manière de Péguy, voir ce que l’on voit… L'Homme Nouveau

Alors que nous approchons à grands pas de la fête de Noël, une question s’invite dans le quotidien des catholiques français. Y a-t-il encore une place pour le catholicisme dans notre pays ? L’historien Guillaume Cuchet pose la question d’une manière un peu différente en titre de son dernier livre : Le catholicisme a-t-il encore de l’avenir en France ?

Quoi qu’il en soit de la forme de la question, ce qui était hier encore une évidence n’apparaît plus du tout aujourd’hui comme une certitude. Les mœurs de la majorité des Français ne sont plus façonnées par le christianisme. Leurs modes de vie, leurs références, leurs modèles, leurs réflexes se trouvent ailleurs. La question des abus sexuels n’améliore évidemment en rien cette situation. Pourtant, il y a quelques décennies, ces mêmes Français rencontraient encore l’Église à leur naissance (baptême) et à leur mort (funérailles). Ils avaient encore un rapport avec elle pour la première communion. Et s’ils décrochaient souvent après la profession de foi, ils la retrouvaient le temps du mariage.

Cette structuration du parcours social de la foi semble avoir explosé. Guillaume Cuchet le montre dans son dernier essai. D’autres auteurs le décrivent, comme Jérôme Fourquet de l’Ifop, chiffres à l’appui, dans ses récents ouvrages, L’Archipel français (Le Seuil) et En immersion (Le Seuil). La philosophe Chantal Delsol se plaît, elle, à proclamer « la fin de la chrétienté », selon le titre de son dernier livre (Le Cerf). Faut-il répondre pour autant comme une autre philosophe, Aline Lizotte, sur son site « Smart Reading Press » que « les réflexions de Guillaume Cuchet et de Chantal Delsol ne sont en fait que des redondances » ?

Peut-être ? Il est vrai que la proclamation de la fin du christianisme n’est pas nouvelle. Nietzsche avait annoncé son épuisement et même clamé la mort de Dieu. Il est vrai également que le christianisme aurait pu sombrer à plusieurs reprises et ce, dès la mort du Christ. Je me permets à ce sujet de renvoyer au livre de Didier Rance au titre si évocateur, L’Église peut-elle disparaître ? (Mame) qui aborde ces différents moments historiques.

Prendre la mesure du réel

Reste que si les antécédents historiques et la certitude surnaturelle se conjuguent pour affirmer la continuité de l’Église et de la foi chrétienne, rien n’empêche d’essayer de prendre la mesure la plus précise possible de la situation actuelle. Celle-ci se caractérise par le fait que le catholicisme est devenu comme un corps étranger pour nombre de nos contemporains. Pour tenter de saisir ce phénomène, nous avons invité Guillaume Cuchet et Yvon Tranvouez, auteur de L’Ivresse et le Vertige (Artège) – un livre très intéressant que j’ai déjà évoqué rapidement ici. Si le premier porte son analyse principale­ment sur les manifestations actuelles de la désappropriation du catholicisme, le second s’intéresse à différents faits s’inscrivant dans le contexte de Vatican II et de Mai 68. Auprès d’eux nous ne sommes allés chercher ni des vérités de foi ni des solutions mais plutôt des éléments d’appréciation d’une situation qui s’ancre dans un passé récent qui ne peut être révoqué d’un simple geste de la main. Venus d’horizons différents du nôtre, ils ont accepté de se prêter à cet échange, réalisé en toute liberté. Je tiens ici à les remercier sincèrement de nous avoir accordé leur temps et leur réflexion. À chacun de nos lecteurs maintenant de s’en nourrir.

Vivre de la foi, de l’espérance et de la charité

La logique de notre démarche s’appuie sur l’exigence de Péguy : « Il faut toujours dire ce que l’on voit : surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit. » (Notre Jeunesse). On rétorquera que les propos rapportés reposent sur un fond bien pessimiste. Mais là aussi, là encore, pourrait-on se défaire une fois pour toutes de ces catégories séculières inopérantes ? Un chrétien, un simple chrétien comme nous le sommes, ne vit pas d’optimisme ou de pessimisme. Il ne vient pas chercher d’abord auprès de l’Église un réconfort psychologique et sensible, à coups de chants et de farandoles.

