Notre quinzaine : l’histoire au croisement de nos destins

Publié le 15 Juin 2021
Notre quinzaine : l'histoire au croisement de nos destins L'Homme Nouveau

Mythologie du Code Napoléon

Dans une société qui repose sur l’exaltation du progrès sans fin et sur le refus des racines, la place qu’occupe l’Histoire dans le cœur des Français montre paradoxalement les manques qu’ils ressentent. Ce besoin de permanence et de continuité que nous ne trouvons plus dans les cadres et les mœurs de notre époque, nous allons le satisfaire étrangement dans les souvenirs d’hier. Certains étrangers affirment même qu’il n’y a qu’en France que l’on se bat au sujet du passé.

L’actualité récente semble leur donner raison. Le bicentenaire de la mort de Napoléon (cf. L’HN n° 1738) a par exemple déchaîné les passions. Certains auraient voulu que l’on passe sous silence jusqu’au nom de l’Empereur et il semble qu’Emmanuel Macron ait longtemps hésité sur la ligne à suivre. Finalement, le Président de la République a reconnu les zones d’ombre de la politique napoléonienne – le rétablissement de l’esclavage, par exemple – tout en magnifiant l’homme des Lumières. Apparemment, il n’a pas vu le lien éventuel entre les deux et nous ne saurions pour notre part trop renvoyer à l’œuvre du professeur Xavier Martin (1) sur l’anthropologie anti-humaine des Lumières, fondée sur une vision mécaniste et sensualiste, et inscrite dans le marbre du code civil… napoléonien.

Un modèle : le Père Planchat

Autre exemple de bataille autour du passé : les suites données à la procession organisée à Paris le samedi 29 mai pour honorer les martyrs chrétiens de la Commune. Agressés violemment par des Antifas, les participants ont été mis en cause également par une tribune signée par quinze catholiques et publiée dans le quotidien La Croix (2 juin). Un instant, on a cru revivre la lutte entre Versaillais et communards, les uns soupçonnés de pactiser avec l’ordre bourgeois représenté par les premiers, les autres se sentant des affinités avec les seconds, au nom de valeurs censées être partagées par la Commune et l’enseignement social chrétien. Sur le cadre de la querelle, on renverra plus sérieusement aux travaux des historiens et notamment à notre dossier sur la Commune (cf. L’HN n° 1736 du 22 mai dernier). Sur le fond : ni Versailles, ni la Commune, les deux finalement communiant dans une même anthropologie issue des Lumières et de la Révolution, contraire à la vision chrétienne de l’homme et de la société. S’il fallait choisir, tournons-nous plutôt vers la figure du Père Planchat, assassiné par des communards et dont la cause de béatification a été introduite. On pourra difficilement soupçonner ce religieux de Saint-Vincent-de-Paul, apôtre des humbles et des pauvres, d’avoir pactisé avec « la bourgeoisie capitaliste ». L’historien Martin Dumont qualifie même sa famille religieuse de « congrégation anti-bourgeoise par essence », en raison de son refus originel de la Révolution et du libéralisme. À l’image du Christ, son divin modèle, qui a refusé le piège dialectique de l’enfermement dans lequel voulaient le conduire ses adversaires à propos de l’impôt (choisir entre l’occupant et Dieu), le Père Planchat s’est donné entièrement à sa mission de prêtre, jusqu’au don du sang. Le rôle des chrétiens dans la société n’est donc certainement pas d’être les supplétifs de positions séculières souvent contraires à la tradition sociale et politique de l’Église.

Théologie politique

Histoire encore avec une longue réflexion publiée par Jacques Julliard dans Le Figaro (7 juin) sur le retour du religieux à l’échelle du monde, même si l’Europe s’enfonce, elle, toujours plus dans la sécularisation, se montrant de ce fait incapable de régler le problème posé par l’islam. Homme cultivé, Julliard rappelle quelques aspects historiques et philosophiques du rapport entre le religieux et le politique. Il s’inquiète à juste raison du « silence proprement sidérant » de l’Église catholique à ce sujet. Face au retour de cette question, posée aujourd’hui aux sociétés européennes par la présence massive de l’islam, faut-il pour autant prôner comme il le fait la séparation du temporel et du spirituel ? C’est revenir en fait au cadre actuel, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il est incapable aussi bien d’affronter l’islam que les angoisses existentielles de l’homme contemporain. Repensons plutôt à frais nouveaux la distinction du temporel et du spirituel propre à la tradition chrétienne. Mentalement et pratiquement, il est en effet temps que les catholiques sortent du processus d’intégration-dilution que l’on nous propose comme seul horizon. L’heure est plutôt à l’affrontement chrétien des problèmes du temps.

1. Voir notamment Mythologie du Code Napoléon, DMM, 2003.

Ce contenu pourrait vous intéresser

ÉditorialJubilé 2025

Bonne année 2025 : Une invitation à l’espérance ! 

Éditorial de Maitena Urbistondoy | Bonne année ! Ce souhait universel pourrait revêtir, pour les chrétiens, une signification bien plus profonde qu’une simple formule de politesse et devenir une invitation à tourner nos cœurs vers Dieu et à transformer cette nouvelle année en un temps de grâce et de renouveau. L’année 2025 sera marquée par un Jubilé universel placé sous le thème des « Pèlerins d’Espérance ».

+

espérance
Éditorial

Noël, l’inexplicable au risque de nos familles

L'Éditorial du Père Danziec | Les liens de famille, étroitement attachés à la célébration de Noël, doivent s’appuyer sur des repères solides, des sentiments nobles, des attitudes vraies où toujours l’emporte, dans les paroles et les actes, l’incarnation vivante d’un amour intact pour son prochain le plus proche. L’avenir des familles passe par la spiritualité de Bethléem.

+

famille Noël
ÉditorialSpiritualité

Jerzy Popiełuszko, un prêtre pour la patrie

Édito du Père Danziec | Éveilleur de consciences, le père Jerzy Popiełuszko aura jeté à la face du communisme et l’intrépidité de sa jeunesse et son amour du Christ. Lors de ses funérailles, un immense panneau sera suspendu au-dessus de son cercueil portant l’inscription: « Bóg – Honor – Ojczyzna / Dieu – Honneur – Patrie ».

+

Popiełuszko
ÉditorialChrétiens dans le monde

Jerzy Popiełuszko (1/3) : Prêtre jusqu’à la croix

Dossier : « Martyre du père Popiełuszko : la force irrésistible de la vérité » | Jerzy Popieluzsko (1947-1984) est resté dans les mémoires à l’Ouest comme victime et martyr des dernières heures du communisme en Pologne. Simple prêtre, et malgré une santé fragile, il montra dès sa jeunesse et son service militaire un esprit de résistance aux persécutions du régime. Refusant de céder aux intimidations et poursuites, il persévéra dans la foi et le service de ses ouailles et compatriotes ce qui lui vaudra la haine finalement mortelle des communistes.

+

Popieluszko celebration Europeana 07 Popiełuszko
ÉditorialDoctrine socialeLettre Reconstruire

Le Christ-Roi : pierre angulaire de la doctrine sociale de l’Église

Lettre Reconstruire n° 41 | Éditorial | Le 11 décembre 1925, le pape Pie XI publiait Quas primas, une encyclique consacrée au Christ-Roi. Il y précisait la doctrine de l’Église à ce sujet et instituait une fête liturgique, fixée le dernier dimanche d’octobre. Importante liturgiquement, la royauté du Christ constitue aussi la pierre angulaire de l’enseignement social de l’Église.

+

Christ roi de l'univers christ-roi