Étrange ! Il y a quelques mois un bruit médiatique, d’origine italienne, s’était enflé, annonçant la démission du pape François, fin août 2022. La rumeur s’appuyait sur son projet de voyage à L’Aquila, dans les Abruzzes. C’est dans cette ville, victime en 2009 d’un tremblement de terre, que se trouve, en effet, le tombeau du pape Célestin V, le premier à avoir renoncé à sa charge en 1294. De là à voir un signe et un symbole… Certains commentateurs ont voulu croire que leur prédiction se réaliserait.
Le dimanche 28 août, François s’est bien rendu à L’Aquila, mais contrairement à Benoît XVI il n’y a pas déposé son pallium au tombeau de Célestin V, annonce prémonitoire de sa démission en 2013. En revanche, il a créé la veille 21 nouveaux cardinaux, renforçant ainsi le Sacré Collège et marquant de son empreinte décisive l’avenir de l’Église. Parmi eux, un Français, en la personne du cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille.
Malade et handicapé, contraint de se déplacer dans un fauteuil roulant, le Saint-Père n’en affiche pas moins une grande détermination. Il entend transformer l’Église, en poussant à son terme les conceptions nées au moment de Vatican II : une Église pauvre et purifiée des scories du passé, à l’écoute du monde plutôt qu’enseignant du haut de la chaire de Vérité, agissant avec humilité et disponible pour les grandes causes qui touchent l’humanité. Ce programme de transformation n’est pas encore abouti. Il doit d’ailleurs s’appliquer à deux niveaux : en changeant les mentalités des catholiques et en modifiant les structures mêmes de l’Église. François attend bien sûr des nouveaux cardinaux qu’ils entrent dans cette perspective, même si chacun garde sa propre personnalité, façonnée par des itinéraires et des cultures bien différents. N’empêche ! François prépare bien l’Église de demain. Sur les 132 cardinaux actuellement électeurs en cas de conclave, 83 ont été créés par le pape actuel.
Vous avez dit « salut des âmes » ?
Mais l’Église, on le sait, ne se limite ni à la papauté ni au Sacré Collège ni aux structures créées pour soutenir sa mission. Corps mystique du Christ, elle est là, au-delà des membres qui la composent ou des structures qui la soutiennent, pour donner la foi qui elle-même procure la vie éternelle. Toute réforme en son sein, toute action accomplie en son nom, tout projet porté par ses membres, ne devrait finalement exister que dans la perspective du salut des âmes. Dans son austérité même, le Code de droit canonique le souligne, en rappelant que « le salut des âmes doit toujours être dans l’Église la loi suprême ». À l’heure où l’on parle beaucoup du renouveau de l’Église, ce souci semble pourtant avoir (presque) totalement disparu. Il y a là matière à interrogation.
Pour une éducation chrétienne intégrale
Ce n’est d’ailleurs pas la seule. Accueillant aujourd’hui un grand nombre d’enfants de France, parfois très éloignés de l’Église, l’école catholique devrait se placer plus que jamais dans cette perspective. Le fait-elle ? Malgré des exceptions notables, ce n’est majoritairement pas le cas. L’avertissement de Pie XI, en 1929, dans son encyclique sur l’éducation chrétienne de la jeunesse (Divini Illius Magistri) reste à ce sujet d’une brûlante actualité : « au lieu de diriger leurs visées vers Dieu, premier principe et fin dernière de tout l’univers, ils se replient et se reposent sur eux-mêmes, s’attachant exclusivement aux choses terrestres et éphémères. C’est pourquoi leur agitation sera continuelle et sans fin tant qu’ils ne tourneront pas leurs regards et leur activité vers l’unique but de la perfection qui est Dieu ».
Des parents inquiets se sont tournés de ce fait vers les écoles indépendantes (ou hors contrat) d’inspiration catholique, soucieux d’y trouver un enseignement et un climat conformes aux exigences de la foi catholique. Dans ce numéro, Michel Valadier, le nouveau directeur de la Fondation pour l’école, explique largement les raisons et les besoins de ces écoles indépendantes. Il est clair que pour celles d’entre elles qui se réclament de la foi catholique, l’enjeu de la liberté scolaire ne se limite pas à la pédagogie, au choix des programmes et des professeurs, ni même au climat moral. Toutes les écoles catholiques, dépendantes de l’enseignement diocésain ou indépendantes, sont appelées à être missionnaires. C’est-à-dire à œuvrer dans la perspective du salut des âmes. L’enjeu ne touche d’ailleurs pas seulement les individus eux-mêmes et leurs familles. Plus largement, c’est l’avenir de l’Église qui se prépare à travers une éducation intégralement chrétienne.