L’Unique nécessaire
Nous vivons actuellement une période agitée, tant au plan politique que spirituel, dans une sorte d’accélération de l’Histoire, comme si notre monde ressentait le besoin impulsif d’une course en avant. Mais, en avant, vers où ? Trois jours passés dans une abbaye bénédictine ont donné à cette question une réponse d’une imposante évidence. Jésus-Christ est l’alpha et l’omega, le début et la fin de notre Histoire. Celle des hommes, en général, et celle de chaque homme en particulier ! À regarder la belle communauté qui m’accueillait avec générosité, je voyais combien ces hommes avaient vraiment choisi l’Unique nécessaire : Dieu, Lui-même. Je ne dirais pas comme nombre de médias qui s’intéressent à la vie monastique, qu’il y a « encore » aujourd’hui de tels hommes. La fatuité de cette remarque moderne m’a toujours marqué. Il y aura toujours des hommes et des femmes qui cherchent Dieu d’abord, qui s’enferment pour vivre avec Lui, et qui, comme des phares immobiles, en temps calme comme en temps de tempête, signalent au monde que Dieu nous est, à tous, l’Unique nécessaire.
Accueil et réfugiés
La Règle de saint Benoît invite la communauté monastique à l’accueil. C’est une invitation pressante, et qui a ses exigences. Le moine accueille sans se poser de questions, mais le monastère ne se laisse pas envahir. La Règle et les coutumes qui le régissent s’imposent à tous. Et, bien sûr, tous sont soumis à la loi divine. Le Pape François a appelé l’ensemble des communautés religieuses et des paroisses à accueillir les familles de réfugiés. Dans un entretien accordé à la radio catholique portugaise, « Renaissance », il a estimé également que les risques d’infiltration de terroristes étaient réels. Récemment, des anciens combattants des services spéciaux américains ont lancé le même avertissement, expliquant les moyens ainsi offerts aux membres des groupes islamistes pour pénétrer en Europe, s’offrir une nouvelle identité et se préparer à entrer en action le moment venu.
Si l’accueil est un devoir du chrétien, le problème se pose actuellement à une telle échelle que sa solution est résolument d’ordre politique. Marcel Clément soulignait naguère dans L’Homme Nouveau que l’immigration voyait deux droits fondamentaux entrer en collision. L’un est celui à l’émigration, que l’Église a toujours défendu. L’autre est le devoir d’un pays de sauvegarder son identité. Quand ces deux droits s’entrechoquent, seule la primauté du bien commun donne le critère d’une véritable action politique. C’est dire qu’il ne peut y avoir aujourd’hui de politique commune des différents pays européens à ce sujet. C’est dire aussi que le gouvernement d’une nation peut avoir le devoir de prendre des décisions pour sauvegarder la stabilité du pays et éviter qu’il ne tombe dans le chaos. C’est dire encore qu’en temps de guerre terroriste, la réponse de la seule générosité n’est pas suffisante. Chesterton, en 1908, a bien décrit la situation intellectuelle dans laquelle se trouve l’Europe aujourd’hui : « Le monde moderne est envahi des vieilles vertus chrétiennes devenues folles. Les vertus sont devenues folles pour avoir été isolées les unes des autres, contraintes à errer chacune en sa solitude. Nous voyons des savants épris de vérité, mais leur vérité est impitoyable ; des humanitaires uniquement soucieux de pitié, mais leur pitié – je regrette de le dire – est souvent mensongère. » (1)
Et demain ?
Aujourd’hui, nous n’avons pas seulement des gouvernements qui suivent de faux principes. Nous n’avons pas seulement des institutions qui portent davantage au mal qu’au bien. Nous sommes également confrontés à l’absence criante de responsables politiques à la hauteur de la situation. Nous mangeons les fruits amers d’une déconstruction menée depuis longtemps qui a aussi bien vidé les esprits qu’amolli les caractères. Nous sommes confrontés au double échec de l’utopie. Celle des Lumières et de son incarnation politique dans la Révolution de 1789 et de ses suites ; celle de la chimère mondialiste, qui s’est imposée dans les ruines de la Seconde Guerre mondiale. L’une des conséquences de ce double échec a été la politique folle menée par l’Occident (États-Unis et Europe) au Proche-Orient, laquelle a profondément déstabilisé cette région du monde, favorisant le réveil de l’islamisme et l’exode de milliers de personnes. Il est plus que temps de faire un examen de conscience à ce sujet et de réparer les fautes commises. S’il est inhumain d’avoir ébranlé les pays en question, il serait tout aussi inhumain de les vider à jamais de leurs habitants. L’Occident doit de toute urgence changer de politique au Proche-Orient et mettre fin à la menace de l’islamisme. Et s’il lui faut accueillir, avec une extrême prudence, il est aussi nécessaire qu’elle prépare le retour et le ré-enracinement des habitants de ces pays chez eux. Dans leur patrie et dans leur foyer.
1. Gilbert Keith Chesterton, Orthodoxie, trad. par Anne Joba, p. 11, Gallimard, coll. « Idées ».