Pour la troisième fois, nous publions un numéro de L’Homme Nouveau alors que la France et une grande partie du monde se trouvent confinées, l’activité économique sérieusement ralentie – et nos églises et les sacrements hors de portée. Cette situation porte aussi avec elle une forme de violence. Il ne s’agit pas ici d’abord de celle liée au Covid-19, mais d’une violence plus sournoise, plus corrosive, qui délite l’âme, obscurcit la vision, défait les liens sociaux et enferme les catholiques dans leurs maisons, en les soumettant jusque dans le culte à rendre à Dieu aux hasards et aux griffes de la technologie.
Sortir du confinement moral et intellectuel
S’il est impossible de prédire l’avenir, il est clair, en revanche, qu’il nous faut tous le préparer. Depuis le début du confinement, nous le disons sur notre site Internet ou dans nos « lettres de confinement »1 : « Demain se prépare aujourd’hui. » Au-delà de la formule, qui pourrait laisser penser à un mauvais slogan électoral, l’idée est de réaffirmer notre vocation qui consiste à donner des clefs de compréhension du monde qui nous entoure, puisées dans les principes de l’enseignement permanent de l’Église et dans les trésors de la philosophie réaliste et classique.
Par quels biais cette préparation peut-elle se faire ? Trois autres formules permettent également d’en donner une idée : « dépister le mensonge » ; « se décontaminer intellectuellement et moralement » et, enfin, « sortir du confinement moral et intellectuel ». Tous ces éléments impliquent par-dessus tout de faire reposer notre existence sur une vie de prière ainsi que sur un effort de réflexion associé à la maîtrise de notre sensibilité. Dans un contexte aussi difficile et avec des perspectives d’avenir a priori peu réjouissantes, il est en effet tentant de consentir au découragement, au laisser-aller, ou encore de sur-réagir constamment contre des événements que l’on ne maîtrise pas ou de se perdre dans la distraction permanente.
Au regard de ce dernier aspect, la chaîne Netflix, par exemple, s’est vue saluer comme une véritable bouée de secours en période de confinement. De même, le 7 avril, le lancement de Disney?+ sur la chaîne cryptée Canal?+ a non seulement entravé le bon fonctionnement de cette dernière en raison d’une demande trop importante, mais a conduit à une avalanche de plaintes d’utilisateurs privés de leurs distractions.
L’Homme aboli
On sait depuis longtemps que « le pain et les jeux » sont un moyen de contrôler les masses 2. En situation de crise, il est en effet tentant de vouloir anesthésier les intelligences et les volontés. C’est d’ailleurs une pente obligée de la philosophie moderne qui régit nos sociétés et qui ne reconnaît au final que le règne de l’individu. Le sociologue allemand Friedrich H. Tenbruck, dans l’essai que nous avons publié en 2017, a montré qu’après avoir contrôlé la nature par la physique, puis la société par la sociologie, il ne restait plus qu’à exercer la même maîtrise sur les individus. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison que cet ouvrage s’intitule L’Homme aboli 3.
La crise actuelle permet d’accélérer cette dernière étape. Dans Le Figaro du 13 avril dernier, le commissaire européen Thierry Breton affirmait ainsi que huit pays européens travaillent à une application de traçage pour lutter contre le virus. Le même numéro du quotidien indiquait également qu’Apple et Google, jusqu’ici concurrents, se sont alliés pour mettre au point une telle application. Malheureusement, le passé a montré ce qu’il advient des décisions prises dans l’urgence pour répondre à une situation de crise et sur lesquelles on ne revient jamais par la suite.
Catholiques en milieu difficile
Devant cette situation, prier, réfléchir, se former, se soutenir, travailler pour demain deviennent encore plus nécessaire. Plus que jamais, L’Homme Nouveau entend aller dans ce sens. S’il est encore trop tôt pour dire ce que sera demain, il n’est pas trop tôt pour s’y préparer. Dans la panoplie de campagne du catholique en milieu hostile, ou pour le moins difficile, le soutien de votre magazine, de nos livres et de notre effort pour comprendre et transmettre ne seront certainement pas de trop. Notre joie ne consiste pas seulement à travailler pour demain, mais dans l’assurance que Celui pour lequel nous œuvrons a déjà remporté la victoire. Vous le savez, le Christ est ressuscité ! Et, franchement, il s’agit là d’un gage insurpassable d’espérance.
1. Si vous ne les recevez pas, adressez-nous un courriel à : communication@hommenouveau.fr
2. Sur ce sujet, voir le dossier de la revue Catholica que nous présentons p. 27.
3. Friedrich H. Tenbruck, L’Homme aboli, Éditions de L’Homme Nouveau, 264 p., 19 €.