Deo gratias !
Ça y est ! Nous avons repris le chemin de nos églises pour participer à nouveau au culte public de l’Église. Certes, nous devons encore maintenir la distance avec ceux qui sont – quand même ! – nos frères dans la foi, agir comme s’ils étaient, et nous avec eux, des pestiférés en puissance. Mais nous y sommes enfin.
Monsieur Castaner, ministre de l’Intérieur et, à ce titre, ministre des Cultes d’un État laïc(iste), a bien tenté, le dimanche 3 mai, une petite leçon de liturgie, en affirmant, dans un français tout aussi approximatif que ses connaissances religieuses :
« Je pense que la prière elle se fait dans un rapport à celui que l’on accompagne, célèbre, chacun choisira le mot en fonction de sa religion et soi-même, et n’a pas forcément besoin de lieu de rassemblement où on ferait courir un risque à l’ensemble de la communauté religieuse. »
En vain !
Au ministre des Cultes, conseillons la lecture de la préface générale de L’Année liturgique de dom Guéranger :
« La prière est pour l’homme le premier des biens. Elle est sa lumière, sa nourriture, sa vie même, puisqu’elle le met en rapport avec Dieu, qui est lumière, nourriture et vie. Mais, de nous-mêmes, nous ne savons pas prier comme il faut ; il est nécessaire que nous nous adressions à Jésus-Christ, et que nous lui disions comme les Apôtres : Seigneur, enseignez-nous à prier. (…) Or, sur cette terre, c’est dans la sainte Église que réside ce divin Esprit. (…) La prière de l’Église est donc la plus agréable à l’oreille et au cœur de Dieu, et, partant, la plus puissante. »
En quelques phrases sont donc condensées ici l’importance primordiale de la prière publique, celle du corps du Christ qu’est l’Église, et la raison pour laquelle nous désirions retrouver nos églises pour « être agréable à l’oreille et au cœur de Dieu ». Grâce à l’intervention de quelques-uns – et au référé soutenu par L’Homme Nouveau –, nous pouvons à nouveau prier dans nos églises. Deo gratias !
Modernité technologique et vie sacramentelle
Le temps est donc venu aussi de regarder sous un nouveau jour la place d’Internet, des réseaux sociaux et des écrans dans notre vie chrétienne. Ne le cachons pas : ces moyens, dont nous nous méfions spontanément et avec raison, ont permis de faire face à une situation imprévue et de réagir dans l’urgence. Quelle sera leur place demain dans la vie habituelle des chrétiens ? Des questions, inimaginables avant le confinement, ont ainsi surgi : pourquoi ne pouvons-nous pas nous confesser par téléphone ou par visioconférence ? L’assistance à la messe par le biais d’un écran peut-elle être habituellement possible ? Fidèles à nos exigences – recul et approfondissement – nous avons voulu traiter ces questions dans le dossier de ce numéro qui affronte finalement les rapports de la modernité technologique et de la vie sacramentelle. Elles impliquaient pour y répondre correctement de rappeler succinctement ce que sont un sacrement et les conditions de sa validité. Elles obligent aussi à prendre en compte la réalité – réalité de nos conditions (quel malade cloué au lit n’éprouve pas du bonheur à suivre la messe à la télévision ou par le biais d’Internet ?) mais aussi réalité de ce que sont exactement les sacrements.
Génération de héros et de saints ?
Dans notre dernier numéro, je soulignais l’espérance que portait en elle la génération actuelle des jeunes catholiques, ceux que le sociologue Yann Raison du Cleuziou a qualifiés de « catholiques observants ». Décomplexée, soucieuse d’une vie de foi et d’une affirmation de son identité dans la vie sociale et politique, cette génération n’est pas simplement une vue de l’esprit, une idée d’intellectuel en chambre, un raccourci facile pour sociologue en mal de classement. Ayant passé quatre jours avec un petit échantillon d’entre eux, originaires de toute la France, j’ai été frappé par la tranquille affirmation de leur foi, par la conscience qu’ils ont de leurs faiblesses, par leur désir d’occuper leur place dans la société, par leur souci de formation et le calme aveu de leurs manques en la matière.
Quatre jours, avec un petit échantillon, c’est évidemment bien peu pour espérer le retour de Saint Louis à la tête du pays. Mais c’est suffisant pour ne plus jamais nous laisser aller au désespoir, si jamais nous en avions eu la tentation. Dans ce numéro, le philosophe Robert Redeker s’inquiète de la disparition des héros et des saints de notre univers mental. Il est évidemment trop tôt pour le voir mais il est pourtant certain que les graines de l’héroïsme chrétien et de la sainteté ont été plantées et qu’elles vont finir par éclore complètement.