Un chrétien, un simple chrétien comme nous le sommes tous, demande à l’Église la foi, pleine et entière. Il n’attend pas autre chose, ou alors, par surcroît. Et il ne vit donc pas d’optimisme ou de pessimisme ou de la palette des impressions psychologiques qui forment l’entre-deux. Il vit ou doit vivre de la foi, de l’espérance et de la charité. Si l’on veut qu’il y ait un avenir pour le catholicisme en France, on ne pourra faire l’économie, sur le plan naturel, d’un bilan intellectuel des raisons du désastre actuel, tout en proposant la foi chrétienne dans sa totalité.

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneÉditorial

Loi naturelle et politique selon saint Thomas d’Aquin

L'essentiel de Joël Hautebert | Alors que le débat sur l’euthanasie illustre une fois de plus la rupture croissante entre droit positif et loi naturelle, l’ouvrage de don Jean-Rémi Lanavère (csm) sur saint Thomas d’Aquin rappelle que la loi politique, loin de s’opposer par principe à la loi naturelle, en est l’expression concrète. Une invitation à redécouvrir le rôle structurant de la politique dans l’ordre moral.

+

Pour saint Thomas d’Aquin, la politique doit découler de la loi naturelle.
À la uneÉditorial

Le Christ et l’Église, mariés pour la vie

L'éditorial du Père Danziec | L’Église, c’est elle qui nous sauve et non pas qui que ce soit qui se trouverait en mesure de sauver l’Église. On ne sauve pas l’Église, on la sert. De tout son cœur et de toute son âme. On ne change pas l’Église, on la reçoit. Intégralement et sans accommodement de circonstance. Tout le mystère de l’Église gît dans l’équation et la convertibilité de ces deux termes : le Christ et l’Église. Ainsi, la formule « Hors de l’Église, point de salut» ne signifie réellement pas autre chose que : « Hors du Christ, point de salut ».

+

christ et église
ÉditorialFrançois

Notre quinzaine : que demandez-vous à Dieu ?  

Éditorial de Philippe Maxence | La nouvelle du décès de François n’a surpris personne. Depuis plusieurs mois, nous savions qu’il était malade et qu’il pouvait, d’un moment à l’autre, rendre son âme à Dieu. En attendant de pouvoir en faire un bilan, nous devons d’abord prier pour le repos de l’âme de François ainsi que pour l'Église.

+

dieu
Éditorial

À quoi sert la politique ?

L’Éditorial du Père Danziec | Il est une exigence à laquelle doit répondre la politique et qui échappe parfois à ceux-là mêmes qui devraient l’enseigner dans l’Église : la politique se doit d’aider les hommes à atteindre leur fin. L’organisation idéale de la cité sera celle qui, à sa place, favorisera l’amour des vertus et le service de la vérité, dans le but du salut des âmes.

+

politique
Éditorial

Libérer la vérité

L'Éditorial de Maitena Urbistondoy | Le catholicisme semble avoir trouvé un nouveau souffle… sur les réseaux sociaux ! Beaucoup de catholiques s’emparent de ces outils pour évangéliser. L'intention est bonne, mais la vie privée devient un contenu monétisable, est-ce bien prudent ? Nous confondons prudence et stratégie, vérité et popularité, communication et mission. Nous croyons faire œuvre d’apostolat, alors que nous participons parfois à la dissolution du sens.

+

libérer la vérité
ÉditorialCarême

Le bon Dieu en haut-débit

Éditorial du Père Danziec | Le monde a beau vivre des mutations diverses et variées depuis son origine, le mystère du Calvaire, telle une ancre stabilisatrice, s’offre aux hommes pour les guérir de leurs agitations parfois contradictoires. La croix est arche du Salut et instrument de notre Rédemption.

+

Chartreuse débit dieu carême