Notre quinzaine : Après Traditionis Custodes…

Publié le 30 Juil 2021
Entretien avec Jean-Pierre Maugendre, organisateur du colloque « Quel avenir pour la messe traditionnelle ? » qui se tiendra le 23 septembre 2023.

Le mois de juillet aura été celui d’un profond bouleversement. Par le motu proprio Traditionis Custodes (16 juillet 2021), le pape François a annulé l’esprit et les dispositions pratiques de Summorum Pontificum de Benoît XVI (voir ici et ici). Que stipulait ce texte de 2007 ? Voulant mettre un terme à des décennies de guerre liturgique, Benoît XVI avait rappelé que l’ancien missel n’avait jamais été abrogé et qu’il existait donc deux formes – l’une ordinaire (missel de 1969), l’autre extraordinaire (missel de 1962) – du seul rite romain. Il organisait aussi les aspects pratiques de la coexistence des deux missels. Jamais, à aucun moment, la forme dite extraordinaire n’avait été rendue obligatoire et la très grande majorité des catholiques avait continué à fréquenter la forme ordinaire. En revanche, petit à petit, des communautés cléricales spécialisées dans la célébration de la forme extraordinaire et de tout ce qui l’accompagne (pédagogies traditionnelles, catéchisme, scoutisme, etc.) s’étaient développées, attirant un nombre non négligeable de vocations.

Cette réalité est donc profondément remise en cause. François affirme qu’il n’existe qu’une forme du rite romain – le missel de Paul VI – et il gèle tout développement des lieux de culte célébrant dans la forme extraordinaire (interdiction de nouvelles paroisses dites personnelles, interdiction de célébrer dans les paroisses territoriales, etc.). Il remet à la discrétion des évêques le soin de gérer l’héritage antérieur au regard des nécessités pastorales.

Raisons et paradoxes

Il n’est un secret pour personne que ce texte a été perçu comme extrêmement dur. Même en dehors des milieux concernés, de nombreuses voix se sont élevées pour dire leur incompréhension et ce jusqu’à l’extérieur de l’Église. Le cas le plus emblématique étant certainement celui du philosophe athée Michel Onfray publiant dans Le Figaro une tribune montrant la portée profonde de cette décision, non seulement pour l’Église mais pour la civilisation et la culture. Un certain nombre d’évêques ont par ailleurs manifesté leur souci pastoral en indiquant qu’ils conservaient leur confiance aux prêtres célébrant la forme extraordinaire et qu’ils maintiendraient la situation antérieure.

Si le pape François a pris une telle décision, c’est qu’il estime qu’il y a un risque de constitution d’une Église parallèle et une remise en cause croissante de Vatican?II. Soulignons toutefois que ces mesures ne concernent pourtant pas la Fraternité Saint-Pie X fondée par Mgr Lefebvre, à laquelle François a accordé un tel nombre d’autorisations qu’elle se trouve de fait comme reconnue au sein de l’Église. Or, c’est en son sein que continue d’être portée une critique constante de Vatican II. La sévérité à l’égard des catholiques à l’intérieur des structures ecclésiales et la modération à l’égard de ceux qui sont à l’extérieur ne laissent pas d’interroger.

Fin de la paix liturgique ?

Le motu proprio de François arrive au bout de quatorze ans d’existence de Summorum Pontificum. Quatorze ans, seulement ! C’est oublier que les guerres civiles, et plus encore les guerres civiles religieuses, sont extrêmement longues à cicatriser. Il y faut plusieurs générations. En un mot, il aurait fallu laisser du temps au temps comme disait François Mitterrand, là où la précipitation risque d’être une mauvaise conseillère.

Nous pourrions croire que seule une partie de l’Église est concernée. Ce n’est pas le cas ! D’abord parce qu’il s’agit d’un acte universel du souverain pontife. Ensuite parce que Benoît XVI avait rendu à la liturgie romaine classique son rang de bien commun alors qu’elle était devenue de fait le bien d’une partie seulement. Enfin parce que des questions doctrinales se posent. Si, contrairement à ce que pensait Benoît XVI, la messe traditionnelle ne peut être la lex orandi (la loi de la prière) de Vatican II, à l’instar de la messe de Paul VI, alors ceux qui critiquent ce concile comme une rupture radicale avec la Tradition se trouvent fondés dans leur approche. Nous sommes donc dans une situation qui remet en cause non seulement Summorum Pontificum de Benoît?XVI mais aussi son discours de décembre 2005 sur les deux herméneutiques. Loin de sortir de la crise doctrinale, nous nous y enfonçons. Et cette situation concerne tous les catholiques, pratiquants ou non de la forme extraordinaire. L’heure est donc à la prière pour le pape, les évêques et la paix surnaturelle entre catholiques.

Ce contenu pourrait vous intéresser

ÉditorialFrançois

Notre quinzaine : que demandez-vous à Dieu ?  

Éditorial de Philippe Maxence | La nouvelle du décès de François n’a surpris personne. Depuis plusieurs mois, nous savions qu’il était malade et qu’il pouvait, d’un moment à l’autre, rendre son âme à Dieu. En attendant de pouvoir en faire un bilan, nous devons d’abord prier pour le repos de l’âme de François ainsi que pour l'Église.

+

dieu
Éditorial

À quoi sert la politique ?

L’Éditorial du Père Danziec | Il est une exigence à laquelle doit répondre la politique et qui échappe parfois à ceux-là mêmes qui devraient l’enseigner dans l’Église : la politique se doit d’aider les hommes à atteindre leur fin. L’organisation idéale de la cité sera celle qui, à sa place, favorisera l’amour des vertus et le service de la vérité, dans le but du salut des âmes.

+

politique
Éditorial

Libérer la vérité

L'Éditorial de Maitena Urbistondoy | Le catholicisme semble avoir trouvé un nouveau souffle… sur les réseaux sociaux ! Beaucoup de catholiques s’emparent de ces outils pour évangéliser. L'intention est bonne, mais la vie privée devient un contenu monétisable, est-ce bien prudent ? Nous confondons prudence et stratégie, vérité et popularité, communication et mission. Nous croyons faire œuvre d’apostolat, alors que nous participons parfois à la dissolution du sens.

+

libérer la vérité
ÉditorialCarême

Le bon Dieu en haut-débit

Éditorial du Père Danziec | Le monde a beau vivre des mutations diverses et variées depuis son origine, le mystère du Calvaire, telle une ancre stabilisatrice, s’offre aux hommes pour les guérir de leurs agitations parfois contradictoires. La croix est arche du Salut et instrument de notre Rédemption.

+

Chartreuse débit dieu carême
Éditorial

Notre quinzaine : Quelle révolution américaine ?

Éditorial de Philippe Maxence | S’il est bien sûr encore trop tôt pour mesurer l’impact exact de la « révolution » Trump, force est de constater que les lignes ont commencé à bouger. La visite en Europe du vice-président J. D. Vance, en février dernier, a marqué les esprits. Elle a aussi profondément agité la tranquillité suffisante de la nomenklatura européenne.

+

révolution Vance
Éditorial

Poser un regard chrétien sur l’actualité

Éditorial du Père Danziec | Dans le monde, le chrétien est amené à poser un regard chrétien sur ce qui se passe. Ce qui distingue les catholiques d’hier et d’aujourd’hui d’avec le monde réside dans ce triple regard de Foi, d’Espérance et de Charité qu’ils posent sur les évènements.

+

Poser un regard chrétien sur l'actualité